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CLASSIQUEMENT, adverbe.

Publié le 13/11/2015

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CLASSIQUE, adjectif et substantif.  

I.—  Emploi adjectival. 

A.—  ESTHÉTIQUE.  

1. LITTÉRATURE.  

a) [Appliqué à un écrivain de l'antiquité gréco-latine, ou à sa langue] 

—  Vieux.  Considéré comme un excellent auteur par ses contemporains et, postérieurement, par les admirateurs de l'antiquité : 

Ø 1. Il sera, je crois, utile, pour que mes romans ne me tournent pas la tête, d'y mêler la lecture de l'antiquité classique, et des philosophes surtout. Peut-être alors dominerai-je assez mes romans pour qu'ils ne m'entraînent pas comme ils font.

JULES MICHELET, Journal,  1820, page 107. 

—   [Appliqué au berceau de la culture classique, la Grèce, l'Italie]  Cette terre classique et historique où Virgile et Le Tasse ont chanté (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 4, 1848, page 124 ). 

—  Moderne.  [Appliqué à un enseignement]  Qui comporte l'étude des langues grecques et latines (ou l'une de ces deux langues). Culture, enseignement classique; langues, lettres classiques. Croyez-moi, faites vos études classiques. Rien ne remplace ce fonds-là (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 4, 1855, page 86) : 

Ø 2. Il n'y a pas d'enseignement qui soit par lui-même démocratique ou aristocratique. Taine a vu dans l'enseignement classique et dans les vieilles humanités la source de l'esprit révolutionnaire. Personne ne croit plus à ce rapport artificiel. Il serait aussi vain de penser avec tel instituteur que le latin, langue des curés, ne saurait que véhiculer une influence cléricale. Et pareillement que les langues et les sciences contiennent une vertu démocratique.

ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature,  1936, page 250. 

b) [Appliqué à un écrivain français ou à un genre littéraire des XVIIe.  et XVIIIe.  siècle; par extension, à tout écrivain consacré] 

—  Sens strict.  [par opposition à baroque]  Qui s'inspire de l'antiquité par les thèmes développés, la pureté de la langue et le respect de certaines règles établies. École classique (confer classicisme); genre, littérature, poésie, théâtre classique. C'est de Sénèque que sortira toute la tragédie classique en France (ROBERT BRASILLACH, Pierre Corneille,  1938, page 44) : 

Ø 3. Il est vrai, répondit le comte d'Erfeuil, que nous avons en ce genre les véritables autorités classiques; Bossuet, La Bruyère, Montesquieu, Buffon, ne peuvent être surpassés; surtout les deux premiers, qui appartiennent à ce siècle de Louis XIV, qu'on ne saurait trop louer, et dont il faut imiter, autant qu'on le peut, les parfaits modèles.

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Corinne ou l'Italie, tome 1, 1807, page 325. 

—  Spécialement. Répertoire classique. Qui ne comporte que des oeuvres classiques (Confer Émile Zola, La Curée, 1872, page 508). 

—   [Souvent opposé à romantique]  Fidèle à la tradition de l'antiquité ou des écrivains qui s'en réclament. Une épitre, conçue dans le goût classique et composée en vers alexandrin (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Copains,  1913, page 71) : 

Ø 4. On prend quelquefois le mot classique comme synonyme de perfection. Je m'en sers ici dans une autre acception, en considérant la poésie classique comme celle des anciens, et la poésie romantique comme celle qui tient de quelque manière aux traditions chevaleresques.

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, De l'Allemagne, tome 2, 1810, page 129. 

c) Par extension.  [Appliqué à tout écrivain consacré]  Qui est digne d'accéder, par la qualité littéraire de ses écrits, au patrimoine culturel de son pays. Pas d'art classique, sans une élite, car c'est l'époque qui fait l'oeuvre classique (HENRI MASSIS, Jugements,  1924, page 262) : 

Ø 5. J'appellerais volontiers classiques tous les ouvrages réguliers, ceux qui satisfont l'esprit non seulement par une peinture exacte ou grandiose, ou piquante des sentiments et des choses, mais encore par l'unité...

EUGÈNE DELACROIX, Journal, tome 3, 1863, page 23. 

d) Par analogie.  ÉCONOMIE POLITIQUE.  École classique. Groupe d'économistes anglais et français que l'on considère comme les fondateurs de l'économie politique. Les économistes classiques en réclamèrent, et à bon droit, la suppression (de la grande industrie) (ÉMILE DURKHEIM, De la division du travail social,  1893, page XXVI. ). 

2. BEAUX-ARTS.  

a) ARCHITECTURE.   [Appliqué à un monument]  Qui s'inspire des édifices de l'antiquité et plus spécialement de la Grèce. Les belles proportions des hôtels qui dressaient leurs ordres classiques (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie en fleur,  1922, page 322 ). 

