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chef, et dans ce cas comme dans tous les autres, la décision définitive semble être précédée d'un sondage de l'opinion ublique : l'héritier désigné est aussi le plus favorisé par la majorité.

Publié le 06/01/2014

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chef, et dans ce cas comme dans tous les autres, la décision définitive semble être précédée d'un sondage de l'opinion ublique : l'héritier désigné est aussi le plus favorisé par la majorité. Mais ce ne sont pas seulement les voeux et les xclusives du groupe qui limitent le choix du nouveau chef ; ce choix doit aussi répondre aux plans de l'intéressé. Il n'est as rare que l'offre du pouvoir se heurte à un refus véhément : « Je ne veux pas être le chef. » Dans ce cas, il faut rocéder à un nouveau choix. En effet, le pouvoir ne semble pas faire l'objet d'une ardente compétition, et les chefs que 'ai connus se plaignaient plus volontiers de leurs lourdes charges et de leurs multiples responsabilités qu'ils n'en tiraient n sujet d'orgueil. Quels sont donc les privilèges du chef et quelles sont ses obligations ? Quand, aux environs de 1560, Montaigne rencontra à Rouen trois Indiens brésiliens ramenés par un navigateur, il emanda à l'un d'eux quels étaient les privilèges du chef (il avait dit « le roi ») dans son pays ; et l'indigène, chef luiême, répondit que c'était marcher le premier à la guerre. Montaigne relata l'histoire dans un célèbre chapitre des Essais en s'émerveillant de cette fière définition. Mais ce fut pour moi un plus grand motif d'étonnement et d'admiration que de recevoir quatre siècles plus tard exactement la même réponse. Les pays civilisés ne témoignent pas d'une égale constance dans leur philosophie politique ! Si frappante qu'elle soit, la formule est moins significative encore que le nom qui sert à désigner le chef dans la langue nambikwara. Uilikandé semble vouloir dire « celui qui unit » ou « celui qui lie nsemble ». Cette étymologie suggère que l'esprit indigène est conscient de ce phénomène que j'ai déjà souligné, c'est-àdire que le chef apparaît comme la cause du désir du groupe de se constituer comme groupe, et non comme l'effet du esoin d'une autorité centrale ressenti par un groupe déjà constitué. Le prestige personnel et l'aptitude à inspirer confiance sont le fondement du pouvoir dans la société nambikwara. ous deux sont indispensables à celui qui deviendra le guide de cette aventureuse expérience : la vie nomade de la saison èche. Pendant six ou sept mois, le chef sera entièrement responsable de la direction de sa bande. C'est lui qui organise le départ pour la vie errante, choisit les itinéraires, fixe les étapes et la durée des stations. Il décide les expéditions de chasse, de pêche, de collecte et de ramassage, et il arrête la politique de la bande vis-à-vis des groupes voisins. Lorsque le hef de bande est en même temps un chef de village (en donnant au mot village le sens restreint d'installation semiermanente pour la saison des pluies), ses obligations vont plus loin. C'est lui qui détermine le moment et le lieu de la vie édentaire ; il dirige le jardinage et choisit les cultures ; plus généralement, il oriente les occupations en fonction des esoins et des possibilités saisonnières. Il faut noter immédiatement que le chef ne trouve d'appui, pour ces fonctions multiples, ni dans un pouvoir précisé, i dans une autorité publiquement reconnue. Le consentement est à l'origine du pouvoir, et c'est aussi le consentement ui entretient sa légitimité. Une conduite répréhensible (du point de vue indigène s'entend), ou des manifestations de auvaise volonté de la part d'un ou deux mécontents, peuvent compromettre le programme du chef et le bien-être de sa petite communauté. Dans une pareille éventualité cependant, le chef ne dispose d'aucun pouvoir de coercition. Il ne peut e débarrasser des éléments indésirables que dans la mesure où il est capable de faire partager son opinion par tous. Il lui faut donc faire preuve d'une habileté qui relève du politicien cherchant à conserver une majorité indécise, plutôt que 'un souverain tout-puissant. Il ne suffit même pas qu'il maintienne la cohérence de son groupe. Bien que la bande vive pratiquement isolée pendant la période nomade, elle n'oublie pas l'existence des groupes voisins. Le chef ne doit pas seulement bien faire ; il doit essayer - et son groupe compte sur lui pour cela - de faire mieux que les autres. Comment le chef remplit-il ces obligations ? Le premier et le principal instrument du pouvoir consiste dans sa générosité. La générosité est un attribut essentiel du pouvoir chez la plupart des peuples primitifs et très particulièrement en Amérique ; elle joue un rôle, même dans ces cultures élémentaires où tous les biens se réduisent à des objets grossiers. Bien que le chef ne semble pas jouir d'une situation privilégiée au point