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Avant-propos, par Alain Rey À l'imag e de la nature, les lang ues humaines, dans leur lexique, procèdent comme les arbres ou les bulbes, par couches concentriques.

Publié le 29/04/2014

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Avant-propos, par Alain Rey À l'imag e de la nature, les lang ues humaines, dans leur lexique, procèdent comme les arbres ou les bulbes, par couches concentriques. Ainsi, de leur coeur vers leur surface, des sig nes de plus en plus nombreux se manifestent, surtout lorsque l'idiome, en l'espèce le français, s'étend dans le monde et doit répondre à des besoins nouveaux, universels. Les lang ues croissent à mesure que le monde chang e, et l'histoire, celle des manières de dire comme celle des sociétés, doit inclure le présent. C'est pourquoi une version nouvelle de ce dictionnaire a paru nécessaire. Elle respecte entièrement les principes exposés dans la Préface, où je n'ai rien voulu chang er, car elle reflète le projet lui-même. Depuis 1992, date de la première édition, et malg ré plusieurs mises à jour, des domaines entiers du savoir et des pratiques se sont exprimés en mots. En même temps, le lang ag e quotidien a évolué ; trop vite, pensent certains. Mon effort, pour suivre et conter la croissance de l'arbre, du coeur à l'écorce, a surtout porté sur trois domaines. Grâce à de nombreux travaux mentionnés dans la bibliog raphie, les modulations mondiales du français apparaissent mieux, au fil des mots. Leur sélection n'est pas arbitraire : il s'ag issait de faire ressentir l'unité profonde de cette lang ue, à mesure qu'on en manifestait la variété. Il fallait aussi expliciter ce qui pouvait être matière à confusion entre francophones d'Europe, d'Amérique, d'Afrique, de l'océan Indien, du Pacifique (*). Un autre chantier a concerné les vocabulaires technoscientifiques, afin de montrer plus clairement, là aussi, l'évolution des savoirs à partir de mots ou de racines clés. Des éléments, comme bio- ou psycho-, reg roupent des termes dont l'apparition prog ressive balise et manifeste la formation de sciences et de techniques entières. Enfin, certains usag es spontanés, qu'ils soient rég ionaux (à l'intérieur du domaine français), populaires ou arg otiques, ont été retenus, en tenant compte non seulement des façons de dire apparues récemment mais aussi de celles qui, ayant disparu, ont laissé des traces littéraires ou culturelles - je song e aux vocabulaires d'ancien arg ot, de Vidocq à Bruant, de Carco ou Barbusse à Simonin. Ce ne sont pas là des « marg es » du lexique, comme on pourrait le croire, mais des témoins du patrimoine ling uistique dans les domaines « non conventionnels ». Ces ajouts concernent souvent les dernières couches concentriques apparues dans la croissance mondiale de cet arbre puissant, alors même que ses branches et ses feuilles luttent contre les maladies, cet arbre qu'on appelle la lang ue française. Un mot encore, afin de dire mes raisons pour avoir assumé seul cette réédition : un désir d'homog énéité dans des choix difficiles. L'extrême qualité du travail antérieur, pour lequel je ne saurais remercier assez tous les contributeurs de la première édition, j'espère l'avoir maintenue. Toutes les critiques pour des erreurs, des oublis ou des choix discutables dans cette nouvelle édition ne pourront viser que mes propres insuffisances. Alain Rey, juillet 2010 Note pratique (*) J'ai découpé, trop g rossièrement et à des fins pratiques, les usag es francophones. Français d'Europe inclut les usag es de France, ceux de Belg ique et de Suisse et de la Vallée d'Aoste. Rég ional s'applique à ceux qui ne sont actifs que dans une partie de la France. Français du Mag hreb eng lobe les usag es du Maroc, d'Alg érie, de Tunisie, à côté d'une forme d'arabe et/ou de berbère. Français d'Afrique, non spécifié, concerne tous les pays d'Afrique subsaharienne où l'on parle français, à côté des nombreuses lang ues africaines (exceptionnellement, le pays est spécifié). Français du Canada inclut les usag es anciens de Nouvelle-France, du BasCanada, et aujourd'hui du Québec, d'Acadie (Nouveau-Brunswick), éventuellement du français de certaines autres « provinces » canadiennes (Ontario, Manitoba...). Français du Québec, ou québécois, peut inclure l'usag e acadien, français acadien spécifiant ce qui n'est pas (ou moins) en usag e au Québec. Ces distinctions, trop g rossières, devront être précisées. Français des Antilles (Guadeloupe, Martinique, les Saintes...) et français de Guyane forment un ensemble caraï be assez cohérent, caractérisé par le biling uisme avec un créole, comme le français d'Haï ti. Le français de Madag ascar est une lang ue seconde à côté du malg ache, proche des usag es de l'océan Indien (Réunion, Seychelles, dominé par l'ang lais, île Maurice, en milieu pluriling ue). Le français de l'océan Pacifique (Polynésie française ; Vanuatu ; Nouvelle-Calédonie) est lui aussi employé parmi plusieurs lang ues autochtones. Restent à mentionner les usag es francophones du Proche-Orient, surtout du Liban, et aussi de Djibouti, et ceux d'Extrême-Orient, quand ils subsistent (Viêtnam, Laos...). Dans de nombreux cas, pour lever une ambig uï té, on a mentionné que tel usag e appartenait au français d'Europe, ou de France. Mais l'absence de toute spécification g éog raphique correspond à « en français de France », mention souvent redondante en ce qui concerne l'ancien et le moyen français (où ce sont les dialectes qui représentent la variété, à côté du français d'Ang leterre et de celui du Levant), mais qui pourrait être utile ensuite. D'une manière g énérale, ces marques sont approximatives ; mieux vaut être imprécis qu'erroné. Le point de vue de référence, dans le cadre de mille ans d'histoire, reste le français normalisé de France. Penser un dictionnaire polycentrique sera la tâche de l'avenir. P réface, par Alain Rey Et les mots y laissent voir dans une profondeur assez claire toute la population de leur histoire. Paul Valéry, Tabulae meae tentationum (Les C ahiers, t. II, p. 47). Entreprendre de présenter en un ouvrag e maniable l'histoire des mots d'une lang ue parlée depuis un millénaire est à coup sûr un acte de folie. M ais c'est un acte nécessaire, rendu d'ailleurs un peu plus raisonnable par de précédents délires, ceux de ces admirables chroniqueurs de la culture que furent les poètes-chanteurs du moyen âg e, ceux des savants exaltés de la Renaissance, d es bénédictins patients de toutes époques, ceux des promoteurs du savoir philolog ique, jusqu'aux étymolog istes et aux historiens d'aujourd'hui. Une t radit ion de recherche Ce livre n'échappe à une prétention qui serait en effet démente que par la modestie d'un hommag e collectif rendu aux rassembleurs et aux conservateurs d 'un inépuisable musée, patrimoine et trésor des mots. Les auteurs de ce dictionnaire tiennent tout d'abord à affirmer que sans plusieurs siècles de « recherches » (Pasquier) sur les orig ines du français, sans les g rands travaux étymolog iques (de Ménag e, puis de Friedrich Diez, d e Wartburg et de leurscontinuateurs), sans les dictionnaires de la lang ue française à contenu historique (tels le Littré, l e Dictionnaire g énéral, l e Grand Larousse de la lang ue française, l e Grand Robert, l e Trésor de la lang ue française), sans d'admirables synthèses portant sur le latin (Ernout et Meillet), sur le g rec (Chantraine), sur les lang ues romanes (Meyer-Lübke), sans l'irremplaçable Histoire de la lang ue française d e Ferdinand Brunot, sans les travaux de maints chercheurs, ce livre, tout simplement, n'aurait pu voir le jour. Mais l'abondance des références suffit à poser le problème de la communication et du libre accès à cet immense savoir. À la fin du XXe siècle, ce lexique si bien exploré dans ses sources et dans son développement ne faisait pas l'objet de synthèses accessibles - c'est-à-dire de taille, de prix, de lisibilité convenables - autres que de petits dictionnaires étymolog iques, qui, favorisant l'histoire des formes, sont contraints à un traitement élémentaire de l'évolution des sens, d es valeurs, des rôles désig natifs. Or, ce baptême du monde par les mots est ici un objet majeur. Il était paradoxal qu'une lang ue aussi bien mémorisée par des centaines d e milliers de textes, par des milliers d'oeuvres majeures, aussi bien étudiée et décrite parmi les g rands idiomes de civilisation, qu'une lang ue aussi poétiquement célébrée ne dispose pas d'une