Devoir de Philosophie

abandonné ABANDONNÉ, -ÉE, participe passé adjectif et substantif.

Publié le 27/09/2015

Extrait du document

abandonné

ABANDONNÉ, -ÉE, participe passé adjectif et substantif.  

I.—  [Correspond à abandonner] 

Remarque : A tous les sens et constructions du verbe; il peut avoir en outre des sens particulier, dus à sa nature de forme nominale du verbe exprimant un état, résultat de l'action d'abandonner. 

1. Il est suivi de la préposition de ou par introduisant le nom de l'agent. : 

a) Il s'applique à un bien : 

Ø 1. 1406. L'immeuble abandonné ou cédé par père, mère ou autre ascendant, à l'un des deux époux, soit pour le remplir de ce qu'il lui doit, soit à la charge de payer les dettes du donateur à des étrangers, n'entre point en communauté; sauf récompense ou indemnité.

Code civil des Français (ou Code Napoléon)  1804, page 256. 

Ø 2. Pourtant, Sédille, toujours anxieux et méfiant, voulut poser une question : que deviendraient les actions abandonnées par ceux des actionnaires qui ne voudraient pas user de leur droit.

ÉMILE ZOLA, L'Argent,  1891, page 178. 

b) Il s'applique à un lieu : 

Ø 3. Lorsqu'autrefois parmi nous on sépara les tombeaux des églises (...) le peuple s'opposa par-tout à l'abandon des antiques sépultures. (...) Au lieu de ces cimetières fréquentés on nous assigna dans quelque faubourg un enclos solitaire abandonné des vivans et des souvenirs,...

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 2, 1803, page 341. 

c) Il s'applique à des personnes : 

Ø 4. Sophie et Maurice. SOPHIE. —  Laissez-moi seule, vous dis-je; votre présence m'afflige, votre tendresse m'offense, et vos offres me font horreur. J'aimais votre frère, lorsqu'il était l'espoir de sa famille; je l'adore depuis qu'il en est banni. Hélas! Déshérité par son père, trahi par ses amis, persécuté par son frère, sans secours, sans asyle, seul, abandonné de la nature entière, il n'a pour supporter ses malheurs, que la force de son courage et les larmes de Sophie...

JEAN-HENRI-FERDINAND LA MARTELIÈRE, Robert, chef des brigands, 1793, I, 1, page 1. 

Ø 5. Tous les Chrétiens se tenoient renfermés dans leurs maisons, évitant à la fois la fureur du peuple et le spectacle de l'idolâtrie. On ne voyoit errer au dehors que quelques prêtres attachés au service des hospices et des prisons, des diacres chargés de sauver les pauvres voués à la mort par Galérius, des femmes qui recueilloient les esclaves abandonnés par leurs maîtres, et les enfants exposés par leurs mères.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Les Martyrs ou le Triomphe de la religion chrétienne, tome 3, 1810, page 197. 

Ø 6. Le banquier était arrivé à la limite de ses sacrifices, et il avait formellement déclaré qu'il ne les pousserait pas plus loin (...) la danseuse pleura, mais le banquier resta inflexible : on avait épuisé le crédit; il tenait ses engagements avec une rigueur mathématique. C'est dans de pareils moments que Saint-Ernest se montrait admirable. Il cherchait les cas désespérés, les malades abandonnés de tout le monde, et l'Aspic était dans ce cas.

LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale,  1842, page 56. 

Ø 7. « Le docteur Chikapouff, médecin-praticien des bords du Don, fait connaître généralement à tous les citoyens de cette capitale et de la France entière, comment il a prouvé, au moyen des soins qu'il a donnés, dans l'espace de trois mois, à environ cent cinquante incurables et par conséquent abandonnés par tous les médecins de la ville, et que les hôpitaux même ont expulsés ne pouvant arriver à la guérison desdits incurables; que lui, Chikapouff, avait pénétré dans le vrai de la médecine,... »

LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale,  1842 page 91. 

—  Être assez abandonné de Dieu pour + infinitif : 

Ø 8. Ma foi! dit Gringoire, c'est qu'elle est ma femme et que je suis son mari.

L'oeil ténébreux du prêtre s'enflamma.

