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beauté.

Publié le 06/01/2014

Extrait du document

beauté. Diane de Poitiers » Marion se pencha sur le bloc-notes pour le lire à son tour. -- Ce monarque a courtisé bien des femmes, rappela-t-elle, et Diane de Poitiers, qui veillait sur les enfants du roi, est certainement entrée dans son lit. Le souvenir d'une halte grivoise aurait-il été gravé dans la pierre pour l'immortaliser ? -- Si c'était le cas, pourquoi cette graphie compliquée ? -- Et s'il s'agissait d'un leurre servant à masquer un message plus subtil ? Marion saisit le bloc des mains d'Yvan, lui emprunta son crayon et commença à regrouper les lettres en majuscules. -- J'ai déjà réfléchi à des assemblages qui puissent nous éclairer, mais cela ne donne rien, dit Yvan. Marion s'évertuait à trouver une combinaison intéressante, mais les lignes défilaient sans que rien de signifiant n'apparaisse. La mine de graphite se brisa. -- Merde !   Tapi derrière un bosquet, Eddy ne manqua rien de l'épisode. Habitué à pister ses proies, il était parvenu à se glisser derrière Yvan et Marion sans attirer leur attention, quasiment à portée de voix. La présence de la jeune fille réveillait chaque fois ses instincts de prédateur. Il devait sans cesse réprimer ses pulsions pour ne pas compromettre sa filature. Il tendit l'oreille. -- T'énerver sur ce texte ne sert à rien, Marion. Il suffit de regarder de la bonne façon ce qu'on a sous les yeux. Marion rendit le bloc à Yvan, curieuse de l'entendre développer son analyse. -- Regarde, les majuscules semblent être positionnées sans aucune logique. Toutefois, à plusieurs reprises les seules lettres encadrées par des majuscules sont le I et le E. -- La majuscule la plus souvent utilisée est le L, ajouta Marion. -- Ces trois lettres peuvent former le mot « LIE ». fit Yvan. -- En étudiant de près la forme des lettres, on remarque que le T et le I sont quasiment identiques. Cela permet de trouver le mot « lie » à plusieurs reprises. Ton hypothèse se précise. -- La lie est le dépôt formé par les liquides fermentés, remarqua Yvan. -- Cela ne nous emmène pas loin..., souffla Marion avec une pointe de déception. -- Sauf quand on sait que le mot « lie », au XVIe siècle, était synonyme de « cacher ». -- Bon, ça devient plus intéressant. À noter que le mot « lie » et le mot « dépôt » figurent tous les deux dans la dernière ligne du texte. -- Ce qui nous donne un « dépôt caché ». Une branche craqua non loin. Marion leva la tête, curieuse de savoir d'où venait le bruit. Yvan, en proie à ses réflexions, n'y avait pas prêté garde. De nouvelles hypothèses fusaient dans son esprit. D'abord, le château de Chambord édifié sur une zone marécageuse, la plus improbable qui soit. Ensuite, la présence des salamandres, des inversions volontaires, et la succession d'alignements et de points suggérant des formes géométriques remarquables. Enfin, l'omniprésence de la clé du 8. À l'évidence, ce système avait été conçu par des esprits familiers de la cabale et de la guématrie. Le parcours royal était jalonné de signes en rapport avec la symétrie, les codes, les jeux de lettres et de chiffres... Et maintenant, un dépôt caché. Marion tira le bras d'Yvan. -- Nous avons découvert ce que nous cherchions. Partons. Elle se montrait soudain impatiente de quitter les lieux.   Accroupi dans les buissons, les yeux brillants et la respiration sourde, Eddy laissa mourir le bruit des pas qui s'éloignaient. Ses doigts s'enfoncèrent dans la terre mêlée d'humus. Il en saisit une poignée qu'il se mit à malaxer avec rage. Il crevait d'envie d'avoir cette fille. Ça le torturait. 21 Au SRPJ de Versailles, le commandant Morel n'avait pas relâché la pression sur ses hommes. Les yeux étaient cernés, la machine à café tournait à plein régime. Dans les premières heures qui avaient suivi la découverte des corps des deux disparues de l'Essonne, une équipe cynophile avait été dépêchée sur place. Mais le chantier ne recélait pas d'autre cadavre. Un appel à témoins avait été lancé. Le meurtrier avait agi de nuit, le voisinage n'avait rien vu ni rien entendu de suspect. D'autres questions restaient en suspens : quel trajet avaient suivi les victimes et leur agresseur entre le lieu de leur disparition, deux communes de l'Essonne, et ce lotissement en chantier des Yvelines ? Pourquoi avait-on transporté et enterré ces femmes là, à quinze jours d'intervalle, avec le risque que cela pouvait représenter ? Soit ce tueur était un imbécile, soit il avait agi en toute conscience, avec un parfait sentiment d'impunité. La seconde hypothèse semblait la plus