BOMBARDE, substantif féminin.

BOMBARDE, substantif féminin. A.— ART MILITAIRE. 1. Vieux. Machine de guerre qui, à l'aide de cordes et de ressorts, servait à lancer des projectiles (boulets, etc.) : Ø 1.... balistes, catapultes et bombardes, toutes les machines de guerre en usage à cette époque furent mises en batterie pour le réduire [l'ouvrage avancé de Toro] . PROSPER MÉRIMÉE, Histoire de Don Pèdre Ier, roi de Castille, 1848, page 187. 2. Par extension. Bouche à feu servant à lancer des boulets : Ø 2. Les remparts, bastilles et boulevards furent munis de soixante et onze bouches à feu, tant canons que bombardes, sans compter les couleuvrines. ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Vie de Jeanne d'Arc, 1908, page 133. SYNTAXE : Une grosse bombarde; la bouche, la gueule, le feu des bombardes; faire tirer les bombardes. — [En signe d'accueil ou de fête] : Ø 3.... au milieu de la place, devant l'église, une espèce de bombarde devait signaler l'arrivée de M. le préfet et le nom des cultivateurs lauréats. GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 1, 1857, page 151. 3. Par métonymie. MARINE. vieux. Galiote à bombes. Équiper une bombarde. Navire-bombarde (ALFRED LEDIEU, ERNEST CADIAT, Le Nouveau matériel naval, tome 2, 1899). — Par extension. Petit navire à voilure semblable à celle de la galiote à bombes. Remarque : Sens attesté dans la plupart des dictionnaires généraux. 4. [Par analogie de forme] HABILLEMENT. Manches à la bombarde. Manches à gigots. Remarque : dans l'exemple suivant il pourrait s'agir d'un essai d'explication de la locution : Ø 4. On reconnaît précisément, aux défenses de l'abbé de Cîteaux, ces mêmes manches larges et bragardes, ces manches larges comme la bouche d'une bombarde, contre lesquelles tonnait alors en chaire le burlesque prédicateur Menot : la mode furieuse de 1504 nous est de tout point prouvée et constatée. CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 1, 1840, page 53. B.— MUSIQUE. 1. " Bombarde ou guimbarde. Instrument de fer, avec une languette d'acier, dont on joue en le tenant contre les dents; dites, rebute ou trompette-à-laquais " (Étienne Molard, Le Mauvais langage corrigé, 1810, page 47). 2. Petit hautbois qui accompagne le biniou aux fêtes de Bretagne (Confer Paul Féval, Le Fils du diable, tome 5, 1847, page 45) : Ø 5. Les deux tiers du sol (...) étaient possédés par de petits propriétaires, chez qui régnait la gaieté : une bombarde, une musette, et voici un bal... JEAN-BALTHASAR MALLARD, COMTE DE LA VARENDE, Contes fervents, Heureux les humbles, 1942, page 104. 3. Orgue. « Sur le clavier de bombarde [de l'orgue] quand il existe, on groupe les jeux les plus puissants, en particulier les jeux d'anche à grand fracas : bombarde de 16 pieds, trompette de 8, clairon de 4 » (HENRI BOUASSE, Instruments à vent, 1930, page 267 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 33. Forme dérivée du verbe "bombarder" bombarder BOMBARDER, verbe transitif. A.— ARTILLERIE, AVIATION MILITAIRE. Lancer, larguer des obus, des bombes. Bombarder un but, un objectif; bombarder en piqué : Ø 1. Les fascistes attaquent sur toute la ligne sud-ouest. La brigade internationale tient. Ils bombardent maintenant par avions et par canons à la fois. ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir, 1937, page 771. Ø 2. Tout l'après-midi, les Stukas, fondant du ciel et revenant sans cesse, bombardent en piqué nos chars et nos camions. CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1954, page 32. — Par analogie. PHYSIQUE NUCLÉAIRE. [L'objet désigne des particules de matière] : Ø 3. Douze ans plus tard, son élève James Chadwick, à la suite de travaux des écoles allemandes et françaises, réussissait à démontrer l'existence du neutron en bombardant des éléments légers avec les rayons du polonium. BERTRAND GOLDSCHMIDT, L'Aventure atomique, ses aspects politiques et techniques, 1962, page 19. Ø 4.... seule une étude balistique pouvait démontrer par exemple que dans l'aluminium bombardé par les rayons (...) du polonium, il se forme du silicium... Histoire générale des sciences (sous la direction de René Taton) tome 3, volume 2, 1964, page 344. B.— Par plaisanterie, familier : Ø 5. Je levai les bras, et, comme si ce geste de reddition déclarait ici la guerre, je fus bombardée aussitôt de noix de coco, de bananes, de noisettes... JEAN GIRAUDOUX, Suzanne et le Pacifique, 1921, page 102. Ø 6.... j'avais de plus en plus de choses à raconter à Bépino, et comment j'étais maintenant en guerre avec les gosses de la calade qui n'avaient pas été longs à me repérer sur mon mur, eux, me bombardant avec des trognons de choux, des tomates pourries et toutes sortes d'ordures,... BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 151. — Emploi pronominal réciproque. Ils jouaient à se bombarder avec les épluchures (HENRI DE MONTHERLANT, Le Songe, 1922, page 63 ). — Argot. Fumer à grosses bouffées se succédant rapidement comme au sortir d'une bouche à feu. Bombarder une sèche. Fumer une cigarette (Confer Évariste Nouguier, Notes manuscrites interfoliées au dictionnaire de Delesalle, sans date, 1900, page 40). C.— Au figuré. 1. Presser, harceler. Bombarder quelqu'un de lettres, de questions brutales. Le petit Marcel Proust nous bombarde tous de compliments hyperboliques (JACQUES-ÉMILE BLANCHE, Mes modèles, 1928, page 190) : Ø 7. Elle [la reine] blâmait Gladstone et Lord Derby. Elle ne comprenait pas la faiblesse de tant d'hommes quand elle, une femme, eût été prête à marcher à l'ennemi. Elle bombardait son premier ministre de notes belliqueuses. ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, La Vie de Disraëli, 1927, page 290. 2. Familier. Nommer inopinément quelqu'un à un emploi, à une fonction importante : Ø 8. Il [Scholl] a aspiré, paraît-il, avec le patronage de Gambetta, à être nommé consul en Grèce, puis, au bout d'un an de consulat, à être bombardé sénateur. EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1883, page 237. Ø 9. Bombarder. Se dit d'une élévation ou nomination soudaine et non méritée. « L'ancien communard Camille Barrère vient d'être bombardé ambassadeur ». HECTOR FRANCE, Dictionnaire-journal; les compléments, vocabulaire de la langue verte. 1907. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 274. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 103, b) 260; XXe. siècle : a) 282, b) 764.