CIVILISATEUR, -TRICE, adjectif.
Publié le 13/11/2015
Extrait du document
CIVILISATION, substantif féminin.
A.— Emploi imperfectif. Fait pour un peuple de quitter une condition primitive (un état de nature) pour progresser dans le domaine des moeurs, des connaissances, des idées. Le développement, les étapes, les progrès, le cycle, le cours, l'avenir de la civilisation. Les Allemands, comme tous les peuples de civilisation encore un peu primitive, pratiquent facilement les vertus naturelles et, en particulier, celle de l'hospitalité (JOSEPH, CHEVALIER DE PRADEL DE LAMASE, Nouvelles Notes intimes d'un émigré, Paris, Émile-Paul, 1914-20 [1817] , page 45) :
Ø 1. La civilisation n'est nécessaire qu'à l'époque où les hommes, devenus trop nombreux pour vivre du produit de leurs chasses et de la pêche, sont obligés de se courber vers la terre pour en tirer leur subsistance. C'est alors que les loix, la subordination, les prestiges du gouvernement, deviennent indispensables.
MICHEL-GUILLAUME-JEAN, DIT SAINT-JOHN DE CRÈVECOEUR, Voyage dans la Haute Pensylvanie et dans l'état de New-York, tome 2, 1801, page 210.
Ø 2. Les Mexicains et les Péruviens, ces peuples naturellement si doux et déjà avancés en civilisation, offraient chaque année à leurs dieux un grand nombre de victimes humaines;...
JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, page 298.
Ø 3. C'est l'effet et le but de la civilisation, de faire prévaloir la douceur et les bons sentiments sur les appétits sauvages.
CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 5, 1859, page 235.
— Par analogie. [En parlant de l'organisation sociale de certains animaux] :
Ø 4.... les trigones et les mélipones, qui sont de véritables abeilles domestiques, mais d'une civilisation moins avancée, ne construisent leurs cellules d'élevage que sur un rang...
MAURICE MAETERLINCK, La Vie des abeilles, 1901, page 139.
— Par métonymie. [La civilisation étant considérée comme un idéal dynamique, comme un mouvement universel vers une certaine perfection, comme une force de développement matériel, intellectuel, social] Il n'y eut jamais de conquêtes durables que celles de la civilisation dans sa vigueur sur la barbarie, ou celles des peuples neufs sur la civilisation corrompue et mourante (FÉLICITÉ-ROBERT DE LAMENNAIS, De la Religion considérée dans ses rapports avec l'ordre politique et civil, 1826, page 213) :
Ø 5.... toutes les acquisitions de l'humanité pendant des siècles de civilisation sont là, (...), déposées dans la science (...), dans la tradition, dans les institutions, dans les usages, dans la syntaxe et le vocabulaire de la langue (...) et jusque dans la gesticulation des hommes...
HENRI BERGSON, Les Deux sources de la morale et de la religion, 1932, page 83.
B.— Emploi perfectif. État plus ou moins stable (durable) d'une société qui, ayant quitté l'état de nature, a acquis un haut développement :
Ø 6. Rome et Athènes, parties de l'état de nature pour arriver au dernier degré de civilisation, remontent l'échelle entière des vertus et des vices, de l'ignorance et des arts.
FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 2, 1803, page 78.
1. [Cet état considéré du point de vue des facteurs qui le conditionnent] Sans le langage articulé, la civilisation n'existerait pas (ALEXIS CARREL, L'Homme cet inconnu, 1935, page 113 ).
2. [Cet état considéré du point de vue des éléments qui le composent et/ou le caractérisent]
a) Ensemble transmissible des valeurs (intellectuelles, spirituelles, artistiques) et des connaissances scientifiques ou réalisations techniques qui caractérisent une étape des progrès d'une société en évolution. La civilisation semble d'abord devoir concentrer de plus en plus notre attention vers les soins de notre seule existence matérielle (AUGUSTE COMTE, Cours de philosophie positive,tome 4, 1839-42, page 500) :
Ø 7. La civilisation est un trésor lentement formé, c'est un legs. J'entends par civilisation les objets, les richesses créées, les institutions.
MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 2, 1898-1902, page 98.
Ø 8.... une civilisation ne se mesure pas à la rapidité des voyages ni au confort de la vie matérielle, mais, comme le royaume de Dieu, elle réside au-dedans de nous et se rattache à une certaine vertu de l'âme.
FRANÇOIS MAURIAC, Journal 3, 1940, page 237.