de vue matériel, il doit avoir sous la main des excédents de nourriture, d'outils, d'armes et d'ornements qui pour être infimes, n'acquièrent pas moins une valeur considérable du fait de la pauvreté générale. Lorsqu'un individu, une famille, ou la bande tout entière ressent un ésir ou un besoin, c'est au chef qu'on fait appel pour le satisfaire. Ainsi, la générosité est la qualité essentielle qu'on ttend d'un nouveau chef. C'est la corde, constamment frappée, dont le son harmonieux ou discordant donne au onsentement son degré. On ne saurait douter qu'à cet égard, les capacités du chef ne soient exploitées jusqu'au bout. es chefs de bande étaient mes meilleurs informateurs et, conscient de leur position difficile, j'aimais les récompenser ibéralement, mais j'ai rarement vu un de mes présents rester dans leurs mains pour une période supérieure à quelques ours. Chaque fois que je prenais congé d'une bande après quelques semaines de vie commune, les indigènes avaient eu e temps de devenir les heureux propriétaires de haches, de couteaux, de perles, etc. Mais en règle générale, le chef se trouvait dans le même état de pauvreté qu'au moment de mon arrivée. Tout ce qu'il avait reçu (qui était considérablement au-dessus de la moyenne attribuée à chacun) lui avait déjà été extorqué. Cette avidité collective accule souvent le chef à une sorte de désespoir. Le refus de donner tient alors à peu près la même place, dans cette démocratie primitive, que la question de confiance dans un parlement moderne. Quand un chef en vient à dire : « C'est fini de donner ! C'est fini d'être généreux ! Qu'un autre soit généreux à ma place ! », il doit vraiment être sûr de son pouvoir, car son règne est en train de passer par sa crise la plus grave. L'ingéniosité est la forme intellectuelle de la générosité. Un bon chef fait preuve d'initiative et d'adresse. C'est lui qui prépare le poison des flèches. C'est lui aussi qui fabrique la balle de caoutchouc sauvage employée dans les jeux auxquels on se livre à l'occasion. Le chef doit être un bon chanteur et un bon danseur, un joyeux luron toujours prêt à distraire la bande et à rompre la monotonie de la vie quotidienne. Ces fonctions conduiraient facilement au chamanisme, et certains chefs sont également des guérisseurs et des sorciers. Cependant les préoccupations mystiques restent toujours à l'arrière-plan chez les Nambikwara, et lorsqu'elles se manifestent, les aptitudes magiques sont réduites au rôle d'attributs secondaires du commandement. Plus fréquemment, le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel sont partagés entre deux individus. À cet égard, les Nambikwara diffèrent de leurs voisins du nord-ouest, les Tupi-Kawahib, chez lesquels le chef est aussi un chaman adonné aux rêves prémonitoires, aux visions, aux transes et aux dédoublements. Mais bien qu'orientées dans une direction plus positive, l'adresse et l'ingéniosité du chef nambikwara n'en sont pas moins étonnantes. Il doit avoir une connaissance consommée des territoires fréquentés par son groupe et par les groupes voisins, être un habitué des terrains de chasse et des bosquets d'arbres à fruits sauvages, savoir pour chacun d'eux la période la plus favorable, se faire une idée approximative des itinéraires des bandes voisines : amicales ou hostiles. Il est constamment parti en reconnaissance ou en exploration et semble voltiger autour de sa bande plutôt que la conduire. À part un ou deux hommes sans autorité réelle, mais qui sont prêts à collaborer contre récompense, la passivité de la bande fait un singulier contraste avec le dynamisme de son conducteur. On dirait que la bande, ayant cédé certains avantages au chef, attend de lui qu'il veille entièrement sur ses intérêts et sur sa sécurité. Cette attitude est bien illustrée par l'épisode déjà relaté du voyage au cours duquel, nous étant égarés avec des provisions insuffisantes, les indigènes se couchèrent au lieu de partir en chasse, laissant au chef et à ses femmes le soin de remédier à la situation. J'ai fait plusieurs fois allusion aux femmes du chef. La polygamie, qui est pratiquement son privilège, constitue la compensation morale et sentimentale de ses lourdes obligations en même temps qu'elle lui donne un moyen de les remplir. Sauf de rares exceptions, le chef et le sorcier seuls (et encore, quand ces fonctions se partagent entre deux individus) peuvent avoir plusieurs femmes. Mais il s'agit là d'un type de polygamie assez spéciale. Au lieu d'un mariage lural au sens propre du terme, on a plutôt un mariage monogame auquel s'ajoutent des relations de nature différente. a première femme joue le rôle habituel de la seule épouse dans les mariages ordinaires. Elle se conforme aux usages de a division du travail entre les sexes, prend soin des enfants, fait la cuisine et ramasse les produits sauvages. Les unions ostérieures sont reconnues comme des mariages, elles relèvent