acting-out
Publié le 03/04/2015
Extrait du document
acting-out n.m. Comportement impulsif qui s'exprime sous forme d'un agir. (Syn. passage à l'acte.)
Pour S. Freud, l'Agieren tentait de recouvrir les actes d'un sujet aussi bien hors de l'analyse que dans l'analyse. Ce terme d'Agieren laisse naturellement planer une ambiguïté puisqu'il recouvre deux significations : celle de bouger, d'agir, de faire une action; celle de réactualiser dans le transfert une action antérieure. Dans ce cas précis, pour Freud, l'Agieren viendrait à la place d'un «se remémorer« : agir donc, plutôt que de se souvenir, de mettre en mots. L'anglais to Act Out respecte cette ambiguïté. En effet, il signifie aussi bien jouer une pièce, un rôle, donner à voir, montrer que agir, prendre des mesures.
Les psychanalystes français ont adopté le terme d'« acting-out « en lui adjoignant pour traduction et synonyme celui de «passage à l'acte «, mais en ne retenant de l'acte que la dimension de l'interprétation à donner dans le transfert.
Jusque-là, l'acting-out était habituellement défini comme un acte inconscient, accompli par un sujet hors de lui-même, effectué à la place d'un «se souvenir de «. Cet acte, toujours impulsif, pouvait aller jusqu'au meurtre ou au suicide. Pourtant, aussi bien la justice que la psychiatrie classique s'étaient vues régulièrement confrontées à ces questions d'actes hors de toute relation transférentielle, pour déterminer une éventuelle responsabilité civile.
C'est à partir de là que la psychanalyse s'est posé la question : qu'est-ce qu'un acte pour un sujet?
J. Lacan, dans son Séminaire X 1962/63, « l'Angoisse «, a proposé une conceptualisation différenciée entre l'acte, le passage à l'acte et l'acting-out, en s'appuyant sur deux observations
cliniques de Freud : Fragment d'une analyse d'hystérie (Dora) [1905] et Psychogenèse d'un cas d'homosexualité féminine (1920). Dans ces deux cas, les Agieren étaient situés dans la vie de ces deux jeunes filles avant même que l'une ou l'autre n'aient envisagé la possibilité d'un travail analytique.
Ainsi, qu'est-ce donc qu'un acte ?
Pour Lacan, un acte est toujours signifiant. L'acte inaugure toujours une coupure structurante qui permet à un sujet de se retrouver, dans l'après-coup, radicalement transformé, autre que ce qu'il était avant cet acte. La différence introduite par Lacan pour distinguer acting-out et passage à l'acte peut être illustrée cliniquement. Tout le manège de Dora avec Monsieur K était mons-tration de ce qu'elle n'ignorait pas les relations que son père entretenait avec Madame K, et c'est là ce que sa conduite tentait de masquer.
En ce qui concerne la jeune homosexuelle, tout le temps qu'elle passe à se promener avec sa dame sous les fenêtres du bureau de son père ou autour de leur maison est un temps d'acting-out à l'endroit du couple parental : elle vient leur montrer la demi-mondaine dont elle est éprise, et qui est cause de son désir.
L'acting-out est donc une conduite tenue par un sujet et donnée à déchiffrer à l'autre à qui elle s'adresse. C'est un transfert, bien que le sujet ne montre rien. Quelque chose se montre, hors de toute remémoration possible et hors de toute levée d'un refoulement.
L'acting-out donne à entendre à un autre devenu sourd. C'est une demande de symbolisation exigée dans un transfert sauvage.
Pour la jeune homosexuelle, ce que sa monstration dévoile, c'est qu'elle aurait désiré, comme phallus, un enfant du père, au moment où, âgée de 13 ans, un petit frère vient s'ajouter à la famille, et lui arrache la place privilé
giée qu'elle occupait auprès de son père. Pour Dora, d'avoir été la cheville ouvrière pour faciliter la relation entre son père et Madame K ne lui permet en rien de savoir que c'est Madame K l'objet qui cause son désir. L'acting-out, dans une recherche de la vérité, mime ce qu'il ne peut dire, par défaut de symbolisation.
Celui qui agit dans l'acting-out ne parle pas en son nom. Il ne sait pas qu'il est en train de montrer, pas plus qu'il ne peut reconnaître le sens de ce qu'il dévoile. C'est à l'autre qu'est confié le soin de déchiffrer, d'interpréter les scénarios. C'est l'autre qui se doit de savoir que se taire est métonymique-ment un équivalent de mourir.
Mais comment cet autre pourrait-il déchiffrer l'acting-out, lui qui ne sait pas lui-même qu'il ne soutient plus la place où le sujet l'avait installé. Comment le père de Dora aurait-il pu aisément comprendre que la complaisance de sa fille tenait à ce qu'ils aient tous deux le même objet, cause de leur désir. Et quand bien même il l'aurait deviné, aurait-il pu le dire à Dora? Comment aurait-elle pu y répondre autrement que par une dénégation ou un passage à l'acte ? Car l'acting-out est précisément un coup de folie destiné à éviter une angoisse trop violente. Il est mise en scène aussi bien du rejet de ce que pourrait être le dire angoissant de l'autre, que du dévoilement de ce que l'autre n'entend pas. Il est le signe fait à quelqu'un, de ce qu'un faux réel vienne à la place d'un impossible à dire.
Durant une analyse, l'acting-out est toujours le signe que la conduite de la cure est, du fait de l'analyste, dans une impasse. Il révèle la défaillance de l'analyste, pas forcément son incompétence. Il s'impose lorsque, par exemple, l'analyste, au lieu de soutenir sa place, se comporte en maître ou fait une interprétation inadéquate, voire trop juste ou trop hâtive.
Pas plus qu'un autre, l'analyste ne peut interpréter l'acting-out, mais il
LE PASSAGE À CALTE
sciemment une position de maîtrise, dans l'aliénation la plus radicale, puisque le sujet est même prêt à la payer de sa vie.
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