— Par métonymie. Milieu humain que constitue un tel ensemble. Toute sa civilisation [celle que conçoit, dans laquelle vit le philosophe] est composée d'écrans, d'amortisseurs. D'un entrecroisement de schémas intellectuels. D'un échange de signes (PAUL NIZAN, Les Chiens de garde, 1932, page 145 ).
Remarque : Civilisation corrélé à la notion de « société » se différencie de culture, corrélé à la notion d'« individu ». La pensée moderne parfois souligne ce qui rapproche les deux termes :
Ø 9.... la civilisation, c'est de la culture qu'on applique et qui régit jusqu'à nos actions les plus subtiles, (...); et c'est artificiellement qu'on sépare la civilisation de la culture et qu'il y a deux mots pour signifier une seule et identique action.
ANTONIN ARTAUD, Le Théâtre et son double, 1939, page 12.
Ø 10. L'individu devient un problème de notre temps : la hiérarchie des esprits devient une difficulté de notre temps, où il y a comme un crépuscule des demi-dieux, c'est-à-dire de ces hommes (...), auxquels nous devons l'essentiel de ce que nous appelons culture, connaissance et civilisation.
PAUL VALÉRY, Variété IV, 1938, page 233.
b) [Cet ensemble caractérisé par un de ses aspects d'après sa situation historique ou géographique] La civilisation grecque, la civilisation classique ou moderne. Notre éclatante civilisation du dix-huitième siècle (JACQUES BAINVILLE, Histoire de France, tome 1, 1924, page 278) :
Ø 11. L'inégalité de l'éducation et de la lumière est le grand obstacle à notre civilisation complète moderne. Le peuple est maître, mais il n'est pas capable de l'être;...
ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833) ou Note d'un voyageur, tome 1, 1835, page 136.
SYNTAXE : La civilisation française, anglaise, babylonienne, etc.; une civilisation primitive, rudimentaire, moderne, avancée; une civilisation guerrière; la civilisation du livre, de l'image; une langue, un mot de civilisation; une aire de civilisation.
— [D'après le ou les domaine(s) où se forment ces valeurs ou d'après un trait fondamental dominant] La civilisation intellectuelle, morale, industrielle, mécanique, etc.; la civilisation du fer, du bronze, de la machine. Est-ce qu'on peut imaginer une civilisation de la nèfle! Nous sommes de la civilisation de l'olive, nous autres. Nous aimons l'huile forte, l'huile verte (JEAN GIONO, Chroniques, Noé, 1947, page 56 ).
c) [Cet ensemble jugé dans sa globalité ou dans un de ses éléments ou à une de ses étapes] La civilisation ne mérite pas son nom, si elle ne répare pas le mal qu'elle cause, si elle ne donne pas le remède aux maux qu'elle engendre (A. DE VALON, Les Prisons de la France sous le régime républicain dans Revue des Deux-Mondes, 1er. juin. 1848, page 9) :
Ø 12.... par elle-même, la civilisation n'a pas de valeur intrinsèque et absolue; ce qui en fait le prix, c'est qu'elle correspond à certains besoins.
ÉMILE DURKHEIM, De la division du travail social, 1893, page 17.
— [Le jugement est favorable, l'accent étant mis sur le haut degré de perfection] La vie d'une société est sa civilisation et non sa durée (LOUIS-GABRIEL A. DE BONALD, Essai analytique sur les lois naturelles de l'ordre social, 1800, page 134 ). Notre civilisation se définit par le bien de l'homme (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1934, page 1210 ). Nous sommes arrivés à un degré de civilisation, d'où nous ne pouvons plus retourner en arrière (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Dans la maison, 1909, page 1070 ).
— [Souvent péjoratif ou ironique, selon des critères variés] L'antithèse entre le hideux envers de la civilisation et ses brillants dehors (PAUL BOURGET, Nos actes nous suivent, 1926, page 81) :
Ø 13.... la civilisation nous a donné des besoins, des vices, des appétits factices qui ont parfois l'influence de nous faire étouffer nos bons instincts et qui nous conduisent au mal.
ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Cristo, tome 1, 1846, page 201.
Ø 14. Le grand peuple pingouin n'avait plus ni traditions, ni culture intellectuelle, ni arts. Les progrès de la civilisation s'y manifestaient par l'industrie meurtrière, la spéculation infâme, le luxe hideux.
ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Île des pingouins, 1908, page 395.