crédible. Près d'une semaine plus tard, Morel ne disposait que des éléments fournis par la collecte des indices sur la scène de crime et par l'expertise des médecins légistes. Le croisement des dossiers criminels réalisé par les logiciels de la police nationale avait cependant permis de rapprocher l'affaire d'une autre survenue cinq mois plus tôt en région parisienne et qui n'avait toujours pas été résolue. Là aussi, on avait retrouvé un corps de femme mutilé, à peu près dans le même état que les cadavres exhumés à Guyancourt. À la différence près que le corps avait séjourné plusieurs jours dans l'eau d'un étang et qu'on ignorait encore l'identité de la victime. Morel avait prévenu son équipe : -- On a ramassé tout ce qu'on pouvait, et dans l'immédiat il va falloir faire avec. Plus on s'éloigne de la date des crimes, moins on récupère de matériel. À cette heure, on poursuit une ombre en ayant les yeux bandés. L'un de ses subordonnés avait répliqué qu'il tenait quand même une piste. -- Ah oui, et laquelle ? Celle d'un tueur en série ? Merci pour l'information. Des pistes, on en a trop, sans parler du magistrat instructeur qui a les siennes, pas forcément les bonnes. Le commandant s'était pincé le front, passablement soucieux. -- Sachez, reprit-il, que dans ce genre d'enquête tout ce qui nous attend, au-delà de hasards plus ou moins heureux, c'est une montagne d'emmerdes... « Le premier, se retint-il d'ajouter, étant qu'une nouvelle agression soit commise dans la région et par le même individu. » Pourtant, le bilan n'était pas nul. Les techniciens avaient travaillé sans relâche. Ils avaient notamment procédé à des relevés stratigraphiques, analysant les couches de terre qui avaient recouvert le corps de la dernière victime, avant de poursuivre leurs recherches alentour. Cette approche avait livré d'utiles renseignements, dont la présence d'empreintes rainurées. Ces traces avaient été mesurées, consignées et photographiées. L'assemblage des croquis avait fait apparaître les contours d'un talon de semelle qui appartenait sans aucun doute possible à l'auteur des crimes. Ce dernier chaussait du 43. Le fichier des empreintes avait permis d'identifier la marque et le modèle. De quoi mettre les enquêteurs dans l'embarras. Des chaussures de trekking aux semelles crantées ne les auraient pas surpris. Sauf qu'il s'agissait de rangers portés par des vigiles ou certains officiers de police. Morel avait apprécié. -- Encore un indice qui va nous faciliter le boulot... On avait élargi la zone d'inspection jusqu'à repérer un vieux bidon qui servait de poubelle aux ouvriers. Par de savants recoupements, on en avait déduit que ce bidon s'était trouvé sur le chemin de l'individu en train de transporter l'un des cadavres. Les empreintes relevées à cet endroit indiquaient qu'il avait changé de chaussures avant d'enfouir le corps. Pour quel motif ? Mystère. On avait bien sûr interrogé les ouvriers du chantier et les chefs d'équipe. Trois d'entre eux étaient en situation irrégulière, un autre avait commis des délits mineurs quelques années auparavant, mais rien qui soit en rapport avec cette affaire. Morel se méfiait du flair et de l'intuition dans son métier. Il croyait à l'objectivité des faits et à l'inertie des choses. Ces dernières fourmillaient de détails qui surgissaient et prenaient sens au fur et à mesure du travail d'enquête. Encore fallait-il y prêter attention. 22 Le temps orageux de cette matinée rendait l'air moite et pesant. Assis sur un banc que des pigeons avaient constellé de déjections, Eddy feignait de l'intérêt pour la lecture du journal qu'il avait entre les mains. Une casquette à large visière masquait le haut de son visage. Il les aperçut enfin. Sa montre indiquait neuf heures quarante-cinq. « En retard, les filles. » La BMW avait quitté sa place et passait devant lui à vive allure. Il esquissa un sourire. « Bonne baignade... » De longues heures de planque lui avaient permis de repérer les habitudes de Marion et de sa tante. Au début, il n'avait pas bien cerné la présence de Jane. Avant que son patron ne le mette au parfum. Il avait ses propres canaux d'information, Eddy pouvait compter sur lui. « Je te mâche le travail, alors faisen bon usage », lui avait-il dit lors d'une de leurs conversations téléphoniques. Que Marion soit hébergée par une parente n'arrangeait pas leurs affaires, mais la présence d'une autre femme dans son périmètre d'action excitait la convoitise d'Eddy. Il ne s'était pas contenté de rester à l'affût près de l'immeuble, la visite du domicile avait aussi été au programme. La première fois, Eddy avait profité de