description simple, mais assez compréhensive, faisant état des résultats les plus récents de toutes ces recherches. À côté des dictionnaires décrivant l'usag e d'aujourd'hui - même s'ils tiennent compte de la dimension du passé -, le français manquait d'une description essentiellement historique de la lang ue, incluant dans cet adjectif la recherche des orig ines et le compte rendu des usag es dans le temps social. Objet du Robert hist orique Cependant, l'objet du Robert historique est le vocabulaire du français moderne. On n'y a envisag é les mots disparus que lorsqu'ils éclairaient la suite vivante de l'évolution. L'ancien français est en partie pour nous une lang ue étrang ère : on l'évoque ici en tant que passag e oblig é vers notre usag e d'aujourd'hui, en tant que g arant de continuité, en tant que médiateur. De même, la description des mots latins, g recs et, pour les emprunts modernes, des autres sources (italien, espag nol, arabe, ang lais, etc.) est, elle aussi, orientée vers leurs effets sur le français moderne. Cependant, dans une telle perspective, l'analyse est ici détaillée suffisamment et la « remontée dans le temps » peut affecter des orig ines très lointaines, indoeuropéennes, sémitiques, voire exotiques, depuis les emprunts amérindiens qui atteig nent l'Europe à la Renaissance. La perspective adoptée est illustrée non seulement par tous les articles de ce dictionnaire, mais aussi par des textes de synthèse consacrés au français en France et hors de France, aux principales lang ues et aux familles de lang ues en rapport avec le français, aux g randes notions qui éclairent cette biog raphie des mots. Après avoir perdu leur lang ue celtique, le g aulois, qui s'était répandue à l'aube de l'histoire, les habitants de cette extrémité occidentale du continent européen, à p artir du Ier siècle avant l'ère chrétienne et g râce à un envahisseur militaire de g énie, Jules César, se mettent à parler latin, mais un latin de plus en plus altéré. En six siècles, ce latin parlé, populaire, donne naissance à une sorte de créole : le roman. Cette lang ue est un moment concurrencée par les idiomes g ermaniques des Alamans, des Burg ondes et surtout des F rancs, fondateurs du pouvoir politique qui va l'emporter et qui donne son nom à la France. Après quelques témoig nag es isolés, politiques (Serments de Strasbourg ) et relig ieux (la modeste et archaï que C antilène d e sainte Eulalie), c'est à la fin du Xe siècle, il y a donc mille ans, que l'« ancien français » surg it, capable déjà de beauté littéraire, pour célébrer le Dieu humain du christianisme et ses saints (Passion du Christ, Vie de saint Lég er). Un siècle plus tard, ce « vulg aire » qui tend à devenir « illustre » - tels sont les termes de Dante pour l'italien - s'affirme face au latin. Le français précède de peu ses proches cousins, l'occitan, le catalan, l'italien toscan que va célébrer Dante, o u encore l'espag nol de Castille. En France, les envahisseurs mêmes vont p arler français. Ainsi les Scandinaves qui ont envahi la Normandie au milieu du Xe siècle ayant perdu leur parler natal, adoptent un dialecte proche du français. Plus encore, ils s'implantent après 1 066 en Ang leterre, où la noblesse et le pouvoir emploieront le même lang ag e que sur le continent, un « ang lo-normand » quasi français, jusqu'au XIVe siècle. C'est le premier chapitre d'une expansion contrariée qui mènera le parler des Parisii jusqu'à la moderne francophonie. À la fin du XIe siècle, dans l'évocation d'un passé lég endaire et tumultueux, dans la célébration d'un présent plein de violence et de noblesse, surg it un premier chef-d'oeuvre, la C hanson de Roland, sig nal d'une vaste série d'épopées féodales. Alors s'expriment deux admirables littératures, celle du Nord, qui s'édifie au-dessus des dialectes, célébrant et illustrant la lang ue où l'on dit « oui » (lang ue d'oï l) et celle d'« oc », dans le Midi. Ce frère occitan est une source vive pour des siècles de lyrisme européen, à côté de l'héritag e celte qui inspire à la fois lang ues romanes et g ermaniques, dans la lég ende amoureuse et mystique du roi Arthur, de Perceval, de Tristan et d'Iseult. Secoué par les tumultes de l'histoire, le français, à la croisée des inspirations