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AISANCE, substantif féminin.

Publié le 18/10/2015

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AISANCE, substantif féminin.  

A.—  Emplois vieux, vieillis ou figés. 

1. DROIT.  Charge imposée à un fonds au profit du titulaire d'un fonds voisin. Aisance de puits (Dictionnaire encyclopédique Quillet 1965); droits d'aisance  (Dictionnaire encyclopédique Quillet 1965); aisance de voirie (Vocabulaire juridique (HENRI CAPITANT)). 

2. Au pluriel. 

a) Vieux.  Dépendances d'une maison; \" dégagements, escaliers dérobés. \" (Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse)-Larousse du XXe.  siècle en six volumes). 

b) Vieux ou régionalisme.  Agréments, commodités, confort : 

Ø 1. Un père et une mère ne vouloient pas sacrifier les aisances de la vie à l'éducation d'une nombreuse famille, et l'on couvroit cet amour de soi, des apparences de la philosophie.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Essai historique, politique et moral sur les révolutions, tome 2, 1797, page 71. 

Ø 2. En effet, l'État a-t-il besoin de ma maison, de mon jardin, de mon champ, il s'en empare. Eh! puis-je jamais être indemnisé de mes habitudes, des aisances de mon domicile, des bizarreries mêmes de sa distribution? puis-je jamais être indemnisé de l'appropriement de mon jardin à mes goûts, à mon caractère, à ma fortune?

JEAN JAURÈS, Études socialistes,  1901, page 230. 

c) Vieilli, parfois aussi au singulier. Cabinet d'aisances, fosses d'aisances, lieu d'aisances (Dictionnaire de l'Académie Française). Vieux. Aisances d'une maison (Dictionnaire de l'Académie Française). Lieu aménagé pour la satisfaction des besoins naturels : 

Ø 3. 674. Celui qui fait creuser un puits ou une fosse d'aisance près d'un mur mitoyen ou non (...) est obligé à laisser la distance prescrite par les réglemens et usages particuliers sur ces objets, ou à faire les ouvrages prescrits par les mêmes réglemens et usages, pour éviter de nuire au voisin.

Code civil des Français (ou Code Napoléon)  1804, page 123. 

Ø 4.... elle avait le coeur soulevé d'un tel dégoût, qu'il recula. Sans dire une parole, il sortit, s'arrêta dans l'antichambre, hésita une seconde; puis, comme une porte se trouvait devant lui, la porte des lieux d'aisances, il la poussa;...

ÉMILE ZOLA, Pot-Bouille,  1882, page 356. 

Ø 5. Ce serait le chef-d'oeuvre du fascisme de redonner l'équivalent de ce caractère aux grandes villes d'Italie. En attendant, il annonce de sévères punitions contre les cracheurs et les gens qui salissent les pissotières et les cabinets d'aisance, et en effet, cela était nécessaire.

VALÉRY LARBAUD, Journal,  février 1932, page 268. 

B.—  Situation matérielle considérée par rapport au bien-être qu'elle procure, et représentant un niveau de vie relativement élevé. Avoir une certaine aisance; vivre dans l'aisance : 

Ø 6. Un homme qui a un grand état dans le monde a une prison plus grande et plus ornée; celui qui n'y a qu'un petit état est dans un cachot; l'homme sans état est le seul homme libre, pourvu qu'il soit dans l'aisance, ou du moins qu'il n'ait aucun besoin des hommes.

L'homme le plus modeste, en vivant dans le monde, doit, s'il est pauvre, avoir un maintien très assuré et une certaine aisance, qui empêchent qu'on ne prenne quelque avantage sur lui. Il faut, dans ce cas, parer sa modestie de sa fierté.

NICOLAS-SÉBASTIEN ROCH, DIT DE CHAMFORT, Maximes et pensées,  1794, page 49. 

Ø 7. Je suis plus affectée que vous de la diminution de fortune de votre mari; non que je croie que la fortune soit nécessaire pour être heureux; mais le passage d'une aisance considérable à une situation étroite et gênée, dispose souvent à l'aigreur, et nécessite une attention soutenue sur les plus petits détails domestiques.

GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré,  1797, page 1569. 

Ø 8. De là il arrive, que quand on veut s'élever à l'idée la plus générale de la liberté, chacun la compose principalement de l'espèce de liberté à laquelle il attache le plus de prix (...). Les uns la font consister dans la vertu, ou dans l'indifférence, ou dans une sorte d'impassibilité, comme les stoïciens qui prétendaient que leur sage était libre dans les fers; d'autres la placent dans la pauvreté; d'autres au contraire dans une honnête aisance, ou bien dans l'état d'isolement et d'indépendance absolue de tout lien social.

ANTOINE-LOUIS-CLAUDE DESTUTT DE TRACY, Commentaire sur l'Esprit des lois de Montesquieu.  1807, pages 140-141. 