l'entrée du facteur pour se glisser dans le hall de la résidence. Non sans avoir pris soin de noter au passage la combinaison du code d'accès. Il s'agissait juste de repérer les lieux. Les femmes logeaient au troisième étage. Il ne lui serait pas aussi facile qu'il l'espérait de pénétrer dans l'appartement. La porte à deux vantaux était équipée d'une serrure multipoints avec un cylindre haute sécurité. Sachant la propriétaire et sa nièce absentes, Eddy avait examiné de près le mécanisme. Verrous en cinq points, et un double pêne central renforcé par des plaquettes en acier. Un modèle récent. Eddy avait pris des empreintes. Il en ferait son affaire. Aucune serrure ne lui avait jamais résisté. Il était ressorti satisfait. Ses entreprises criminelles avaient développé chez lui un sens de l'observation et une ingéniosité diaboliques. Deux jours plus tard, la voie étant libre, il avait effectué une première visite. La serrure n'avait tenu contre lui que quelques minutes. Une fois dans la place, il renifla d'aise. La chance lui souriait. Jane avait l'habitude de consigner dans un bloc-notes posé sur la console de l'entrée ses sorties hebdomadaires. Eddy s'était arrêté sur le dimanche matin, qui portait la mention « Piscine ». Il avait noté les autres rendez-vous prévus dans la semaine et avait reposé le carnet. Avant de quitter les lieux, il avait pris soin d'écouter les bruits du voisinage. Il n'y avait pas d'autre appartement donnant sur le palier. La configuration idéale.   Ce dimanche-là, Eddy disposait de deux heures pour opérer. Il patienta une dizaine de minutes avant de se diriger vers l'immeuble, au cas où l'une des femmes aurait oublié quelque chose. À l'intérieur de l'appartement, le pépiement des perruches avait repris de plus belle. Ces oiseaux l'agaçaient, il avait besoin de silence pour guetter les bruits alentour. Rien ne devait le surprendre. Les mains gantées, déchaussé, il inspecta avec soin chacune des pièces, s'étonna de leurs dimensions. Les Evans n'avaient pas de problèmes de fric. L'équipement de la cuisine et des sanitaires en attestait. Des marques de luxe. Rien que le mobilier du salon devait valoir gros, et puis ça sentait bon. La richesse a un parfum. Il se vautra dans un canapé pour goûter l'ambiance. Cette petite salope vivait dans la soie. Il se releva brusquement et continua d'explorer l'endroit. Parvenu dans la chambre de Marion, il ne se contint plus. Il entrait dans sa peau, humait ses odeurs, touchait à son intimité. Une couette recouvrait le lit. Il la respira avidement et porta l'oreiller à sa bouche. D'une main fébrile, il ouvrit l'armoire de la jeune fille, avisa aussitôt la pile de sous-vêtements, s'en saisit avant d'exposer sur le lit les pièces de lingerie qui l'excitaient le plus. Puis il s'empara d'un string bordé d'une fine dentelle, l'étira pour en mesurer la résistance, et le passa autour de son cou, s'imaginant le serrer autour de celui de la gamine. Cette parodie de strangulation exorbitait son regard. En jouir, là, dans l'urgence... Quelques instants plus tard, sa montre émit un bip. La moitié du temps imparti venait de s'écouler. Il était en train de perdre le contrôle. Lâchant sa prise, Eddy se hâta de remettre en place les dessous dispersés devant lui mais se ravisa pour le string. Qui s'en apercevrait ? Il décida de l'emporter avec lui. Maintenant, se concentrer sur les documents. Il avait recouvré son calme et entreprit une fouille méthodique du bureau, des tiroirs, photographiant ce qui lui semblait utile, griffonnant des annotations sur le petit carnet qu'il avait sorti de sa poche. Il possédait assez de notions sur le sujet pour viser juste. Il s'était formé dans une association avant d'obtenir son emploi de guide de monuments historiques. Son patron ne l'avait pas recruté par hasard pour cette mission. Et Eddy avait aussi appris de lui comme un berger malinois peut apprendre d'un maître-chien. Du dressage. Mais cette main qui l'avait guidée, c'était la seule qu'il s'interdisait de mordre. Il lui devait tout, ou presque - pas ses techniques de chasse et ses trophées. Ça ne regardait que lui. Chacun a droit à sa vie privée. Il alluma le MacBook de la fille, tenta deux codes en rapport avec les recherches d'Yvan et de Marion. Verrouillé. Un ordinateur était moins facile à forcer qu'une serrure de porte. Il poursuivit ses investigations dans la corbeille à papier, nota un numéro de téléphone et des noms. Il en était à lister les ouvrages entassés sur le bureau quand un bruit de porte l'alerta. Les femmes étaient de retour ! Eddy balaya des yeux la chambre, à la recherche d'une

