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abatre ABATTRE, ABBATTRE, ABATRE, verbe transitif.

Publié le 27/09/2015

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abatre

ABATTRE, ABBATTRE, ABATRE, verbe transitif.  

I.—  Sens propre.  Provoquer la chute ou la destruction (ou la mort) d'un être animé ou inanimé. 

A.—  Emploi transitif.  [Le sujet est un animé (humain)] 

1. L'objet est un inanimé (arbre, noix, mur, etc.) ou un être animé (animal notamment de boucherie); par extension, un être humain, un vice humain. 

a) Le résultat de l'action est une chute de l'objet : 

Ø 1. Abattre des bois, défricher, semer, planter, construire une maison, tout cela est au-dessus des facultés d'une femme habituée à l'opulence et à l'insouciance des détails que donnaient une grande fortune, et la dissipation de la vie de Paris.

GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré,  1797, page 1829. 

Ø 2. Ce soir, je suis monté jusqu'aux bois qui dominent la ville; je suivais une grande route que bordaient d'un côté des tilleuls roux et des noyers; ceux-ci s'étaient déjà presque complètement dépouillés de leurs feuilles; on abattait les noix avec des gaules, et l'odeur d'iodure de sodium se dégageait des cosses que les enfants foulaient à terre.

ANDRÉ GIDE, Journal,  1894, page 51. 

b) Le résultat est à la fois une chute et une destruction (mort) : 

Ø 3. En voyant le grand nombre des députés à l'assemblée nationale de 1789, et tous les préjugés dont la plupart étaient remplis, on eût dit qu'ils ne les avaient détruits que pour les prendre, comme ces gens qui abattent un édifice pour s'approprier les décombres.

NICOLAS-SÉBASTIEN ROCH, DIT DE CHAMFORT, Maximes et pensées,  1794, page 82. 

Ø 4. Les ateliers avaient un sous-sol où mettre les boiseries, et qui communiquaient avec nos caves. Jupien y mettrait son charbon, ferait abattre la cloison et aurait une seule et vaste boutique.

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Côté de Guermantes, 2, 1921, page 372. 

Ø 5. Je crois être quelque temps capable de cuisiner un bon pâté de venaison; je doutais davantage de mes forces pour courre le gibier et l'abattre. Aussi veux-je rien faire d'autre, pour l'instant, que de chasser et de garnir mes crochets;...

ROGER MARTIN DU GARD, Souvenirs autobiographiques et littéraires,  1955, page CXIV. 

—  Par extension : 

Ø 6.... la jeunesse, en 1814, saluait la restauration, parce qu'elle abattait le despotisme et relevait la liberté.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 2, 1848, page 560. 

Ø 7. L'amour-propre est dix fois plus vulnérable que l'orgueil, mais s'il est blessé bien plus souvent il a la vie pourtant plus dure. Ainsi les revers qui abattent notre orgueil ulcèrent notre amour-propre.

HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime,  11 janvier 1866, page 56. 

Ø 8. —  Je me renseigne sur Bichat, dit alors Lucie d'une voix chargée de passion. J'attends les dernières preuves. Si je les reçois, je n'hésiterai pas un seul instant à le faire abattre comme un chien.

RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques,  1946, page 388. 

Ø 9. Le combat, alors, est sans merci. S'il tourne mal, les français survivants qui n'ont pu se dégager seront abattus sur-le-champ ou bien, après un simulacre de jugement, fusillés contre un talus.

CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, L'Unité, 1956, page 251. 

2. Emplois techniques (selon les domaines, le sens propre du verbe est plus ou moins perceptible) 

—  ARCHITECTURE.  Abattre les angles d'une construction (\" arrondir \") : 

Ø 10. Il existait à Beaucaire, en 1216... une tour triangulaire dont les angles étaient abattus...

PROSPER MÉRIMÉE, Étude sur les arts au Moyen Âge,  1870, page 242. 