—  Aurais-tu fait cela, misérable? cria-t-il en saisissant avec fureur le bras de Gringoire; aurais-tu été assez abandonné de Dieu pour porter la main sur cette fille?

VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris,  1832, page 295. 

2. Abandonné n'est pas suivi d'une préposition; l'agent est implicite. : 

a) S'applique à un bien, à une chose (noter les emplois dans diverses langues techniques) : 

Ø 9. [Dans une carrière de gypse] , si le gîte ne peut être enlevé en une seule fois, on l'exploite par tranches horizontales, dans chacune desquelles on opère par piliers abandonnés.

JEAN CAHEN, EDMOND BRUET, Carrières, plâtrières, ardoisières, 1926, page 192. 

Remarque : Pilier abandonné : confer pilier. 

Ø 10. Aux paroles de sa belle-mère, Camille tomba des nues. Après en avoir voulu vingt-quatre heures à Le Loreur pour les potins qu'il avait dû faire à Agnès, ne l'ayant pas rencontré, il l'avait oublié. D'autant plus qu'Agnès, les jours suivants, était devenue douce comme un agneau. Il croyait que c'était parce qu'il lui avait donné un peu plus d'argent que d'habitude, Gravier ayant fait rentrer une créance presque abandonnée.

PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie,  1939, page 125. 

b) S'applique à un lieu (lieu inhabité, désert, vide; lieu sauvage) : 

Ø 11.... elle se contenta de sourire, en disant :

« il y a donc long-temps que Durantal est inhabité... »

—  Il est abandonné depuis la Révolution : les propriétaires n'avoient plus assez de fortune pour y rester,...

HONORÉ DE BALZAC, Annette et le criminel, tome 3, 1824, page 33. 

Ø 12. Cà et là, en allant dans les champs, vous rencontrez, derrière un mur de pierres grises, quelque ferme silencieuse, manoir abandonné, où les maîtres ne viennent pas.

GUSTAVE FLAUBERT, Par les champs et par les grèves,  1848, page 356. 

Ø 13. Il y a à Castel-Gandolfo un endroit abandonné, un coin désert où personne ne passe, une place inanimée, muette, où des gamins jouent à la marelle italienne,...

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Madame Gervaisais,  1869, page 145. 

Ø 14.... ces feuilles tombant toujours, semblaient des larmes, de grandes larmes versées par les grands arbres tristes (...). Ils pleuraient dans le silence du bois désert et vide, du bois abandonné et redouté,...

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, La Petite Roque, 1885, page 1033. 

c) S'applique à un animal (notamment à un chien) : 

Ø 15. Ses yeux se fixaient sur Jules avec une curiosité effrayante et parcouraient toute sa personne, tout en le flairant et en tournant autour de lui. Jules en eut d'abord horreur, puis pitié, tant le pauvre animal semblait misérable et abandonné. C'était un de ces chiens qui ont perdu leur maître, que l'on poursuit avec des huées, qui errent au hasard dans la campagne, que l'on trouve morts au bord des chemins sans savoir à qui ils appartenaient.

GUSTAVE FLAUBERT, La Première éducation sentimentale.  1845, page 227. 

d) S'applique à des personnes (surtout à un enfant, notamment dans la langue du droit) : 

Ø 16. A Aimé Martin.

Mars-Avril 1836.

Mon cher ami, Vous m'avez trouvé l'homme qu'il me fallait. (...) dites-lui de me faire les enfants trouvés et abandonnés. Amenez-le dîner avec vous un jour.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Correspondance générale, tome 2, 1836, page 207. 

Ø 17. Le marquis se laissa tomber sur un banc, au pied d'un arbre, cacha sa tête dans ses mains et fondit en larmes. Il pleura comme une femme, comme un enfant privé de sa mère et abandonné sur la voie publique. Cet homme riche à millions, heureux naguère et dont la colossale stature semblait résumer le type de la force, s'était senti tout à coup le plus infortuné et le plus délaissé des hommes.

PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 3, Le Club des valets de coeur, 1859, page 39. 

Ø 18. M'a-t-on jamais vu reculer devant le danger?... Ai-je marchandé mon dévouement au plus pauvre, au plus abandonné?... La diphtérie qui a failli m'emporter, je l'avais gagnée d'une mendiante, gibier d'hôpital et de bagne...

