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-- C'est arrivé tard et je n'ai pas bien dormi.

Publié le 06/01/2014

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-- C'est arrivé tard et je n'ai pas bien dormi. -- Tu as vu ta figure ? Je voudrais que tu consultes un médecin. -- Mais non, je t'assure, tout va bien. Elle n'avait pas de temps à perdre. De retour à l'appartement, elle se hâta de photocopier ses documents. Elle déchargea les photos de son appareil, imprima celles qui lui semblaient les plus importantes ; tombant en arrêt devant un cliché sur lequel Yvan, son cahier en main, posait devant une fresque, elle l'imprima aussi. Après s'être assurée d'avoir rassemblé l'essentiel, elle prépara une grande enveloppe kraft. Désormais, ce serait peut-être l'unique moyen de communiquer avec Yvan. Tant qu'elle progresserait dans ses recherches, il resterait en vie. Mais si elle s'égarait, butait sur un obstacle, que se passerait-il ? Les ravisseurs d'Yvan l'obligeaient à coopérer jusqu'à ce qu'elle aboutisse, mais après ? Ils pouvaient se débarrasser de leur otage. Elle-même était en danger. Des dizaines de questions la torturaient. Elle dut répondre à l'appel de Jane qui avait préparé un déjeuner. Se forcer à manger. Sa tante avait décidé de ne plus la questionner. Le repas se déroula dans un silence pesant. À la fin, Marion déclara qu'elle avait besoin de prendre l'air. -- Je vais marcher un peu et faire les boutiques. -- Je peux t'accompagner si tu veux, dit Jane. -- C'est gentil, mais tu as mieux à faire. Tu verras, demain il n'y paraîtra plus. -- À ta guise. Jane regarda par la fenêtre sa nièce s'éloigner dans la rue, son sac sur l'épaule. Elle n'avait pas la démarche de quelqu'un qui s'en va flâner devant les vitrines. Jane se rendit alors dans la chambre de Marion, s'émut du désordre qui y régnait, et ouvrit l'armoire. La boîte s'y trouvait encore. À l'intérieur, le sachet de coke était vide. Elle revint fureter vers le bureau. L'imprimante de Marion clignotait. Jane alla chercher du papier pour recharger le bac. Elle relança l'impression, puis se résolut à ouvrir l'ordinateur portable de sa nièce. Un mot de passe lui barrait l'accès. Elle regarda les feuilles que l'imprimante commençait à cracher. Elle repensa soudainement à l'homme que fréquentait la jeune fille et porta son attention sur des documents qui montraient une fois encore des plans, des chiffres gribouillés, des éléments de phrase. Elle reconnut l'écriture de Marion, mais la seconde lui était inconnue. À plusieurs reprises, elle remarqua le prénom « Yvan ». Pour en savoir davantage, il lui faudrait se connecter à l'ordinateur. Jane essaya le prénom des parents de Marion. Ça ne donnait rien. Elle se leva, inspecta tous les recoins de la pièce, tomba sur un plan de Paris sur lequel sa nièce avait noté une adresse, puis s'attarda sur une vieille peluche qu'elle pensait disparue depuis longtemps. Quand Marion était enfant, elle la couvrait de baisers, se rappela Jane ; elle avait baptisé la peluche d'un surnom qu'elle avait inventé... « Honeylium », murmura Jane. Elle retourna devant le clavier et tapa ce nom en minuscules. L'écran s'illumina et révéla les applications restées ouvertes en arrière-plan. Jane cliqua sur l'icône représentant un timbre avec un aigle en vol. La messagerie s'ouvrit. Dans la zone de recherche, elle tapa le prénom « Yvan ». Moins d'une dizaine d'e-mails furent sélectionnés parmi les milliers de messages que comptait la boîte. Sans attendre, elle les ouvrit et les parcourut, le coeur battant. Elle avait découvert l'identité de l'homme que rencontrait Marion. Yvan Sauvage... Expert en art. Marion avait aussi noté ses coordonnées.   