·    Quelquefois. Style classique. Synonyme : style de la Renaissance (Confer Albert Lenoir, L'Architecture monastique, tome 1, 1852, page XVI). 

b) DANSE.  Danse classique. Ensemble de pas et de mouvements servant de base à la danse enseignée dans les écoles de danse : 

Ø 6. Au lieu de mimer la pyrrhique,

Qu'autrefois on nous enseigna,

Danse noble, danse classique,

En tous lieux maintenant voilà

Qu'on danse une chose excentrique

Et sans nom, qui ressemble à ça...

HENRI MEILHAC, LUDOVIC HALÉVY, La Belle Hélène,  1865, III, 5, page 265. 

c) MUSIQUE.  Musique classique. Qui est conforme aux principes enseignés dans les écoles de musique. Concert classique. Composé uniquement d'oeuvres classiques. Le dimanche il s'en fut au « concert classique » entendre Les Béatitudes de César Franck (FRANCIS DE MIOMANDRE, Écrit sur de l'eau.  1908, page 164 ). 

Remarque : Sens attesté depuis DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE  (PAUL ROBERT) 1953 avec la précision suivante : \" Musique qui appartient à une période (...) dont Jean-Sébastien Bach est le principal représentant \" 

d) PEINTURE, SCULPTURE.   [Souvent opposé à Rococo]  Qui s'inspire des modèles antiques. C'est de lui [Vien] que date la peinture classique (THÉOPHILE GAUTIER, Guide de l'amateur au Musée du Louvre,  1872, page 180 ). 

·    Par analogie. Beauté classique. Qui est conforme aux canons de la beauté antique. Ses formes n'offraient pas les sévères lignes sculpturales de la beauté classique (LÉON CLADEL, Ompdrailles, le tombeau des lutteurs,  1879, page 103 ). 

B.—  Dans la langue courante.  Qui est conforme au bon goût traditionnel. 

1. [Appliqué à une personne]  Qui ne s'écarte pas du bon usage, des règles établies. Je faisais ma cour, bien classique et bien bourgeoise (PAUL VERLAINE, Œuvres complètes, tome 4, Mémoires d'un veuf, 1886, page 210 ). 

—   [Appliqué à une toilette]  Qui est sobre, de bon goût. Gina (...) n'aimait que les robes classiques et sages, presque droites (JEAN-GEORGES SOULÈS, DIT RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques,  1946, page 124 ). 

—  Emploi comme substantif masculin. Berthe aussi s'habille très bien (...) Elle ne porte que du classique (JULES RENARD, Comédies, Le Pain de ménage, 1899, page 68 ). 

2. Familier.  [Appliqué à un procédé, un comportement]  Habituel, ordinaire. Il est classique que. Il est courant que. Je prends la route d'Hermance et refais ma promenade classique (HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime,  1866, page 157) : 

Ø 7. Quoique je sois redevenue plus aguichante et gentille, il ne me dit plus rien de la chose, et il ne se décide pas davantage à tenter une nouvelle attaque directe, pas même le coup classique du bouton de culotte à recoudre... Un coup grossier, mais qui ne rate pas souvent son effet... En ai-je recousu, mon dieu, de ces boutons-là!...

OCTAVE MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre,  1900, page 106. 

—   [Par analogie avec le syntagme terre classique (supra I A 1 a)]  Terre, sol classique de. Terre habituelle, berceau de... Cette terre classique du banditisme [la Corse] (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Histoire corse, 1881, page 43 ). Le pays de Walter Scott, terre classique des ballades et des romances (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 4, 1904-06, page 97 ). 

C.—  PÉDAGOGIE et COMMERCE.  Qui sert dans les écoles de base d'étude à l'enseignement. Livres classiques. Livres de classe. Je le fais recevoir dans les lycées [votre ouvrage] au nombre des livres classiques (VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, tome 5, 1814, page 154 ).  Librairie classique. Où l'on vend des ouvrages scolaires. L'écolier, que le hasard mène dans une de nos grandes librairies classiques (STÉPHANE MALLARMÉ, La Dernière mode,  1874, page 743 ). 

—   [Appliqué à une théorie] :

Ø 8. Au premier abord il nous semble que les théories ne durent qu'un jour et que les ruines s'accumulent sur les ruines. Un jour elles naissent, le lendemain elles sont à la mode, le surlendemain elles sont classiques, le troisième jour elles sont surannées et le quatrième elles sont oubliées.

HENRI POINCARÉ, La Valeur de la science,  1905, page 268. 

II.—  Emploi comme substantif (généralement masculin par ellipse d'auteur, d'ouvrage, de genre) 

A.—  ESTHÉTIQUE.  

1. [Appliqué à une personne] 

a) LITTÉRATURE.  