FRANÇOIS DE CUREL, La Nouvelle idole,  1899, I, 6, page 185. 

Ø 19. Les enfants qui souffrent d'une naissance illégitime, de mauvais traitements ou de scènes de violence familiale, inclinent à imaginer qu'ils sont issus d'une famille inconnue, riche ou d'illustre lignée : ce mythe, plus ou moins formulé chez beaucoup d'enfants, explique le succès de la littérature de l'enfant perdu ou abandonné.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 377. 

—  Substantivement.  [En particulier en parlant d'un orphelin, des morts, des pauvres, du Christ] :

Ø 20.... Visite au chateau, aux princes. Agitation, bavardage et mouvement sans objet, j'ai passé la journée en affaires de commission; était de malaise et de vide. Dîner seul chez moi. Visites du soir; fatigue et embarras de tête.

« Je suis un pauvre abandonné, banni dans une terre ennemie où les combats sont continuels et les disgrâces très grandes ».

J'éprouve dans chaque lieu ces combats, ces peines, cette tristesse de l'exil.

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1819, page 208. 

Ø 21. LA TRÉPASSÉE 

C'en est fait! C'en est fait! Il est là! Sa morsure

M'ouvre au flanc une large et profonde blessure;

Il me ronge le coeur.

Quelle torture! O Dieu, quelle angoisse cruelle

Mais que faites-vous donc lorsque je vous appelle,

O ma mère, ô ma soeur?

LE VER 

Dans leur âme déjà ta mémoire est fanée,

Et pourtant sur ta fosse, ô pauvre abandonnée, 

L'oranger est tout frais.

La tenture funèbre à peine repliée,

Comme un songe d'hier elles t'ont oubliée,

Oubliée à jamais.

THÉOPHILE GAUTIER, La Comédie de la mort, La Vie dans la mort, 1838, page 17. 

Ø 22. Elle avait poussé dans un faubourg, sur le pavé parisien; et, grande, belle, de chair superbe ainsi qu'une plante de plein fumier, elle vengeait les gueux et les abandonnés dont elle était le produit.

ÉMILE ZOLA, Nana,  1880, page 1269. 

Ø 23. 29 avril. —  Apparition extraordinaire d'un autre ingénieur, ami de Termier et passionné pour mes livres. J'aurai sans doute l'occasion de reparler de cet ami des pauvres et des abandonnés. Il se nomme Philippe Raoux...

LÉON BLOY, Journal,  1907, page 347. 

Ø 24. Les gardes ôtent la pierre. Le grand prêtre s'avance jusqu'à l'entrée de la caverne.

Le grand prêtre. —  Vous, les oubliés, les abandonnés, les désenchantés, vous qui traînez au ras de terre, dans le noir, comme des fumerolles, et qui n'avez plus rien à vous que votre grand dépit, vous les morts, debout, c'est votre fête! Venez, montez du sol comme une énorme vapeur de soufre chassée par le vent; montez des entrailles du monde, ô morts cent fois morts,...

JEAN-PAUL SARTRE, Les Mouches,  1943, II, tablaau 1, 2, page 46. 

II.—  [Correspond à s'abandonner] 

A.—  [Correspond à II A 2 a de s'abandonner]  Qui a renoncé à agir, à lutter : 

Ø 25. Une malheureuse assez abandonnée pour se tuer elle-même!

PROSPER MÉRIMÉE, Arsène Guillot,  1847, page 92. 

Ø 26.... sitôt qu'il a foulé la liste couleur d'ambre, il oublie que son propre calcul en a tracé d'avance l'itinéraire inflexible. Au premier pas sur le sol magique arraché par son art à l'accablante, à la hideuse fertilité de la terre, nu et stérile, bombé comme une armure, le plus abandonné reprend patience et courage, rêve qu'il est peut-être une autre issue que la mort à son âme misérable... Qui n'a pas vu la route à l'aube, entre ses deux rangées d'arbres, toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce que c'est que l'espérance.

GEORGES BERNANOS, Monsieur Ouine,  1943, page 1409. 