du g énie européen, va se transformer, s'éloig nant encore du latin et de ses descendants plus fidèles, l'italien et l'espag nol. M ais le « moyen français », du XIVe au XVIe siècle, usag e instable, évolutif, est lui aussi une période de créativité admirable, de Rutebeuf à Villon, de Joinville à Froissart, de Marot à Rabelais. Alors la société chang e profondément avec les mentalités que les mots reflètent; de nouvelles techniques de communication apparaissent sur une terre g ermanique toute proche de la France. L'avenir des sociétés modernes se prépare : c'est l'aurore de la « g alaxie Gutenberg ». Dans ces temps, le français prend force et fierté; il s'enrichit par des emprunts repris et de plus en plus maîtrisés, d'abord au latin relig ieux, puis au latin classique et au g rec, concurrents et tuteurs admirés mais dont il va falloir s'affranchir. Ce mouvement correspond à l'enrichissement humaniste de la Renaissance, qui s'effectue d ans une période ag itée, sang lante, inspirée. La lang ue moderne et la culture qu'elle exprime - la nôtre - en sont issues. Après la foisonnante période baroque, l'apog ée classique correspond à un rég lag e précis et subtil, mais aussi à un appauvrissement. Cependant, le siècle de Louis XIV est plus contradictoire qu'il ne semble. Il faut alors que le français s'adapte à un monde et non plus à des cultures rég ionales, non plus même à une seule nation. En outre, tout évolue très vite : société, politique, sciences et techniques. À partir du XVIIIe siècle, qui voit le règ ne triomphant du français en Europe, la force idéolog ique et culturelle du monde ang lo-saxon est déjà sensible. Dans ce temps des « philosophes » qui renouvelle la pensée sociale et prépare un bouleversement, la lang ue classique s'enrichit et se compromet. L'orig inalité française construite par l'Ancien Rég ime se confirme après 1789, mais en éclatant. Avec cette révolution commencent les deux siècles d'enrichissements expressifs incessants qui forg ent l'usag e de France et celui des pays francophones d'aujourd'hui. C'est ce trajet millénaire, patiemment repéré dans les aventures de notre vocabulaire, que prétend évoquer et retracer ce livre. Mét hode La méthode en est simple. Chaque article du dictionnaire, à l'exception des « encadrés » encyclopédiques, décrit un élément du français actuel ou récent et se divise en deux ou trois parties. Si le mot n'a aucun dérivé, il est traité en deux parag raphes, le premier concernant ses orig ines, avant le français, le second (sig nalé par ?) son histoire. Si l'entrée est sig nalée en marg e par les symboles L o u G , il s'ag it d'une forme « héritée », venue par voie orale du latin populaire des Gaules ( L ) ou du g ermanique, en g énéral celui des Francs ( G ). S'il n'est pas marqué de ces symboles, c'est un emprunt, au latin, au g rec ou à une lang ue vivante. Enfin le sig ne ? montre au curieux que l'étymolog ie du mot français est inconnue ou très controversée. Ce parag raphe informe déjà le lecteur sur la date d'entrée en français, en fait, la première attestation connue dans un texte; il renseig ne sur la forme-source (l'« étymon ») et sur les voies de p assag e1. Il explore cette orig ine, s'il se peut jusqu'à la racine, qui est souvent indoeuropéenne, et décrit les voies d 'accès vers le français, lorsqu'elles sont connues. Les étymolog ies établies sûrement l'ont été par une long ue tradition, dont les p remiers témoins, après les g rands humanistes de la Renaissance, sont Gilles Ménag e au XVIIe siècle,
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« en c e q ui c o ncern e l ’a ncie n e t l e m oyen f ra nçais ( o ù c e s o nt l e s d ia le cte s q ui r e p ré se nte nt l a v arié té , à c ô té d u f ra nçais d ’A ng le te rre e t de c elu i d u L ev ant) , m ais q ui p ourra it ê tr e u til e e nsu ite . D’u ne m aniè re g énéra le , c es m arq ues s o nt a p pro xim ativ es ; m ie ux v aut ê tr e im pré cis q u’e rro né.

L e p oin t d e v ue d e r é fé re nce, d ans l e cad re d e m il le a ns d ’h is to ir e , r e ste l e f ra nçais n o rm alis é d e F ra nce.

P ense r u n d ic tio nnair e p oly centr iq ue s e ra l a tâ che d e l ’a v enir .. »

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