appareil psychique
Publié le 03/04/2015
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appareil psychique (angl. Psychic Apparatus; allem. Psychischer ou Seelischer Apparat). Figuration de la structure élémentaire et fondamen¬tale qui formalise un lieu, celui du déroulement des processus incon¬scients.
Le terme même d'appareil risque d'engendrer la méprise car la présenta-tion de départ de S. Freud prend pour modèle une figuration neurophysiolo-gique. Loin d'être une vision mécani-ciste, elle est au contraire rupture complète avec une telle conceptualisa-tion puisqu'elle met en oeuvre le carac-tère foncièrement inadéquat de l'orga-nisme à entériner désir et plaisir sexuels sans en subir un désordre dans son fonctionnement même. Ainsi, le caractère en apparence scientiste de ce modèle doit être d'autant plus écarté que Freud définit cette construction comme un lieu psychique, désignant à proprement parler le champ analytique même.
MISE EN PLACE HISTORIQUE
C'est dans l'Interprétation des rêves (1900) que Freud présente un appareil psychique capable de rendre compte de l'inscription, entre perception et conscience, de traces mnésiques incon-scientes dont l'effet symbolique ulté-rieur participe à la constitution du symptôme. L'Interprétation des rêves est tout entière tournée vers la découverte des règles qui régissent l'inconscient. Comme le montre la correspondance de Freud avec W. Fliess, la formalisa¬tion de ce lieu est bien antérieure. Dès septembre 1895, Freud produit une éla¬boration théorique dans l'Esquisse d'une psychologie, restée à l'époque iné
dite, qui éclaire l'exposé abrégé de l'In-terprétation des rêves et qui montre les conditions théoriques et cliniques de cette construction. Dans la même veine doit être prise en considération la lettre 52 à Fliess (lettre 112, nouvelle édition), laquelle trace déjà la fonction du signifiant dans son rapport au refou¬lement.
Freud est revenu sur l'appareil psy-chique dans sa Note sur le bloc magique (1927). Mais c'est véritablement dans Au-delà du principe de plaisir (1920) qu'a¬vec l'automatisme de répétition les processus inconscients sont dévelop¬pés dans leur fonction symbolique, car la construction de l'appareil psychique répond d'abord à la nécessaire mise en place de cette fonction. En 1923, un autre appareil a été produit dans le Moi et le ça qui réinsère le système percep-tion-conscience dans sa corrélation aux moi, ça, surmoi, sans rien de nouveau quant au processus inconscient même. J. Lacan a produit d'autres appareils. Bien qu'ayant été désignés du terme de schémas, (optique, L et R), ces derniers s'inscrivent dans cette même perspec-tive. Ces schémas, élaborés au cours des trois premiers séminaires de Lacan, explicitent deux faits fondamentaux. Le premier, par le schéma optique, situe la fonction libidinale du moi dans sa forme originelle, imaginaire et centre la pulsion libidinale en grande partie sur cette fonction imaginaire. Le second fait, développé par les schémas
L et R, démontre la jonction du symbo¬lique et de l'imaginaire dans leur rap¬port au réel, comme articulés par le discours de l'inconscient (discours de l'autre), liant ainsi le refoulement à la fonction du signifiant.
SIGNIFICATION STRUCTURALE DE
L'APPAREIL PSYCHIQUE
Ces appareils, de l'Esquisse et de l'Inter¬prétation des rêves, ont été élaborés à partir de deux faits d'observation essentiels dans l'hystérie, et plus large¬
ment dans les névroses, qui impliquent une première épure des notions de défense et de refoulement tels qu'ils sont à l'oeuvre dans le symptôme.
1. Si l'hystérique souffre de réminis-cences, ces dernières sont constituées de vécus sexuels de nature traumatique liée au caractère prématuré. Ce constat rend compte de l'aspect inassimilable de toute expérience sexuelle première dans sa corrélation au désir ; cet inassi¬milable étant fait de structure.
2. Dans l'opération de défense qui en résulte, la représentation est séparée de l'affect. Cette déliaison (allem. Entbin-dung) entraîne pour ces deux éléments un destin différent : la possibilité pour la représentation de s'inscrire comme trace mnésique et donc de pouvoir être refoulée alors que l'affect ne peut l'être en aucun cas; mais libre, ce dernier va s'attacher à d'autres représentations ou traces mnésiques et produire des effets erratiques du symptôme.