Au figuré : 

Ø 11. M. Blanqui reconnaît qu'il y a dans la propriété une foule d'abus, et d'odieux abus; de mon côté j'appelle exclusivement propriété la somme de ces abus. Pour l'un comme pour l'autre, la propriété est un polygone dont il faut abattre les angles;...

PIERRE-JOSEPH PROUDHON, Qu'est-ce que la propriété?,  1840, page 128. 

—  ARMURERIE.  Abattre le chien d'un fusil (Confer exemple 39). 

—  BONNETERIE : 

Ø 12. Les faiseurs de bas au métier disent qu'ils abattent l'ouvrage, lorsqu'ils font descendre sous les aiguilles du métier les anciennes boucles qui ont passé par-dessus leurs becs.

Nouveau dictionnaire de la langue française (JEAN-CHARLES LAVEAUX)  1828. 

—  CARTIER (ART DU).  Abattre. Étendre les paquets composés d'étresses (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842, Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). 

—  CÉRAMIQUE : 

Ø 13. Loin d'abattre les sutures..., il faut les enlever...

ADOLPHE BRONGNIART, Traité des arts céramiques ou des poteries considérées dans leur histoire, leur pratique et leur théorie,   1844, I, page 161. 

—  CHAPELLERIE.  Abattre un chapeau Aplatir les bords et le dessus de la forme d'un chapeau (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842). 

—  CHIRURGIE.  Abattre. abaisser. Abattre la cataracte (Dictionnaire de l'Académie française, Compléments.  1842). 

—  COIFFURE. (vieilli) Abattre la barbe de quelqu'un (Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER)) Confer historique I B 2). 

—  ARTS CULINAIRES.  Abattre les bouillons d'un liquide en ébullition Faire tomber les bouillons d'un liquide en ébullition en versant dessus de l'eau froide; confer teinturerie). 

—  FAUCONNERIE.  Abattre un oiseau. L'immobiliser en le couchant sur le côté pour le soigner (confer ART VÉTÉR.). 

Remarque : \" C'est tenir l'oiseau serré entre deux mains, afin de le garnir de jets, ou pour le poivrer, ou pour lui donner quelque médicament par force \". (Traité général des Eaux et Forêts - Chasses et pêches (JACQUES-JOSEPH BAUDRILLART) 1834). 

—  JEUX : 

·    Abattre des quilles. Faire tomber des quilles : 

Ø 14. La partie est menée par deux joueurs ou par quatre en équipes de deux. Chacun joue à son tour. Mais comme celui qui joue le second doit abattre une quille de plus pour gagner, on tire à pile ou face.

JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous, tome 2, 1923, page 28. 

·    Abattre ses cartes. Abaisser ses cartes avec vivacité sur la table : 

Ø 15. On fait une manille, comme tu vois.

Il abattait ses cartes sur le tapis, cognant du poing, à chaque coup, entre les verres pleins de vin rouge.

MAURICE GENEVOIX, Raboliot,  1925, page 150. 

Abattre ses cartes, son jeu, abattre (absolument). En particulier  les abattre avec vivacité pour les montrer et indiquer par là qu'on a gagné sans jouer : 

Ø 16. —  Tout compris, répondit Phileas Fogg, qui, abattant son jeu, ajouta : « deux atouts maîtres. » Andrew Stuart, à qui c'était le tour de « faire », ramassa les cartes en disant : « Théoriquement, vous avez raison, monsieur Fogg, mais dans la pratique... »

JULES VERNE, Le Tour du monde en quatre-vingts jours,  1873, page 14. 

Au figuré.  Manifester explicitement ses intentions sur un ton généralement agressif : 

Ø 17. Il y avait un autre grand joueur qui jusqu'alors n'avait fait qu'observer les coups, mais attendait le moment d'entrer dans la partie. C'était le prince de Bismarck. Brusquement, le 19 février, il abattit ses cartes par un grand discours au Reichstag, discours volontairement obscur, donc fort clair.

ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, La Vie de Disraëli,  1923, page 296. 

Ø 18. Aujourd'hui, qui peut se vanter d'être entendu à demi-mot! Solliciter n'a plus de sens. On doit abattre grossièrement ses cartes, montrer son jeu.

GEORGES BERNANOS, La joie,  1929, page 628. 

·    JEU DE TRICTRAC : Abattre du bois. Jouer beaucoup de dames de la pile afin de caser (c'est-à-dire placer deux dames dans une case) plus aisément : 

Ø 19. Abattre du bois. C'est, au jeu de trictrac, abattre des dames pour caser;...

NOUVEAU DICTIONNAIRE PORTATIF DE LA LANGUE FRANÇAISE  (ABBÉ CLAUDE-MARIE GATTEL)  1797. 

Remarque : Cette définition reproduit textuellement celle d'Dictionnaire de l'Académie Française 1694 (confer historique). 

—  MANÈGE.  Abattre l'eau d'un cheval. Essuyer un cheval lorsqu'il sort de l'eau ou lorsqu'il est en sueur (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). Par analogie : 

Ø 20. Peu habitués à la danse qu'ils n'aimaient point, les garçons du chenal s'essouflaient vite et suaient à grosses gouttes. D'un geste brusque ils arrachaient le mouchoir accroché sous leur menton et, à grands coups, s'en essuyaient le visage. Ils en tiraient une sorte de fierté :

—  Aïe! regarde-moi donc : j'suis mouillé quasiment d'un travers à l'autre!

—  Ben tu m'as pas vu, j'suffis pas à m'abattre l'eau!

GERMAINE GUÈVREMONT, Le Survenant,  1945, page 134. 

—  MARÉCHALERIE.  Abattre le pied. Enlever de la corne au sabot du cheval (Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER)). 

—  MÉTÉOROLOGIE.  Abattre le vent, la poussière, en parlant de la pluie (faire tomber le vent, diminuer la force du vent, l'épaisseur de la poussière) : 

Ø 21. Inespérément quelques gouttes d'eau viennent abattre un peu la poussière, rafraîchir et humecter l'air.

ANDRÉ GIDE, Le Retour du Tchad,  1928, page 963. 

—  MINÉRALOGIE.  Abattre du minerai, de la houille. Le (la) détacher de la paroi : 

Ø 22. En bas, on travaillait jour et nuit. Par crainte de rencontrer un obstacle, l'ingénieur avait fait ouvrir, dans la veine, trois galeries descendantes, qui convergeaient vers le point où l'on supposait les mineurs enfermés. Un seul haveur pouvait abattre la houille, sur le front étroit du boyau; on le relayait de deux heures en deux heures;...

ÉMILE ZOLA, Germinal,  1885, page 1553. 

—  POLICE SANITAIRE. (langage des abattoirs).  Abattre un animal. Tuer : 

Ø 23. C'est dans ce village que j'ai vu pour la première fois réquisitionner le bois, le pain, la viande, etc.; c'est là que j'ai vu des malheureux lever les mains au ciel, pendant que leurs vaches sortaient des écuries, qu'on les abattait dans la rue, qu'on les dépouillait et qu'on les partageait en quartiers, par compagnie.

ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, tome 2, 1870, page 28. 

Ø 24. Toutes sortes de détritus avaient épaissi cette litière humaine, de la paille, du foin, que faisait fermenter le crottin des bêtes. Et, surtout, les carcasses des chevaux, abattus et dépecés en pleins carrefours, empoisonnaient l'air.

ÉMILE ZOLA, La Débâcle,  1892, page 432. 

—  TANNERIE et CORROIERIE.  

·    Abattre les peaux. Les pénétrer d'eau (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842) 

·    Abattre les cuirs. Dépouiller les animaux tués. 

·    Abattre la laine. Faire tomber la laine des peaux de mouton. 