Ø 15. Les illusions bourgeoises concernant la science et le progrès techniques, partagées par les socialistes autoritaires, ont donné naissance à la civilisation des dompteurs de machine qui peut, par la concurrence et la domination, se séparer en blocs ennemis mais qui, sur le plan économique, est soumise aux mêmes lois : accumulation du capital, production rationalisée et sans cesse accrue.
ALBERT CAMUS, L'Homme révolté, 1951, page 270.
STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 3 656. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 5 990, b) 2 730; XXe. siècle : a) 4 445, b) 6 300.
CIVILISATEUR, -TRICE, adjectif.
Qui civilise (confer civiliser B).
A.— [Le substantif désigne une personne] L'Europe admirait dans Ibrahim-Pacha un conquérant civilisateur (ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833) ou Note d'un voyageur, tome 1, 1835, page 451 ).
B.— [Le substantif désigne une manifestation, une oeuvre de l'esprit humain] La mission civilisatrice de la France est rendue sensible à chacun (LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, page 491) :
Ø 1.... un très petit nombre de personnes sont à un degré suffisant de culture pour ressentir, repenser l'esprit profond de cette tragédie qui est une pièce civilisatrice. D'Iphigénie sort une puissance capable de faire des philosophes stoïciens, — comme du Cid, d'Horace et de Polyeucte sortait une puissance capable de faire des individus qui se sacrifient.
MAURICE BARRÈS, Le Voyage de Sparte, 1906, page 154.
Ø 2.... un des effets les plus éminemment civilisateurs de l'oeuvre d'art, je veux parler de ce retour sur soi auquel tout spectateur est porté devant une représentation de l'être humain qu'il sent vraie et uniquement soucieuse du vrai.
JULIEN BENDA, La Trahison des clercs, 1927, page 87.
Remarque : Il semble que civilisateur tende à s'intégrer à une notion de transformation morale, notamment lorsque le complément désigne moins une masse prise comme telle que les personnes dont se compose la masse (confer exemple 1 et 2).
— Emploi comme substantif, rare. Celui qui propage, qui développe la civilisation parmi les peuples. Les races inférieures, comme le nègre émancipé, montrent d'abord une monstrueuse ingratitude envers leurs civilisateurs (ERNEST RENAN, Drames philosophiques, Caliban, 1878, V, 1, page 433 ).
STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 70.
CIVILISATEUR, -TRICE, adjectif.
Qui civilise (confer civiliser B).
A.— [Le substantif désigne une personne] L'Europe admirait dans Ibrahim-Pacha un conquérant civilisateur (ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833) ou Note d'un voyageur, tome 1, 1835, page 451 ).
B.— [Le substantif désigne une manifestation, une oeuvre de l'esprit humain] La mission civilisatrice de la France est rendue sensible à chacun (LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, page 491) :
Ø 1.... un très petit nombre de personnes sont à un degré suffisant de culture pour ressentir, repenser l'esprit profond de cette tragédie qui est une pièce civilisatrice. D'Iphigénie sort une puissance capable de faire des philosophes stoïciens, — comme du Cid, d'Horace et de Polyeucte sortait une puissance capable de faire des individus qui se sacrifient.
MAURICE BARRÈS, Le Voyage de Sparte, 1906, page 154.
Ø 2.... un des effets les plus éminemment civilisateurs de l'oeuvre d'art, je veux parler de ce retour sur soi auquel tout spectateur est porté devant une représentation de l'être humain qu'il sent vraie et uniquement soucieuse du vrai.
JULIEN BENDA, La Trahison des clercs, 1927, page 87.
Remarque : Il semble que civilisateur tende à s'intégrer à une notion de transformation morale, notamment lorsque le complément désigne moins une masse prise comme telle que les personnes dont se compose la masse (confer exemple 1 et 2).
— Emploi comme substantif, rare. Celui qui propage, qui développe la civilisation parmi les peuples. Les races inférieures, comme le nègre émancipé, montrent d'abord une monstrueuse ingratitude envers leurs civilisateurs (ERNEST RENAN, Drames philosophiques, Caliban, 1878, V, 1, page 433 ).
Liens utiles
- Définition: FABULATEUR, -TRICE, adjectif et substantif.
- Définition: EXTERMINATEUR, -TRICE, adjectif et substantif.
- Définition: EXTINCTEUR, -TRICE, adjectif et substantif.
- Définition: EXTINCTEUR, -TRICE, adjectif et substantif.
- Définition: EXCITO-MOTEUR, -TRICE, adjectif.