Ø 9. La possibilité de faire fortune avec Fouqué donnait une certaine facilité aux raisonnements de Julien; ils n'étaient plus aussi souvent gâtés par l'irritation, et le sentiment vif de sa pauvreté et de sa bassesse aux yeux du monde. Placé comme sur un promontoire élevé, il pouvait juger, et dominait pour ainsi dire l'extrême pauvreté et l'aisance qu'il appelait encore richesse. 

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Le Rouge et le Noir,  1830, page 76. 

Ø 10. Trois mille livres de rente et une petite maison délabrée et nue à la campagne, pour lui, sa femme et les nombreux enfants qui commençaient à s'asseoir à la table de famille, c'était quelque chose de bien indécis entre l'aisance frugale et l'indigence souffreteuse.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Les Confidences,  1849, page 47. 

Ø 11.... tout le monde était en habits d'été de couleurs claires; des abat-jour transparents adoucissaient la lumière des lampes. Sur une table on avait placé des fruits et des sirops glacés. Le sentiment des joies du bien-être et de l'aisance large vous saisissait au milieu de cette pièce fraîche, sentant bon, contenant des fleurs et abritant huit ou dix personnes souriantes.

LOUIS-ÉMILE-EDMOND DURANTY, Le Malheur d'Henriette Gérard, 1860, page 183. 

Ø 12. Il me semble que les circonstances sont plutôt faciles autour de moi et que je puis faire envie plutôt que pitié. Mes petites misères sont éclipsées par mes bonnes chances, et je jouis, à tout prendre, des trois conditions grecques du bonheur : santé, aisance, intelligence. 

HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime,  12 novembre 1866, pages 500-501. 

Ø 13. « Je vous ai proposé pour l'avancement, comme les années précédentes. Mais le directeur a écarté votre nom en se basant sur ce que votre mariage vous assure un bel avenir, plus qu'une aisance, une fortune que n'atteindront jamais vos modestes collègues. N'est-il pas équitable, en somme, de faire un peu la part de la condition de chacun? Vous deviendrez riche, très riche. Trois cents francs de plus par an ne seront rien pour vous, tandis que cette petite augmentation comptera beaucoup dans la poche des autres. Voilà, mon ami, la raison qui vous a fait rester en arrière cette année. »

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, L'Héritage, 1884, page 483. 

Ø 14. Et pour elle, la solitude, cet horrible état qu'elle découvrait, prenait un goût de pauvreté, car elle s'imaginait encore que dans le luxe, dans l'aisance même, il n'y a point de pareille découverte.

GABRIELLE ROY, Bonheur d'occasion,  1945, page 306. 

Remarque : 1. Aisance est associé à des termes indiquant la situation financière : fortune, richesse, misère, prospérité et opposé à pauvreté, indigence. Aisance étant considéré par rapport aux biens qu'offre une certaine richesse, on le trouve de préférence en relation avec liberté, bonheur, santé, bien-être, repos, indépendance, loisir, luxe, avenir, puissance (ordre décroissant de la documentation). 2. Dans les syntagmes, les adjectifs qualifient les degrés de l'aisance : grande aisance; —  honnête; —  frugale; —  large; petite — ; modeste — ; riche — . 

C.—  [Emploi absolu ou suivi d'un complément préposition de]  Manière d'être, faite de facilité et de bon ton. Avoir de l'aisance; l'aisance des manières. Antonyme : gêne. 

1. [Dans le comportement général] :

Ø 15.... dans les moindres mouvements et jusque dans l'accent de l'amour, quel qu'en soit l'objet, et quand ce serait même l'amour de Dieu, on sent aussitôt comme une vie déliée et délivrée, enfin une allégresse, une aisance et une grâce. 

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1927, page 700. 

Ø 16. Elles étaient parisiennes parce qu'elles considéraient que la vie devait être exclusivement consacrée au plaisir, à la frivolité, au snobisme, à l'ivresse et au tapage. Dans l'exercice de ces jeux, elles montraient une facilité, une aisance, un charme et un entrain qui constituent les bases mêmes de l'attitude. 

LÉON-PAUL FARGUE, Le Piéton de Paris,  1939, page 181. 

2. En particulier.  [Dans la vie de société] :

Ø 17. Cette petite ville de Mâcon (...) était cependant à cette époque le séjour d'un peuple doux, aimable, gracieux, spirituel, et d'une société d'élite véritablement digne de rivaliser avec les salons les plus aristocratiques et les plus lettrés que j'aie abordés plus tard dans toute l'Europe. C'était un Weymar français, une Florence gauloise, un centre de bon goût, de bon ton, de loisir, d'aisance, d'arts, de littérature, de science, et surtout de société et de conversation.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Nouvelles Confidences,  1851, pages 75-76. 

a) [En parlant de l'expression corporelle (gestes, manières)] :

Ø 18. Je découvris, dès le premier matin, que Solange Villier était à ces jeux d'une adresse divine. Philippe, moins entraîné qu'elle, avait de la souplesse, de l'aisance; dès le premier jour je les vis patiner ensemble, joyeux, tandis que je me traînais péniblement, soutenue par un professeur.

ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, Climats,  1928, pages 204-205. 

Ø 19. Sa faculté motrice globale [du pycnique] est supérieure à celle des deux autres types. Ses mouvements ont du naturel, de l'aisance, de l'adresse; ils sont, chez l'enfant, déjà harmonieux, adaptés et précis.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 202. 

—  Exceptionnellement.  [En parlant d'un animal] :

Ø 20. Ces jolis mais timides animaux, [des écureuils] se croyant seuls dans le bois, y jouaient avec cette libre aisance et cette grâce de mouvements que tue la crainte, et, se poursuivant d'arbre en arbre, ils me surprenaient par l'agilité de leurs sauts et par l'élégante gentillesse de leurs manoeuvres.

RODOLPHE TOEPFFER, Nouvelles genevoises,  1839, page 372. 

Ø 21. On y apprend le roulement, le rapport, les mutations des bêtes. On y est mis au courant de leur caractère et de leur tempérament, de leur aptitude au travail et à la reproduction, de leur condition. Même on relève leur aspect, l'aisance de leur allure et la beauté de leur ligne, signes d'équilibre musculaire.

JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, tome 1, 1925, page VIII. 

b) [En parlant de l'expression verbale, artistique, etc.]  Parler avec aisance : 

Ø 22. Je n'ai point senti le besoin d'être seule, et de tout le jour je n'ai pas quitté M. d'Albe; j'ai soutenu la conversation avec une aisance, une vivacité, une volubilité qui ne m'est pas ordinaire; je parlois de Frédéric comme d'un autre, je crois même que j'ai plaisanté; j'ai joué avec mes enfans, et tout cela, Élise, se faisoit sans effort;...

SOPHIE COTTIN, Claire d'Albe,  1799, pages 180-181. 

Ø 23. Le Loreur paraissait à Yves beau et infiniment séduisant : n'avait-il pas une barbe dorée, d'un or légèrement rouge? cela lui paraissait un attribut prodigieusement précieux. De plus, Le Loreur avait une aisance, une souplesse d'attitude et de parole qui confondaient l'enfant, au point qu'il se retournait vers son père et esquissait à tâtons une comparaison.

PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie,  1939, page 113. 

Ø 24. Le monsieur parle français avec aisance. Il a un accent qui n'est pas du tout désagréable, un accent net et narquois, qui ne ressemble pas à celui qu'on raille chez les Anglais.

LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, La Douceur de la vie, 1939, page 60. 

—   Domaine de la musique, de la peinture. : 

Ø 25.... le tableau des Offices [adoration des Mages] possède une unité et une aisance parfaites.

GILLES DE LA TOURETTE, Léonard de Vinci,  1932, page 55. 

Ø 26. L'art musical français au XVIIIe.  siècle fut plein d'aisance et de naturel, à une époque où l'on demandait à la musique des impressions faites de grâce, de charme et de sensibilité.

Dictionnaire général de l'art musical (PAUL ROUGNON)  1935, page 356. 

Remarque : 1. Aisance est associé à des termes précisant sa compréhension; par ordre de fréquence décroissante de la documentation le mot est associé à grâce, liberté, naturel dans ses 2 aspects. En outre, pour l'aisance du corps, à promptitude, souplesse, élégance, rapidité, sûreté, allure, adresse; pour l'aisance de l'esprit, à loisir, gaîté, vivacité, charme, esprit, goût, instruction, désinvolture, noblesse, entrain, allégresse. 2. Les syntagmes avec adjectif ou complément de nom sont moins fréquents aisance naturelle; libre — ; parfaite — ; mondaine — ; —  de l'allure, des mouvements, des manières. 3. Le pluriel exceptionnellement employé signifie « gestes de quelqu'un qui est à son aise » (confer supra A 2 b) :

27. Elle entre comme une bombe dans la salle à manger, aperçoit sur la table, au milieu des papiers de notre roman, un pot de confitures d'épicier en faïence et un trognon de pain, prend le trognon, plonge la cuiller dans le pot entamé et goûte bravement.

Voilà de ces aisances, chez elle naturelles, rondes, familières et charmantes. « Ah! lui dis-je, si la duchesse d'Angoulême vous voyait! ».

E. et JULES DE GONCOURT, Journal, novembre 1868, page 466. 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 166. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 1 868, b) 1 333; XXe.  siècle : a) 1 611, b) 1 680. 

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