« 21 Au SRPJ deVersailles, lecommandant Moreln’avait pasrelâché lapression surses hommes.

Les yeux étaient cernés, lamachine àcafé tournait àplein régime.

Danslespremières heuresquiavaient suivi ladécouverte descorps desdeux disparues del’Essonne, uneéquipe cynophile avaitétédépêchée sur place.

Maislechantier nerecélait pasd’autre cadavre.

Unappel àtémoins avaitétélancé.

Le meurtrier avaitagidenuit, levoisinage n’avaitrienvunirien entendu desuspect.

D’autresquestions restaient ensuspens : queltrajet avaient suivilesvictimes etleur agresseur entrelelieu deleur disparition, deuxcommunes del’Essonne, etce lotissement enchantier desYvelines ? Pourquoiavait-on transporté etenterré cesfemmes là,àquinze joursd’intervalle, aveclerisque quecela pouvait représenter ? Soitcetueur étaitunimbécile, soitilavait agientoute conscience, avecunparfait sentiment d’impunité.

Laseconde hypothèse semblaitlaplus crédible. Près d’une semaine plustard, Morel nedisposait quedeséléments fournisparlacollecte des indices surlascène decrime etpar l’expertise desmédecins légistes.Lecroisement desdossiers criminels réaliséparleslogiciels delapolice nationale avaitcependant permisderapprocher l’affaire d’une autresurvenue cinqmois plustôten région parisienne etqui n’avait toujours pasétérésolue.

Là aussi, onavait retrouvé uncorps defemme mutilé,àpeu près dans lemême étatque lescadavres exhumés àGuyancourt.

Àla différence prèsquelecorps avaitséjourné plusieurs joursdans l’eaud’un étang etqu’on ignorait encorel’identité delavictime.

Morelavaitprévenu sonéquipe : — On aramassé toutcequ’on pouvait, etdans l’immédiat ilva falloir faireavec.

Plusons’éloigne de ladate descrimes, moinsonrécupère dematériel.

Àcette heure, onpoursuit uneombre enayant les yeux bandés. L’un deses subordonnés avaitrépliqué qu’iltenait quand mêmeunepiste. — Ah oui,etlaquelle ? Celled’untueur ensérie ? Mercipourl’information.

Despistes, onen atrop, sans parler dumagistrat instructeur quiales siennes, pasforcément lesbonnes. Le commandant s’étaitpincélefront, passablement soucieux. — Sachez, reprit-il,quedans cegenre d’enquête toutcequi nous attend, au-delà dehasards plus ou moins heureux, c’estunemontagne d’emmerdes… « Le premier, seretint-il d’ajouter, étantqu’une nouvelle agression soitcommise danslarégion et par lemême individu. » Pourtant, lebilan n’était pasnul.Lestechniciens avaienttravaillé sansrelâche.

Ilsavaient notamment procédéàdes relevés stratigraphiques, analysantlescouches deterre quiavaient recouvert le corps deladernière victime,avantdepoursuivre leursrecherches alentour.Cetteapproche avaitlivré d’utiles renseignements, dontlaprésence d’empreintes rainurées.Cestraces avaient étémesurées, consignées etphotographiées.

L’assemblagedescroquis avaitfaitapparaître lescontours d’untalon de semelle quiappartenait sansaucun doutepossible àl’auteur descrimes.

Cedernier chaussait du43.

Le fichier desempreintes avaitpermis d’identifier lamarque etlemodèle.

Dequoi mettre lesenquêteurs dans l’embarras.

Deschaussures detrekking auxsemelles crantéesneles auraient passurpris.

Sauf qu’il s’agissait derangers portéspardes vigiles oucertains officiersdepolice.

Morelavaitapprécié. — Encore unindice quivanous faciliter leboulot… On avait élargi lazone d’inspection jusqu’àrepérer unvieux bidon quiservait depoubelle aux ouvriers.

Pardesavants recoupements, onen avait déduit quecebidon s’était trouvé surlechemin de l’individu entrain detransporter l’undes cadavres.

Lesempreintes relevéesàcet endroit indiquaient qu’il avait changé dechaussures avantd’enfouir lecorps.

Pourquelmotif ? Mystère.

Onavait biensûr interrogé lesouvriers duchantier etles chefs d’équipe.

Troisd’entre euxétaient ensituation irrégulière, un autre avaitcommis desdélits mineurs quelques annéesauparavant, maisrienquisoit enrapport avec cette affaire. Morel seméfiait duflair etde l’intuition danssonmétier.

Ilcroyait àl’objectivité desfaits etàl’inertie des choses.

Cesdernières fourmillaient dedétails quisurgissaient etprenaient sensaufur etàmesure du travail d’enquête.

Encorefallait-ilyprêter attention.. »

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