B.—  [Correspond à II A 2 b de s'abandonner]  Qui a renoncé à la direction ou à la possession de soi-même : 

Ø 27. On lui [M. de Talleyrand] a attribué un goût d'épigrammes et de saillies qu'il n'avait pas; son entretien n'avait ni la méchanceté ni l'essor que le vulgaire se plaisait à citer et à admirer dans les reparties d'emprunt mises sous son nom. Il était, au contraire, lent, abandonné, naturel, un peu paresseux d'expression, mais toujours infaillible de justesse. Il avait trop d'esprit pour avoir besoin de le tendre. Ses paroles n'étaient pas des éclairs, mais des réflexions condensées en peu de mots.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Nouvelles Confidences,  1851, page 305. 

Ø 28. Je ne sais pas si Delacroix a des imperfections de caractère. J'ai vécu près de lui dans l'intimité de la campagne et dans la fréquence des relations suivies, sans jamais apercevoir en lui une seule tache, si petite qu'elle fût. Et pourtant nul n'est plus liant, plus naïf et plus abandonné dans l'amitié. Son commerce a tant de charmes qu'auprès de lui on se trouve soi-même être sans défauts, tant il est facile d'être dévoué à qui le mérite si bien.

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 4, 1855, page 252. 

Ø 29.... Les matamores de la troupe étaient atterrés : «  (...) S'il arrivait malheur à leur garant et fondé de pouvoir, adieu tout! Il leur incomberait alors d'en découdre avec messire la sourdine, et ce n'est pas lui qui serait décousu! » Mais le protecteur, d'un seul coup d'oeil, les rassura : « puisqu'on l'exigeait, il serait sage; on pouvait, comme toujours, s'en rapporter à sa parole. » En effet, au lieu de se jeter en avant, à corps abandonné, comme il l'avait fait deux fois de suite sans autre résultat que de compromettre la partie, il se remit à tâter le fourbe d'en face,...

LÉON CLADEL, Ompdrailles, le tombeau des lutteurs,  1879, page 278. 

Ø 30.... la chaleur tombait dans l'air immobile. Par moments, une haleine fraîche montait des parquets, que des garçons de magasin arrosaient d'un mince filet d'eau. (...). Des vendeurs nonchalants se tenaient debout, quelques rares clientes suivaient les galeries, traversaient le hall, de ce pas abandonné des femmes que le soleil tourmente.

ÉMILE ZOLA, Au Bonheur des dames,  1883, page 540. 

Ø 31. Ses cheveux sont défaits, abandonnés; d'un noir de jais; coupés court sur le front mais retombant comme mouillés sur les épaules.

ANDRÉ GIDE, Journal,  1910, page 291. 

—  En mauvaise part.  Sans retenue : 

Ø 32. Quelquefois un plumet échauffé de luxure et de boisson faisait asseoir sur son genou une de ces beautés peu farouches, et lui chuchotait à l'oreille, dans un gros baiser, des propositions anacréontiques reçues avec des rires affectés et un « non » qui voulait dire « oui »; puis, au long de l'escalier, on voyait des groupes qui montaient, l'homme le bras sur la taille de la femme, la femme se retenant à la rampe et faisant de petites façons enfantines, car même en la débauche la plus abandonnée il faut encore quelques semblants de pudeur.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 315. 

—  Substantivement.  [En parlant d'une femme qui se prostitue, peut-être pour indiquer le motif de sa prostitution] :

Ø 33. La femme Cuche, cette misérable abandonnée qui se prostituait à tous les hommes, dans les trous de la côte, pour trois sous ou pour un reste de lard, s'était cassé une jambe en juillet; et elle en demeurait contrefaite, boitant affreusement, sans que sa laideur repoussante, aggravée par cette infirmité, lui fît rien perdre de sa clientèle ordinaire.

ÉMILE ZOLA, La Joie de vivre,  1884, page 1004. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 4 302. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 6 313, b) 6 255; XXe.  siècle : a) 6 219, b) 5 815. 

 

Forme dérivée du verbe \"abandonner\"

 abandonner

ABANDONNER, verbe transitif.  

I.—  Emploi transitif. 

A.—  [L'agent est normalement une personne]  Rompre le lien qui attachait à une chose ou à une personne. 