Quatorze heures cinq. Marion cliqua sur son Iphone et consulta le plan pour se rendre à l'adresse indiquée. Ligne 7, branche « Mairie d'Ivry ». Une boule au ventre, elle s'engouffra dans le métro. * Le commandant Morel avait réuni une partie de l'équipe dans son bureau. -- Récapitulons. Trois victimes, des femmes, agressées, torturées et assassinées par un ou plusieurs individus, probablement le ou les mêmes dans les trois cas. Les faits se sont sans doute déroulés dans les départements des Yvelines et de l'Essonne. Un témoin, par ailleurs mis en examen pour le vol d'un bijou sur l'un des cadavres, nie avoir pris part aux agressions et dément avoir un lien quelconque avec l'homme qui aurait enterré le dernier corps. N'empêche, Raymond Foulonneau est le seul, messieurs, qui a pu voir le ou l'un des tueurs présumés. Morel laissa un blanc. Il attendait une réaction dans le groupe. Le témoignage du clochard avait suscité des débats au sein des officiers, les uns accordant du crédit à son récit, d'autres pas. Lui, Morel, s'était laissé convaincre par le SDF. Comme le silence persistait, il reprit la parole. -- Ces actes criminels sont à rapprocher de ceux commis sur une autre femme, non identifiée à ce jour, et dont le corps a été retrouvé l'hiver dernier, immergé dans un étang, sur la commune du Raincy. À ces éléments s'ajoutent la découverte d'empreintes de pneus appartenant à une Ford Mondéo et relevées sur les lieux où ont été découverts les trois derniers corps. Il existe une probabilité que ce véhicule ait été utilisé par le ou les individus que nous recherchons. En résumé, nous avons des corps qui ont fini par parler, un témoin qui n'aurait plus rien à dire, et des pneus équipant les roues d'un modèle de voiture vendu à des centaines de milliers d'exemplaires sur le territoire français. Il nous reste à espérer que la Ford en question n'ait pas été immatriculée en Albanie... ou au Baloutchistan. À ce moment-là, l'un des officiers se tourna vers le collègue qui se tenait à son côté et lui glissa à l'oreille : -- Je le trouve bien optimiste aujourd'hui, le chef. 38 Yvan avait le visage tuméfié. Il était dans les griffes d'un dément qui le rouait de coups et lui infligeait brimade sur brimade. Son ravisseur l'avait sorti du coffre à demi inconscient avant de le traîner dans ce local méticuleusement entretenu, aussi propre qu'un bloc opératoire et où flottait une odeur écoeurante, mentholée. Étroitement accroché par des bracelets et des chaînes à deux pitons scellés dans le mur, il était quasiment impossible à Yvan de se mouvoir. Cette pièce ne lui inspirait rien qui vaille. Elle était aussi froide que la mort. Il n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait. Était-il loin de Paris ? Yvan cherchait inlassablement un moyen d'échapper à son tortionnaire. Papiers et stylomines étaient éparpillés sur une table installée près de lui. Ce serait son plan de travail. Le type qui le séquestrait l'en avait prévenu après lui avoir retiré son bâillon et avoir vérifié la longueur de ses chaînes. -- Crois pas que t'es logé et nourri ici à l'oeil. T'es là pour pondre quand on te dira de pondre. -- Je ne comprends pas... -- Fais pas semblant d'être con, en plus. T'auras ta doc, ton matos, tout ce que nous ramènera ta greluche, et tu continueras à faire tes calculs. S'agira pas de te planter, ma poule. On attend de toi des oeufs d'or. Compris ? Dans un coin de la pièce, posé sur un trépied, un appareil photo pointait sur Yvan un objectif macro. De ceux que les professionnels utilisent pour capter des détails indécelables à l'oeil nu, notamment chez les végétaux et les insectes. Yvan avait aussi remarqué le placard métallique, et il se demandait avec angoisse ce qu'il pouvait renfermer. La seule issue était une porte sécurisée. Ce qu'il avait sous les yeux n'avait pas été conçu pour lui seul. Cette idée terrifiante le hantait. Comme le hantait le fait que son agresseur ne lui avait pas bandé les yeux. Il avait vu son visage à plusieurs reprises. Ce manque de précaution indiquait qu'il était un otage condamné d'avance. Pire, il avait reconnu dans les traits de son bourreau le guide qui leur avait fait visiter la tour-lanterne du château de