—  TEINTURERIE.  Abattre le bain (Confer ART CULINAIRE) : 

Ø 25. Abattre le bain ou le bouillon.

C'est rafraîchir un bain avec de l'eau fraîche, avant d'y plonger l'étoffe ou l'écheveau.

DOCTEUR GUILLAUME DOIN, Dictionnaire des teintures,  1828. 

—  TYPOGRAPHIE et IMPRIMERIE : 

·    Abattre la forme. Abaisser rapidement : 

Ø 26. Le marbre étant convenablement essuyé, on doit avant d'abattre la forme l'essuyer à son tour...

ÉMILE LECLERC, Nouveau manuel complet de typographie,  1897, page 107. 

·    Abattre la frisquette et le tympan (en parlant du mouvement que fait l'imprimeur après avoir placé la feuille de papier sur le tympan ou châssis) : 

Ø 27. Abattre le tympan. Voyez abaisser la frisquette.

ANTOINE-FRANÇOIS MOMORO, Traité élémentaire de l'imprimerie, ou le manuel de l'imprimeur.  1794, page 34. 

—  VÉTÉRINAIRE (ART).  Abattre un cheval. Renverser un cheval sur le côté pour lui faire quelque opération (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). 

3. Expressions familières, argotiques, proverbiales. 

—  Familier : 

·    Vieilli. Abattre du bois : 

Ø 28. Abattre du bois. Au figuré et familièrement. Abattre bien du bois, expédier beaucoup d'affaires en peu de temps.

NOUVEAU DICTIONNAIRE PORTATIF DE LA LANGUE FRANÇAISE  (ABBÉ CLAUDE-MARIE GATTEL)  1797. 

·    En abattre de la besogne; de l'ouvrage; abattre du chemin : 

Ø 29. Abattre (en). Jeter à bas beaucoup d'ouvrage, travailler à la hâte et sans aucun soin.

JEAN-FRANÇOIS ROLLAND, Dictionnaire du mauvais langage,  1813, page 2. 

Ø 30. Et les marteaux continuaient de rouler comme une diligence sur le pavé de la ville. Ah! Nous en avons abattu de l'ouvrage en ce temps.

ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, tome 1, 1870, page 467. 

Ø 31. Au Chambon, Henri avait aperçu le Grand-Blanc devant une auberge. Une petite fille avait dit : « c'est le cheval de Gaspard des montagnes! » et le valet : « on peut dire que son maître en a abattu de l'ouvrage, depuis qu'il est dans l'endroit. » L'hôte, alors, d'un ton solennel : « ce garçon, c'est un foudre de labeur! »

HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, La Tour du Levant, tome 4, 1931, page 129. 

Ø 32. Malgré la chaleur grandissante, à midi, j'avais encore abattu un bon bout de route.

HENRI BOSCO, L'Âne Culotte,  1937, page 98. 

—  Argot : 

·    Abattre le brouillard. S'éclaircir la vue le matin en buvant. 

·    Abattre. Faire des dettes : 

Ø 33. Abattre. —  Faire des dettes.

Almanach des débiteurs.  1851 (Les excentricités du langage français (LORÉDAN LARCHEY)  1880 ). 

—  Proverbialement. Petite pluie abat grand vent. (Il s'agit d'un emploi figuré à partir de l'emploi météorologique confer I A 2 : peu de choses suffit pour calmer une grande querelle, par analogie avec les expressions la pluie abat le vent, la poussière). 

B.—  Emploi intransitif; Cet emploi est réservé à deux sens techniques. 

—  MARINE.  

·    Abattre. se dit d'un bâtiment qui tourne sur lui-même autour d'un axe vertical; le sujet désigne le commandant, ou par métonymie le bâtiment lui-même : 

Ø 34. Le 5 à midi nous appareillâmes de la rade de Brest. Je fus obligé de couper mon câble, le vent d'est très-frais et le jusant empêchant de virer à pic, et me faisant appréhender d'abattre trop près de la côte.