Néanmoins, une telle description n'éclaire pas la causalité d'un tel pro-cessus. Dans l'Esquisse d'une psycho-logie, Freud observe que l'appareil psychique est sous la domination du principe du plaisir, qui se définit par une diminution de l'excitation. Le désir au contraire engendre une augmenta¬tion de l'excitation. Cette antinomie structurale du désir et du plaisir révèle la fonction de la défense: assurer la pérennité de moindre excitation, donc du plaisir. Les systèmes évoqués dans l'Esquisse d'une psychologie et l'Interpré¬tation des rêves assurent l'inscription des traces mnésiques, sous forme de frayages, dans leur diversité simulta-née, tout en obéissant à l'instance plai¬sir-déplaisir. Ces systèmes en réseaux seraient menacés dans leur fonction par une élévation excessive d'excita¬tion, suscitée par le désir (engendrant du déplaisir), s'il ne leur appartenait pas un système de régulation (par filtres, barrières, déviations des excitations) permettant de tempérer, voire de
refouler les désirs. N'étant pas en mesure d'assumer pleinement les exci-tations reçues, le système est pour une grande part tourné contre le désir, défi-nissant ainsi la fonction de la défense, à laquelle s'attache le contrôle par le je, qui inhibe l'excitation et reste attentif à ce que l'investissement d'une image de souvenir hostile ou désagréable, ou trop agréable, ou non conforme (hallu-cinatoire), soit inhibé. Or, cette image de souvenir est précisément une trace mnésique laissée par une expérience primordiale de plaisir ou de déplaisir. C'est ici que Freud introduit le concept de neurone perdu, autrement dit de signifiant originairement refoulé, atta-ché à la chose (allem. das Ding) et appelé «le complexe du prochain«, le dési¬gnant comme «le premier objet de satisfaction, en outre le premier objet hostile, de même la seule puissance secourable «: à savoir l'Autre primor-dial.
Ce rappel de l'articulation majeure de l'Esquisse d'une psychologie montre l'importance de la fonction symbo¬lique, attachée à la fois à ce qui est perdu (signifiant du manque), induc¬teur de l'automatisme de répétition, et à l'Autre primordial. Ainsi, la fonction de l'appareil n'est pas à envisager sur le modèle de l'arc réflexe perception-motricité, mais indique la mise en place de traces mnésiques selon un ordre déterminé en rapport avec le refoule¬ment originaire.
Cette question reste latente dans l'appareil présenté dans l'Interprétation des rêves, qui prend en compte la notion du temps, la durabilité et la simulta¬néité des inscriptions sans préciser la façon dont s'opèrent le choix et l'ac¬cumulation des traces ni leur fonction ultérieure. Le fait que Freud pose que «mémoire et conscience s'excluent« signale que la figuration contient deux systèmes bien séparés : cette absence de continuité entre les deux est le lieu du refoulement et de l'inconscient. En
effet, la notion de perception peut être qualifiée d'hypothèse de départ pour autant que la constitution de traces mnésiques la suppose à l'origine. Quant au conscient, son intégration est d'autant plus problématique qu'il va contre le désir, l'inconscient et même certaines perceptions, qu'il occulte délibérément; «instance critique «, «il représente le moi officiel«.
Comment éclairer le paradoxe con-tenu dans cet appareil et qui tient au fait d'une certaine autonomie de la fonction symbolique et cela au niveau des traces mnésiques en tant que signi-fiants?
Dans la lettre 52 à Fliess, Freud part de «l'hypothèse que notre mécanisme psychique est né d'une superposition de couches dans laquelle, de temps en temps, le matériel composé de traces mnésiques a subi un bouleversement de son ordre pour de nouvelles rela-tions, un bouleversement dans l'ins-cription«. Cette hypothèse admet la possibilité de remaniements dans la structure au niveau des symptômes comme du procès de la cure. Et Freud propose un schéma des inscriptions qui respecte la suite temporelle de l'appareil psychique, dans lequel s'ex-plicite déjà une formalisation de l'ins-cription d'une batterie de signifiants comportant le signifiant originaire¬ment tombé en tant que refoulé.
Mais comment se réalise ce boule-versement de l'un à l'autre terme, dans la suite des inscriptions de ces traces mnésiques ? Par une traduction qui est temporellement double : elle concerne le passage d'un point à l'autre de l'appareil et est une transcription des inscriptions d'une époque de la vie sexuelle sur une autre. Ainsi, l'appareil est un lieu où s'opère un certain nombre de traductions. Les psychoné-vroses tiennent au fait que «la traduc-tion de certains matériaux ne s'est pas effectuée «. «Le refus de traduction (allem. die Versagung der Überset
zung) est ce qui s'appelle en clinique un refoulement.« Or, une traduction au sein d'une même langue consiste à substituer un signifiant à un autre, soit le processus de la métaphore, qui est précisément l'une des deux figures de style qu'emprunte le rêve.
L'appareil psychique met donc en place ce lieu — cette autre scène, celle du langage — où sont à reconnaître les premiers linéaments de processus inconscients structurés comme un lan¬gage, déjà élaborés par Freud comme tels.
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