Chambord. Il s'en était aperçu en observant l'homme tandis qu'il téléphonait à la jeune femme pour la soumettre à son odieux chantage. Sans doute était-ce lui qui les avait suivis dans le parc de Fontainebleau, puis dans le cimetière de SaintBarthélemy, et jusque chez l'ancien diacre de Saint-Remi. Il les espionnait depuis le début. À présent, il se servait d'eux pour leur voler leur découverte. Il avait bombardé Yvan de questions sur l'hypothèse d'un dépôt royal, mais il en savait autant qu'eux. Yvan ne parvenait pourtant pas à voir dans ce branque le cerveau de l'affaire. Même un brillant autodidacte aurait eu du mal à les pister aussi efficacement dans leur enquête scientifique. Son geôlier n'était qu'un exécutant, un homme de main. Et il se comportait comme un fou furieux. Yvan crevait de peur, son seul espoir résidait dans Marion. Aurait-elle assez de ressources pour aboutir ? Assez de courage pour supporter tout cela ? « Ma vie est entre ses mains », pensa-t-il. Mais la reverrait-il un jour ? * Marion sortit du métro « Porte d'Italie » et continua à pied en direction du Kremlin-Bicêtre. Elle suivit l'itinéraire jusqu'à la rue Roger-Salengro. Régulièrement, elle jetait un regard derrière elle. Elle continuait d'avoir la sensation d'être épiée. Elle allongea le pas. Dans la rue Roger-Salengro, elle trouva l'impasse indiquée par son interlocuteur. Un passage étroit qui la fit se tenir sur ses gardes. Quelques mètres plus loin, elle aperçut un garage désaffecté. Les vitres étaient brisées, les murs tagués. La carcasse d'une vieille Audi barrait l'accès d'un portail aux battants dégondés. Elle contourna l'épave. Marion s'avança prudemment, pénétra dans l'ancien atelier, sous les poutrelles métalliques, et repéra la pièce qui avait abrité le bureau. Il y avait là un grand casier servant de boîte aux lettres. « L'étage du bas... », se répéta-t-elle. Alors qu'elle s'apprêtait à déposer la grosse enveloppe kraft, elle remarqua la présence d'un trousseau de clés au milieu de la boîte. Elle l'identifia à son anneau en cuir. C'était celui d'Yvan. Son coeur se mit à battre plus fort. Caché derrière les vitres crasseuses d'un entresol, Eddy avait observé l'arrivée de Marion dans le garage. Il avait eu un léger sourire en la voyant ralentir le pas, peu rassurée par les lieux. D'habitude, les badauds ne s'y risquaient pas. Il avait choisi l'endroit pour l'avoir repéré un jour dans ses maraudes. Il aimait les casses, les friches, les entrepôts à l'abandon, tous ces ossuaires industriels et mécaniques qui dégageaient une odeur de limaille, d'huile de vidange et d'acides, leurs relents de sueur et d'urine. Ces coins-là lui avaient servi de décor pour ses premiers exploits. Il avait les outils sur place, les poulies, les roulements à billes, les barres à mine, toute une quincaillerie dont il avait appris à faire usage. Il y retrouvait sa jeunesse, en somme. Celle de l'apprenti impulsif et trop pressant avec les filles. Il n'avait pas le baratin. Elles le repoussaient toujours quand il voulait d'elles. Mais il n'avait jamais payé pour les avoir. Plutôt crever. Maintenant, c'était quand et comme il le décidait. Les femmes ne le faisaient plus danser, il savait les prendre et les garder pour lui. De jolies poupées haletantes qu'il manipulait à sa guise. Et quand elles avaient servi, de la viande au frigo. Ce garage avait été squatté un temps, des seringues y traînaient encore au milieu de matelas défoncés, de détritus et de moteurs désossés. Une atmosphère. Ça lui plaisait d'y voir la gamine s'y aventurer. La boîte aux lettres portait des graffitis obscènes. Sûr qu'elle y avait jeté un oeil en déposant l'enveloppe. Il lui avait aussi réservé une surprise. De quoi faire son petit effet.  

« À ce moment-là, l’undes officiers setourna verslecollègue quisetenait àson côté etlui glissa à l’oreille : — Je letrouve bienoptimiste aujourd’hui, lechef.. »

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