LOUIS-ANTOINE DE BOUGAINVILLE, Voyage autour du monde,  1771, page 4. 

Ø 35. Ce que cet homme observait, c'était un navire au large qui faisait en effet un jeu singulier.

Ce navire, qui venait de quitter depuis une heure à peine le port de Saint-Malo, s'était arrêté derrière les banquetiers. C'était un trois-mâts. Il n'avait pas jeté l'ancre, peut-être parce que le fond ne lui eût permis d'abattre que sur le bord du câble, et parce que le navire eût serré son ancre sous le taille-mer; il s'était borné à mettre en panne.

VICTOR HUGO, Les Travailleurs de la mer,  1866, page 175. 

·    Abattre en carène, en parlant d'un navire qui est couché sur le côté pour être réparé : 

Ø 36. Le mouillage d'Hobart-Toron est bon en tout temps, bien qu'il descende parfois de vigoureuses rafales du mont Wellington. Un navire peut y faire toutes les réparations possibles, même y abattre en carène.

JULES-SÉBASTIEN-CÉSAR DUMONT D'URVILLE, Voyage au Pôle Sud et dans l'Océanie,  1842, IX, page 46. 

—  MANUTENTION.  Peser sur un levier pour faire faire un tour au treuil (Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER)). 

C.—  Emploi pronominal. S'abattre.  [Le sujet est un inanimé, plus rarement un animal ou un homme]  Tomber brusquement ou perdre sa position verticale, sous l'effet d'une force ou d'un choc violents. 

1. Emploi absolu : 

Ø 37. Les chevaux fumaient de sueur. Subitement, l'un d'eux, fléchit, s'abattit presque, se redressa d'un coup de reins; la machine s'enleva d'un côté, retomba, tourna comme sur un pivot, et le conducteur fut jeté à terre, à trois pas, dans le foin.

RENÉ BAZIN, Le Blé qui lève,  1907, page 212. 

Ø 38. Les obus s'abattaient de droite, de gauche, de face.

Les uns après les autres, les hommes tombaient.

RENÉ BENJAMIN, Gaspard,  1915, page 66. 

Spécialement, emplois techniques. 

—  ARMURERIE : 

Ø 39.... du reste, nous manquions de tout. Nos fusils, de manufacture allemande, armes de rebut, d'une pesanteur effrayante, nous cassaient l'épaule, et souvent n'étaient pas en état de tirer. J'ai fait toute la campagne avec un de ces mousquets dont le chien ne s'abattait pas.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 1, 1848, page 397. 

—  MARINE : 

Ø 40.... il [le brick] avait des mouvements de roulis et de tangage dans lesquels il s'abattait furieusement de côté et d'autre comme s'il allait virer...

HECTOR MALOT, Romain Kalbris,  1869, page 20. 

—  Par analogie : 

Ø 41.... les notes du quatuor s'abattent de tierce en tierce...

JACQUES-GABRIEL PROD'HOMME, Les Symphonies de Beethoven,  1906, page 258. 

2. S'abattre sur..  Tomber brusquement et violemment sur un être (animé) de manière à le priver de ses forces ou de sa vie : 

Ø 42. Qu'on se figure un autour se disposant à plumer un oison, et qui voit un aigle fondre et s'abattre sur sa proie.

JULES SANDEAU, Sacs et parchemins,  1851, page 18. 

Ø 43. Il s'abattit sur la brute comme un faucon, se redressa en titubant, la main portée à son coeur qui l'étranglait.

HENRI DE MONTHERLANT, Les Bestiaires,  1926, page 561. 

—  Par analogie : 

Ø 44. Un accès de foncier découragement vient de s'abattre sur moi, me laissant incapable de rien faire, sinon de tâcher de me galvaniser moi-même à l'aide de ce Journal.

CHARLES DU BOS, Journal,  mai 1924, page 133. 