1. [L'objet est une chose] 

a) [Le lien antérieur avec l'objet était un lien de possession réelle] 

—   Renoncer à un pouvoir, à des droits, à la possession d'un bien ou à l'utilisation d'une chose : 

Ø 1. La surcharge rendant la possession des terres onéreuse, l'humble propriétaire abandonna son champ, ou le vendit à l'homme puissant; et les fortunes se concentrèrent en un moindre nombre de mains.

CONSTANTIN-FRANÇOIS CHASSBOEUF, COMTE DE VOLNEY, Les Ruines ou Méditations sur les révolutions des empires,  1791, page 72. 

Ø 2. On dit [proverbialement] n'abandonnez pas les étriers, c'est-à-dire servez-vous bien des avantages que vous avez, ne les quittez point.

JEAN-FRANÇOIS ROLLAND, Dictionnaire du mauvais langage,  1813, page 1. 

Ø 3.... le 3 mai, des cris de Nab, posté à la fenêtre de sa cuisine, annoncèrent que la baleine était échouée sur le rivage de l'île. Harbert et Gédéon Spilett, qui allaient partir pour la chasse, abandonnèrent leur fusil, Pencroff jeta sa hache, Cyrus Smith et Nab rejoignirent leurs compagnons, et tous se dirigèrent rapidement vers le lieu d'échouage.

JULES VERNE, L'Île mystérieuse,  1874, page 307. 

Ø 4.... la molesquine, (...), commença de lui coller aux chausses. On ne s'en aperçut, hélas! qu'à la fin de la séance, au moment qu'il voulut se lever. Vains efforts! Il tenait à la chaise, et la chaise tenait à lui. Son mince pantalon (nous étions en été) si l'étoffe en était un peu mûre, le fond allait y rester, c'était sûr; il y eut quelques secondes d'angoisse... et puis, non! Sur un nouvel effort, ce fut la molesquine qui céda, doucement, doucement, abandonnant du sien, comme par conciliation.

ANDRÉ GIDE, Si le grain ne meurt,  1924, page 459. 

Ø 5. Oh! Mon père, mon père! Si je n'espérais pas que le ciel a quelque dessein sur moi, je mourrais ici de honte à vos pieds. Il est possible que vous ayez raison, que l'épreuve n'ait pas été poussée jusqu'au bout. Mais Dieu ne m'en voudra pas. Je lui sacrifie tout, j'abandonne tout, je renonce à tout pour qu'il me rende l'honneur.

GEORGES BERNANOS, Dialogues des carmélites,  1948, I, 4, page 1579. 

Remarque : Dans l'exemple 2 l'emploi du verbe est figuré. 

—   Quitter un lieu, ne plus l'occuper; dans la langue du droit \" abandonner le domicile conjugal \",  dans le langage militaire   \" abandonner son poste \" : 

Ø 6. Julien vit le succès de son récit. Il comprit qu'il fallait tenter la dernière ressource : il arriva brusquement à la lettre qu'il venait de recevoir de Paris.

—  J'ai pris congé de monseigneur l'évêque.

—  Quoi, vous ne retournez pas à Besançon! Vous nous quittez pour toujours?

—  Oui, répondit Julien d'un ton résolu; oui, j'abandonne un pays où je suis oublié même de ce que j'ai le plus aimé en ma vie, et je le quitte pour ne jamais le revoir. Je vais à Paris...

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Le Rouge et le Noir, tome 1, 1830, page 219. 

Ø 7. M. Clavier et Caroline rentrèrent dans le salon de plain-pied, dont ils prenaient ordinairement possession l'été, et qu'ils abandonnaient l'hiver à cause de la fraîcheur des murs.

LÉON GOZLAN, Le Notaire de Chantilly,  1836, page 4. 

Ø 8.... maintenant que le général de Wimpffen succédait au général Ducrot, le premier plan de nouveau l'emportait, l'ordre arrivait de réoccuper Bazeilles coûte que coûte, pour jeter les bavarois à la Meuse. N'était-ce pas imbécile de leur avoir fait abandonner une position, qu'il leur fallait à cette heure reconquérir? On voulait bien se faire tuer, mais pas pour le plaisir, vraiment!

ÉMILE ZOLA, La Débâcle,  1892, page 277. 