cependant d'un autre ordre. Les femmes secondaires ppartiennent à une génération plus jeune. La première femme les appelle « filles » ou « nièces ». De plus, elles 'obéissent pas aux règles de la division sexuelle du travail, mais prennent indifféremment part aux occupations asculines ou féminines. Au camp, elles dédaignent les travaux domestiques et restent oisives, tantôt jouant avec les nfants qui sont en fait de leur génération, tantôt caressant leur mari pendant que la première femme s'affaire autour du oyer et de la cuisine. Mais quand le chef part en expédition de chasse ou d'exploration, ou pour quelque autre entreprise asculine, ses femmes secondaires l'accompagnent et lui prêtent une assistance physique et morale. Ces filles d'allure arçonnière, choisies parmi les plus jolies et les plus saines du groupe, sont pour le chef des maîtresses plutôt que des pouses. Il vit avec elles sur la base d'une camaraderie amoureuse qui offre un frappant contraste avec l'atmosphère onjugale de la première union. Alors que les hommes et les femmes ne se baignent pas en même temps, on voit parfois le mari et ses jeunes femmes rendre ensemble un bain, prétexte à de grandes batailles dans l'eau, à des tours et à d'innombrables plaisanteries. Le oir, il joue avec elles, soit amoureusement - se roulant dans le sable enlacés à deux, trois ou quatre - soit de façon uérile : par exemple le chef wakletoçu et ses deux plus jeunes femmes, étendus sur le dos, de manière à dessiner sur le ol une étoile à trois branches, lèvent leurs pieds en l'air et les heurtent mutuellement, plante des pieds contre plante des ieds, sur un rythme régulier. L'union polygame se présente ainsi comme une superposition d'une forme pluraliste de camaraderie amoureuse au ariage monogame, et en même temps comme un attribut du commandement doté d'une valeur fonctionnelle, tant au oint de vue psychologique qu'au point de vue économique. Les femmes vivent habituellement en très bonne intelligence t, bien que le sort de la première femme semble parfois ingrat - travaillant pendant qu'elle entend à ses côtés les éclats e rire de son mari et de ses petites amoureuses et assiste même à de plus tendres ébats - elle ne manifeste pas 'aigreur. Cette distribution des rôles n'est, en effet, ni immuable ni rigoureuse, et, à l'occasion, bien que plus rarement, e mari et sa première femme joueront aussi ; elle n'est en aucune façon exclue de la vie gaie. De plus, sa participation oindre aux relations de camaraderie amoureuse est compensée par une plus grande respectabilité, et une certaine utorité sur ses jeunes compagnes. Ce système entraîne de graves conséquences pour la vie du groupe. En retirant périodiquement des jeunes femmes du ycle régulier des mariages, le chef provoque un déséquilibre entre le nombre de garçons et de filles d'âge matrimonial. es jeunes hommes sont les principales victimes de cette situation et se voient condamnés soit à rester célibataires endant plusieurs années, soit à épouser des veuves ou de vieilles femmes répudiées par leurs maris. Les Nambikwara résolvent aussi le problème d'autre manière : par les relations homosexuelles qu'ils appellent oétiquement : tamindige kihandige, c'est-à-dire « l'amour-mensonge ». Ces relations sont fréquentes entre jeunes gens et se déroulent avec une publicité beaucoup plus grande que les relations normales. Les partenaires ne se retirent pas dans la brousse comme les adultes de sexes opposés. Ils s'installent auprès d'un feu de campement sous l'oeil amusé des voisins. L'incident donne lieu à des plaisanteries généralement discrètes ; ces relations sont considérées comme infantiles, et l'on n'y prête guère attention. La question reste douteuse de savoir si ces exercices sont conduits jusqu'à la satisfaction complète, ou se limitent à des effusions sentimentales accompagnées de jeux érotiques tels que ceux et celles qui caractérisent, pour la plus large part, les relations entre conjoints. Les rapports homosexuels sont permis seulement entre adolescents qui se trouvent dans le rapport de cousins croisés, c'est-à-dire dont l'un est normalement destiné à épouser la soeur de l'autre à laquelle, par conséquent, le frère sert provisoirement de substitut. Quand on s'informe auprès d'un indigène sur des rapprochements de ce type, la réponse est toujours la même : « Ce sont des cousins (ou beaux-frères) qui font l'amour. » À l'âge adulte, les beaux-frères continuent à manifester une grande liberté. Il n'est pas rare de voir deux ou trois hommes, mariés et pères de famille, se promener le soir tendrement enlacés. Quoi qu'il en soit de ces solutions de remplacement, le privilège polygame qui les rend nécessaires représente une concession importante que le groupe fait à son chef. Que signifie-t-il du point de vue de ce dernier ? L'accès à de jeunes et jolies filles lui apporte d'abord une satisfaction, non point tant