Remarque : Ne pas confondre cet emploi avec ceux où s'abattre et sur gardent chacun sa valeur propre : 

Ø 45. En dégelant, la terre avait rompu le bois trop faible de l'armature. Il y eut un craquement, on entendit des os se fendre. Et lui, du même geste d'amour dont il s'enfiévrait à la caresser de loin, ouvrit les deux bras, au risque d'être tué sous elle. Une seconde, elle oscilla, puis s'abattit d'un coup, sur la face, coupée aux chevilles, laissant ses pieds collés à la planche.

ÉMILE ZOLA, L'Œuvre,  1886, page 244. 

Ø 46.... quand j'étais encore une petite fille dans mon pays,

Alors que les abeilles essaiment, sur les deux heures, quand il fait si chaud,

Je m'asseyais dans l'herbe et, frappant sur un morceau de fer, je disais « belle! belle! »

Et tout l'essaim par rangées noires venait s'abattre sur le drap blanc tendu.

PAUL CLAUDEL, L'Échange, 1re.  version,  1894, III, page 706. 

II.—  Sens figuré.  Priver brusquement quelqu'un des forces physiques ou morales, sous l'action d'une violente contrariété (exprimée par le sujet-agent). 

A.—  Emploi transitif.  [L'objet est soit une personne, soit une de ses qualités ou facultés] :

Ø 47. C'était un homme peu habitué au travail de l'esprit; le changement d'habitudes qu'il s'était imposé, la privation de ses exercices habituels avaient ruiné sa santé. En outre, un grand chagrin l'avait abattu.

ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, La Vie de Disraëli,  1923, page 190. 

Ø 48. Prétendez-vous que mon bonheur ne réjouit pas le coeur de mon père? Ah! s'il est là, s'il voit sa fille en robe blanche, sa fille que vous avez réduite au rang abject d'esclave, s'il voit qu'elle porte le front haut et que le malheur n'a pas abattu sa fierté, il ne songe pas, j'en suis sûre, à me maudire;...

JEAN-PAUL SARTRE, Les Mouches,  1943, II, 3, page 50. 

B.—  Emploi absolu.  Faire perdre le courage, l'énergie, etc. : 

Ø 49. Comme la mer, l'exil a sa torpeur; il abat et engourdit.

ALPHONSE DAUDET, Les Rois en exil,  1879, page 209. 

Ø 50. Cet éveil collectif, semblable à celui qui fait prendre, un beau jour, à chaque individu, la conscience des vraies dimensions de sa vie, a nécessairement sur la masse humaine un profond contrecoup religieux, —  pour abattre ou pour exalter.

PIERRE TEILHARD DE CHARDIN, Le Milieu divin,  1955, page 24. 

C.—  Locution pronominale.  [Le sujet désigne une personne]  Se laisser abattre. 

·    Emploi absolu : 

Ø 51. Le plaisant c'est que je sois considéré également comme l'ennemi, par leurs adversaires. Il s'agit de ne pas se laisser abattre, ni attrister, ni exaspérer, ni infatuer, mais de trouver au contraire un certain équilibre du coeur et de l'esprit dans le balancement de ces haines. Et se garder, soi, de haïr.

ANDRÉ GIDE, Journal,  1927, page 863. 

·    L'infinitif ayant dans cette locution un sens passif, l'agent ou la cause de l'abattement s'expriment par un complément introduit par la préposition par : 

Ø 52. Nous sentons les infirmités du corps, nous nous laissons souvent abattre par les moindres souffrances; nous ne sentons pas de même les infirmités ou les maladies de l'esprit,...

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1819, page 253. 

Ø 53.... je n'aurais jamais cru que mon colonel, un vrai lion... se laisserait ainsi abattre par cette gueuse de bise qui siffle sur la neige durcie.

PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, L'Héritage mystérieux, prol, tome 1, 1859, page 10. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2 314. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 2 501, b) 3 723; XXe.  siècle : a) 4 014, b) 3 297. 

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