—   Écrivain de l'antiquité; par extension toute personne nourrie de culture classique : 

Ø 9.... tout homme qui a la tête meublée de ces beaux mots des Anciens, qui s'en souvient en pensant et en parlant, et qui tient à en faire ressouvenir les autres, est un classique.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, tome 13, 1863-69, page 284. 

—   Écrivain de l'époque classique française. Une collection de classiques; connaître ses classiques par coeur. La querelle des romantiques et des classiques (CHARLES PÉGUY, L'Argent,  1913, page 1123 ). Un Racine apprivoisé, un classique qui traîne dans tous les livres de classe des lycées (JULIEN GREEN, Journal,  1946, page 81 ). 

—   Auteur (de pays ou d'époque divers) digne de servir de modèle aux générations futures. Le maître certain du conte, le classique du conte (Maupassant) (ALBERT THIBAUDET, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours,  1936, page 376 ). 

b) BEAUX-ARTS.  

—  MUSIQUE.  Musicien classique : 

Ø 10. Il n'avait pas assez de sarcasmes pour ces pontifes de conservatoires, interprétant les grands hommes du passé en « classiques ».

—  « Classique! ce mot dit tout. La libre passion, arrangée, expurgée à l'usage des écoles! La vie, cette plaine immense que balayent les vents, —  renfermée entre les quatre murs d'une cour de gymnase! Le rythme sauvage et fier d'un coeur frémissant, réduit au tic tac de pendule d'une mesure à quatre temps, qui va tranquillement son petit bonhomme de chemin, clochant du pied et béquillant sur le temps fort!

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, page 436. 

—  PEINTURE.  Peintre classique. C'est un classique (Degas) par sa passion du vrai, son amour du moment où il vit (CAMILLE MAUCLAIR, Les Maîtres de l'impressionnisme,  1904, page 100 ). 

2. [Appliqué à une oeuvre ou à un genre] 

—  LITTÉRATURE.  

a) Livre classique. À côté des classiques (...) de magnifiques dictionnaires (STÉPHANE MALLARMÉ, La Dernière mode,  1874, page 777 ). 

b) Rare [Avec une valeur collective]  Genre classique. Synonyme : classicisme. Votre théorie littéraire sur le classique et le romantique n'est pas erronée (VICTOR HUGO, Correspondance,  1824, page 387 ).  Confer aussi Balzac, Petites misères de la vie conjugale, 1846, page 138 : Petit-Bon-Homme-vit-encore avait abandonné le classique de sa jeunesse pour le romantique à la mode. 

—  MUSIQUE.  Pièce de musique, répertoire classique. L'orchestre joue du classique (RAYMOND QUENEAU, Loin de Rueil,  1944, page 196 ). 

—  Par analogie.  CINÉMA.  Film reconnu par tous comme un modèle du genre. Ils projettent des classiques et des documentaires (JEAN-PAUL SARTRE, La Mort dans l'âme,  1949, page 30 ). 

B.—  SPORTS.   [Au féminin par ellipse de épreuve]  Une classique. Épreuve sportive traditionnelle de grand renom. Ses qualités lui permettent d'être un vainqueur de n'importe quelle classique (L'Auto, 1er.  août 1933, page 2 dans A. O. GRUBB, French sports neologisms, 1937 ). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2 111. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 1 739, b) 1 937; XXe.  siècle : a) 3 463, b) 4 373. 

CLASSIQUEMENT, adverbe.  

De manière classique. 

A.—  LITTÉRATURE.   [En relation avec classique I A 1 a] :

Ø ... c'était une bande d'écoliers et de pousse-cailloux jouant aux merelles qui se levait en masse et les saluait classiquement de quelque huée en latin : eia! eia! Claudius cum claudo!

VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris,  1832, page 195. 

—  Par ironie. La pièce de l'académicien Ponsard est tombée honteusement, à plat, classiquement (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1860, page 386 ). Ces femmes bégueulement chastes, classiquement voluptueuses (de l'école de David) (CHARLES BAUDELAIRE, Curiosités esthétiques,  1867, page 151 ). 

B.—  [En relation avec classique I A 2]  Les quatre morceaux de la symphonie en mi mineur de Sibelius (...) ne sont point construits classiquement (ALFRED BRUNEAU, La Musique française,  1901, page 140 ). 

—   [En relation avec une beauté classique]  Cette pose sculpturale et classiquement belle de jeune fille assise aux bras nus (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 160 ). 

C.—  Par extension.  [En relation avec classique I B]  Habituellement, ordinairement. Ces fugues sont fréquentes. Ça se termine classiquement par une rentrée au bercail (LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers,  1936, page 402 ). 

Remarque générale : Attesté dans les dictionnaires depuis Grand dictionnaire universel du XIXe.  siècle (Pierre Larousse). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2 

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