physique (pour les raisons déjà exposées) que sentimentale. Surtout, le mariage polygame et ses attributs spécifiques constituent le moyen mis par le groupe à la disposition du chef, pour l'aider à remplir ses devoirs. S'il était seul, il pourrait difficilement faire plus que les autres. Ses femmes secondaires, libérées par leur statut particulier des servitudes de leur sexe, lui apportent assistance et réconfort. Elles sont en même temps la récompense du pouvoir et son instrument. Peut-on dire, du point de vue indigène, que le prix en vaut la peine ? Pour répondre à cette question, nous devons envisager le problème sous un angle plus général et nous demander ce que la bande nambikwara, considérée comme une structure sociale élémentaire, apprend sur l'origine et la fonction du pouvoir. On passera rapidement sur une première remarque. Les faits nambikwara s'ajoutent à d'autres pour récuser la vieille théorie sociologique, temporairement ressuscitée par la psychanalyse, selon laquelle le chef primitif trouverait son prototype dans un père symbolique, les formes élémentaires de l'État s'étant progressivement développées, dans cette hypothèse, à partir de la famille. À la base des formes les plus grossières du pouvoir, nous avons discerné une démarche décisive, qui introduit un élément nouveau par rapport aux phénomènes biologiques : cette démarche consiste dans le consentement. Le consentement est à la fois l'origine et la limite du pouvoir. Des relations en apparence unilatérales, telles qu'elles s'expriment dans la gérontocratie, l'autocratie ou toute autre forme de gouvernement, peuvent se onstituer dans des groupes de structure déjà complexe. Elles sont inconcevables dans des formes simples d'organisation ociale, telles que celle qu'on a essayé de décrire ici. Dans ce cas, au contraire, les relations politiques se ramènent à une orte d'arbitrage entre, d'une part, les talents et l'autorité du chef, de l'autre, le volume, la cohérence et la bonne volonté u groupe ; tous ces facteurs exercent les uns sur les autres une influence réciproque. On aimerait pouvoir montrer l'appui considérable que l'ethnologie contemporaine apporte, à cet égard, aux thèses es philosophes du XVIIIe siècle. Sans doute le schéma de Rousseau diffère-t-il des relations quasi contractuelles qui xistent entre le chef et ses compagnons. Rousseau avait en vue un phénomène tout différent, à savoir la renonciation, ar les individus, à leur autonomie propre au profit de la volonté générale. Il n'en reste pas moins vrai que Rousseau et es contemporains ont fait preuve d'une intuition sociologique profonde quand ils ont compris que des attitudes et des léments culturels tels que le « contrat » et le « consentement » ne sont pas des formations secondaires, comme le rétendaient leurs adversaires et particulièrement Hume : ce sont les matières premières de la vie sociale, et il est mpossible d'imaginer une forme d'organisation politique dans laquelle ils ne seraient pas présents. Une seconde remarque découle des considérations précédentes : le consentement est le fondement psychologique du pouvoir, mais dans la vie quotidienne il s'exprime par un jeu de prestations et de contre-prestations qui se déroule ntre le chef et ses compagnons, et qui fait de la notion de réciprocité un autre attribut fondamental du pouvoir. Le chef a le pouvoir, mais il doit être généreux. Il a des devoirs, mais il peut obtenir plusieurs femmes. Entre lui et le groupe s'établit un équilibre perpétuellement renouvelé de prestations et de privilèges, de services et d'obligations. Mais, dans le cas du mariage, il se passe quelque chose de plus. En concédant le privilège polygame à son chef, le groupe échange les éléments individuels de sécurité garantis par la règle monogame contre une sécurité collective, attendue de l'autorité. Chaque homme reçoit sa femme d'un autre homme, mais le chef reçoit plusieurs femmes du roupe. En revanche, il offre une garantie contre le besoin et le danger, non pas aux individus dont il épouse les soeurs ou les filles, non pas même à ceux qui se trouveront privés de femmes en conséquence du droit polygame ; mais au groupe considéré comme un tout, car c'est le groupe considéré comme un tout qui a suspendu le droit commun à son profit. Ces réflexions peuvent présenter un intérêt pour une étude théorique de la polygamie ; mais surtout, elles rappellent que la onception de l'État comme un système de garanties, renouvelée par les discussions sur un régime national d'assurances tel que le plan Beveridge et d'autres), n'est pas un phénomène purement moderne. C'est un retour à la nature ondamentale de l'organisation sociale et politique. Tel est le point de vue du groupe sur le pouvoir. Quelle est, maintenant, l'attitude du chef lui-même vis-à-vis de sa onction ? Quels mobiles le poussent à accepter une charge qui n'est pas toujours réjouissante ? Le chef de bande