Ø 9. « Voilà mon Favery épouvanté. Une femme sur les bras, et, qui pis est, une femme bientôt divorcée, libre, qui allait exiger qu'on l'épouse... C'est alors qu'il a eu ce qu'il appelle lui-même son idée de génie. Il a écrit au mari : Monsieur, je reconnais que c'est pour me suivre que votre femme abandonne le domicile conjugal. Salutations. Favery. »

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Belle saison, 1923, page 850. 

Ø 10. Ils sont obsédés par la trahison. Non sans raison... (...).

—  Si ce type abandonne son poste, il doit être fusillé.

ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir,  1937, page 636. 

—   Cesser de défendre une cause, renoncer à des principes, à une idée en la rejetant ou simplement en s'en séparant : 

Ø 11. Ici, je vois répandre de dangereuses erreurs; ici je m'aperçois qu'on abandonne les premiers principes du bon sens et de la liberté, pour poursuivre de vaines abstractions métaphysiques.

MAXIMILIEN DE ROBESPIERRE, Discours,  1793, page 506. 

Ø 12. Cette école pythagoricienne (...) succomba sous les efforts des tyrans. Un d'eux brûla les pythagoriciens dans leur école; et ce fut une raison suffisante sans doute, non pour abjurer la philosophie, non pour abandonner la cause des peuples, mais pour cesser de porter un nom devenu trop dangereux, et pour quitter des formes qui n'auraient plus servi qu'à réveiller les fureurs des ennemis de la liberté et de la raison.

ANTOINE MARQUIS DE CONDORCET, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain,  1794, page 49. 

Ø 13.... les croyances religieuses ne sont plus l'unique sphère dans laquelle s'exerce l'esprit humain; sans les abandonner, il commence à s'en séparer, à se porter ailleurs.

FRANÇOIS GUIZOT, Histoire générale de la civilisation en Europe depuis la chute de l'Empire romain jusqu'à la Révolution française, 1828, page 27. 

b) [Le lien avec l'objet était un lien de possession seulement envisagé]  Renoncer à poursuivre une action, une recherche; renoncer à une entreprise, à un projet. D'où l'expression. abandonner la partie, et abandonner en emploi absolu, dans la langue du sport avec le sens de \" renoncer à poursuivre une compétition \") : 

Ø 14. J'ai lu, dans je ne sais quel voyageur, que certains sauvages de l'Afrique croient à l'immortalité de l'âme. Sans prétendre expliquer ce qu'elle devient, ils la croient errante, après la mort, dans les broussailles qui environnent leurs bourgades, et la cherchent plusieurs matinées de suite. Ne la trouvant pas, ils abandonnent cette recherche, et n'y pensent plus.

NICOLAS-SÉBASTIEN ROCH, DIT DE CHAMFORT, Maximes et pensées,  1794, page 17. 

Ø 15.... sous ses joies vivait un regret, celui de n'avoir pas tué. Quoi! Cette occasion de la guerre passerait donc en vain! Et cela lui laissait un sourd sentiment d'infériorité, analogue à celui qui lui venait jadis en songeant que sur le ring, dans les championnats d'amateurs, il avait battu de ses adversaires aux points, il en avait forcé d'autres à abandonner, mais jamais il n'avait pu réussir un knock-out.

HENRI DE MONTHERLANT, Le Songe,  1922, page 78. 

Ø 16. Bientôt, je me heurtai à des difficultés éternelles. Un jour presque entier consumé à faire, à défaire et à refaire quelque partie de mon poème, j'en ai pris ce dégoût désespéré que connaissent tous les artistes. L'artiste serait peu de chose, s'il n'était le jouet de ce qu'il fait. Je décidai d'abandonner la partie; je m'assurai qu'il fallait renoncer; et voulant rompre par un acte le triste enchantement qui m'enchaînait à mes ébauches, je me suis contraint de sortir.

PAUL VALÉRY, Variété V,  1944, page 121. 

2. [L'objet est une personne (ou un être considéré comme tel); on laisse entendre qu'on mesure les conséquences résultant pour elle de la rupture du lien]  Quitter quelqu'un, s'en séparer; laisser quelqu'un à lui-même, le laisser seul. Antonymes : rester avec quelqu'un, lui rester fidèle : 

Ø 17.... je suis seul? ô Dieux! où sont donc mes amis

Ah! ce coeur qui, toujours à l'amitié soumis,

D'étendre ses liens fit son besoin suprême,

Faut-il l'abandonner, le laisser à lui-même?