« on selivre àl’occasion.

Lechef doitêtre unbon chanteur etun bon danseur, unjoyeux lurontoujours prêtàdistraire la bande etàrompre lamonotonie delavie quotidienne.

Cesfonctions conduiraient facilementauchamanisme, etcertains chefs sontégalement desguérisseurs etdes sorciers.

Cependant lespréoccupations mystiquesrestenttoujours à l’arrière-plan chezlesNambikwara, etlorsqu’elles semanifestent, lesaptitudes magiques sontréduites aurôle d’attributs secondaires ducommandement.

Plusfréquemment, lepouvoir temporel etlepouvoir spirituel sontpartagés entredeux individus.

Àcet égard, lesNambikwara diffèrentdeleurs voisins dunord-ouest, lesTupi-Kawahib, chezlesquels lechef est aussi unchaman adonnéauxrêves prémonitoires, auxvisions, auxtranses etaux dédoublements. Mais bienqu’orientées dansunedirection pluspositive, l’adresse etl’ingéniosité duchef nambikwara n’ensontpas moins étonnantes.

Ildoit avoir uneconnaissance consomméedesterritoires fréquentés parson groupe etpar lesgroupes voisins, êtreunhabitué desterrains dechasse etdes bosquets d’arbresàfruits sauvages, savoirpourchacun d’euxla période laplus favorable, sefaire uneidée approximative desitinéraires desbandes voisines : amicalesouhostiles.

Ilest constamment partienreconnaissance ouenexploration etsemble voltiger autourdesabande plutôtquelaconduire. À part unou deux hommes sansautorité réelle,maisquisont prêts àcollaborer contrerécompense, lapassivité dela bande faitunsingulier contraste avecledynamisme deson conducteur.

Ondirait quelabande, ayantcédécertains avantages auchef, attend deluiqu’il veille entièrement surses intérêts etsur sasécurité. Cette attitude estbien illustrée parl’épisode déjàrelaté duvoyage aucours duquel, nousétant égarés avecdes provisions insuffisantes, lesindigènes secouchèrent aulieu departir enchasse, laissant auchef etàses femmes lesoin de remédier àla situation. J’ai fait plusieurs foisallusion auxfemmes duchef.

Lapolygamie, quiestpratiquement sonprivilège, constitue la compensation moraleetsentimentale deses lourdes obligations enmême tempsqu’elle luidonne unmoyen deles remplir.

Saufderares exceptions, lechef etlesorcier seuls(etencore, quandcesfonctions separtagent entredeux individus) peuventavoirplusieurs femmes.Maisils’agit làd’un typedepolygamie assezspéciale.

Aulieu d’un mariage plural ausens propre duterme, onaplutôt unmariage monogame auquels’ajoutent desrelations denature différente. La première femmejouelerôle habituel delaseule épouse danslesmariages ordinaires.

Elleseconforme auxusages de la division dutravail entrelessexes, prendsoindesenfants, faitlacuisine etramasse lesproduits sauvages.

Lesunions postérieures sontreconnues commedesmariages, ellesrelèvent cependant d’unautre ordre.

Lesfemmes secondaires appartiennent àune génération plusjeune.

Lapremière femmelesappelle « filles » ou« nièces ».

Deplus, elles n’obéissent pasaux règles deladivision sexuelle dutravail, maisprennent indifféremment partauxoccupations masculines ouféminines.

Aucamp, ellesdédaignent lestravaux domestiques etrestent oisives, tantôtjouant avecles enfants quisont enfait deleur génération, tantôtcaressant leurmari pendant quelapremière femmes’affaire autourdu foyer etde lacuisine.

Maisquand lechef partenexpédition dechasse oud’exploration, oupour quelque autreentreprise masculine, sesfemmes secondaires l’accompagnent etlui prêtent uneassistance physiqueetmorale.

Cesfilles d’allure garçonnière, choisiesparmilesplus jolies etles plus saines dugroupe, sontpour lechef desmaîtresses plutôtquedes épouses.

Ilvit avec ellessurlabase d’une camaraderie amoureusequioffre unfrappant contraste avecl’atmosphère conjugale delapremière union. Alors queleshommes etles femmes nesebaignent pasenmême temps, onvoit parfois lemari etses jeunes femmes prendre ensemble unbain, prétexte àde grandes batailles dansl’eau, àdes tours etàd’innombrables plaisanteries.Le soir, iljoue avec elles, soitamoureusement –se roulant danslesable enlacés àdeux, troisouquatre –soit defaçon puérile : parexemple lechef wakletoçu etses deux plusjeunes femmes, étendussurledos, demanière àdessiner surle sol une étoile àtrois branches, lèventleurspieds enl’air etles heurtent mutuellement, plantedespieds contre plantedes pieds, surunrythme régulier. L’union polygame seprésente ainsicomme unesuperposition d’uneforme pluraliste decamaraderie amoureuseau mariage monogame, eten même tempscomme unattribut ducommandement dotéd’une valeur fonctionnelle, tantau point devue psychologique qu’aupointdevue économique.

Lesfemmes viventhabituellement entrès bonne intelligence et, bien quelesort delapremière femmesemble parfoisingrat–travaillant pendantqu’elleentend àses côtés leséclats de rire deson mari etde ses petites amoureuses etassiste mêmeàde plus tendres ébats–elle nemanifeste pas d’aigreur.

Cettedistribution desrôles n’est, eneffet, niimmuable nirigoureuse, et,àl’occasion, bienqueplus rarement, le mari etsa première femmejoueront aussi ;ellen’est enaucune façonexclue delavie gaie.

Deplus, saparticipation moindre auxrelations decamaraderie amoureuseestcompensée parune plus grande respectabilité, etune certaine autorité surses jeunes compagnes. Ce système entrane degraves conséquences pourlavie dugroupe.

Enretirant périodiquement desjeunes femmes du cycle régulier desmariages, lechef provoque undéséquilibre entrelenombre degarçons etde filles d’âge matrimonial. Les jeunes hommes sontlesprincipales victimesdecette situation etse voient condamnés soitàrester célibataires pendant plusieurs années,soitàépouser desveuves oudevieilles femmes répudiées parleurs maris. Les Nambikwara résolventaussileproblème d’autremanière : parlesrelations homosexuelles qu’ilsappellent poétiquement : tamindige kihandige, c’est-à-dire « l’amour-mensonge ».

Cesrelations sontfréquentes entrejeunes gens et se déroulent avecunepublicité beaucoup plusgrande quelesrelations normales.

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