ANDRÉ CHÉNIER, Élégies, Les Amours, amours diverses, 1794, page 110. 

Ø 18.... il faut ordonner à l'âme non de se tirer à quartier, de s'entretenir à part, de mépriser et abandonner le corps (aussi ne le saurait-elle faire que par quelque singerie contrefaite), mais de se rallier à lui, de l'assister, le conseiller, le contrôler et le redresser quand il fourvoie, enfin l'épouser et lui servir de mari, à ce que leurs effets ne paraissent pas divers et contraires, ainsi accordants et uniformes... etc.

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1815, page 71. 

Ø 19. Antoine, il faut le dire, avait quelque sujet de prétendre à l'attachement et à la fidélité des siens. Tous ceux qui le quittèrent ne se plaignaient point de lui, mais de Cléopâtre. Au moment de la bataille, son vieil ami Domitius l'ayant abandonné, Antoine lui renvoya généreusement ses serviteurs, ses esclaves, tout ce qui était à lui.

JULES MICHELET, Histoire romaine, tome 2, 1831, page 323. 

Ø 20. Mes amis, dit-elle, en tournant le dos au docteur, allez me chercher un prêtre : je vois que le médecin m'abandonne.

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Lélia,  1833, page 64. 

Ø 21. —  Vous avez bien fait de me parler, vous avez bien fait de me prier; car j'allais former un autre plan et m'éloigner de vous. Mais votre âge me rassure, je vous rejoindrai, attendez-moi.

—  Quand cela?

—  Il faut que je calcule nos chances, laissez-moi vous donner le signal.

—  Mais vous ne m'abandonnerez pas, vous ne me laisserez pas seul, vous viendrez à moi, ou vous me permettrez d'aller à vous?

ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Cristo, tome 1, 1846, page 181. 

Ø 22. —  Je vais te faire une confidence, ajouta-t-il (...), si ce nom seul m'émeut, ce nom de Suresnes, c'est que là demeure celle que j'aime, la femme que j'aime, ma femme, mon épouse, mon épouse qui m'a quitté, qui m'a abandonné, qui m'a plaqué car elle m'a laissé tomber la garce, après dix ans de mariage, la méchante, la vilaine, mais je l'aime toujours,...

RAYMOND QUENEAU, Loin de Rueil,  1944, page 84. 

Ø 23. Nous pensons, au contraire que des principes trop abstraits échouent pour définir l'action. Encore une fois, prenez le cas de cet élève; au nom de quoi, au nom de quelle grande maxime morale pensez-vous qu'il aurait pu décider en toute tranquillité d'esprit d'abandonner sa mère ou de rester avec elle Oui, il n'y a aucun moyen de juger. Le contenu est toujours concret, et par conséquent imprévisible; il y a toujours invention.

JEAN-PAUL SARTRE, L'Existentialisme est un humanisme,  1946, page 85. 

—   Exceptionnellement l'agent peut être un inanimé : 

Ø 24. Je vous en prie, écrivez-moi. Moi qui ne croyais pas à l'influence du physique, je sens que mes inquiétudes sont accrues par l'état où je suis, et que mes forces sont prêtes à m'abandonner quand vous ne les soutenez pas.

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Lettres inédites à Louis de Narbonne,  1792, page 38. 

Ø 25. Chant de Minona.

Colma.

Loin de moi Salgar est errant;

Par-tout règne la nuit profonde;

Sous mes pieds mugit le torrent,

Sur ma tête la foudre gronde,

Pas un asile où me cacher;

Tout me délaisse et m'abandonne.

Je suis seule sur le rocher

Que la sombre mer environne.

PIERRE-MARIE-FRANÇOIS-LOUIS BAOUR-LORMIAN, Ossian, Les Chants de Selma, 1827, page 115. 

3. Abandonner un cheval \" laisser aller librement un cheval en relâchant les rênes \" (confer Dictionnaire de l'Académie Française 1932) : 

Ø 26. Il n'est pas moins dangereux d'abandonner un cheval de trait. Les chevaux (...) venant à tomber peuvent se couronner, et même se tuer.

FRANÇOIS CARDINI, Dictionnaire d'hippiatrique et d'équitation, tome 1, 1848, page 12. 

B.—  [Avec un objet secondaire toujours précédé de à introduisant l'idée de \" confier, remettre ou livrer à \"] 

1. Laisser à quelqu'un la possession ou le soin d'un bien (ou d'une personne), laisser quelque chose à l'entière disposition de quelqu'un Noter l'expression abandonner à quelqu'un le soin de faire quelque chose : 

Ø 27. Si c'est la femme survivante qui a, moyennant une somme convenue, le droit de retenir toute la communauté contre les héritiers du mari, elle a le choix ou de leur payer cette somme, en demeurant obligée à toutes les dettes, ou de renoncer à la communauté, et d'en abandonner aux héritiers du mari les biens et les charges.

Code civil des Français (ou Code Napoléon), 1804, page 282. 

Ø 28. Elle pourrait m'abandonner tout son être et même me donner son coeur sans m'arracher à ce désespoir qui grandit à mesure que je l'approche.

JOE BOUSQUET, Traduit du silence,  1936, page 248. 

Ø 29.... je pris soudain conscience de ceci : que j'avais assis mon humaine souveraineté sur un crime, de sorte que tout ce qui s'ensuivait en fût conséquemment souillé non seulement toutes mes décisions personnelles, mais même celles des deux fils à qui j'abandonnai la couronne; car je me démis aussitôt de la glissante royauté que m'avait octroyée mon crime.

ANDRÉ GIDE, Thésée,  1946, page 1452. 

Ø 30.... le texte de l'accord équivalait à une transmission pure et simple de la Syrie et du Liban aux Britanniques. Pas un mot des droits de la France, ni pour le présent, ni pour l'avenir. Aucune mention des états du Levant Vichy abandonnait tout à la discrétion d'une puissance étrangère et ne cherchait à obtenir qu'une chose : le départ de toutes les troupes, ainsi que du maximum de fonctionnaires et de ressortissants français.

CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, L'Appel, tome 1, 1954, page 164. 

Ø 31. Nos rapports se situaient dans une sphère limpide où ne pouvait se produire aucun heurt. Il ne se penchait pas sur moi, mais me haussait jusqu'à lui et j'avais la fierté de me sentir alors une grande personne. Quand je retombais au niveau ordinaire, c'est de maman que je dépendais; papa lui avait abandonné sans réserve le soin de veiller sur ma vie organique et de diriger ma formation morale.

SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée,  1958, page 39. 

2. Laisser quelque chose ou quelqu'un en proie à quelque chose (généralement une force hostile).   [Noter l'expression abandonner un ecclésiastique au bras séculier, \" le renvoyer au juge laïque afin qu'il le punisse selon les lois \" (confer Dictionnaire de l'Académie française 1932, et historique II A 2)] : 

Ø 32. Scipion se retira derrière le Pô, derrière la Trébie, abandonnant aux ravages les terres des Gaulois, qui restaient fidèles aux Romains.

JULES MICHELET, Histoire romaine, tome 2, 1831, page 17. 

Ø 33. La loi romaine, qui était celle de tous les ecclésiastiques sans distinction de race, punissait de mort l'imputation calomnieuse d'un crime capital, tel que celui de lèse-majesté; cette loi fut appliquée dans toute sa rigueur, et le synode porta contre le clerc Rikulf une sentence qui l'abandonnait au bras séculier.

AUGUSTIN THIERRY, Récits des temps mérovingiens, tome 2, 1840, page 287. 

Ø 34.... dès qu'un Rebendart de la seconde zone avait volé, déserté, ou violé, le Rebendart ministre venait lui-même au prétoire témoigner contre lui et publiquement le renier. Il est mieux vu d'abandonner un enfant au bagne qu'à l'assistance. Cette vaniteuse humilité suffisait au jury qui acquittait largement. De sorte qu'une espèce d'impunité était octroyée en fin de compte à tous les Rebendart et que leurs écarts publics, vol, grivèlerie, ou exhibition, restaient des affaires et des fautes de famille.

JEAN GIRAUDOUX, Bella,  1926, page 57. 

II.—  Emploi pronominal. S'abandonner. 

A.—  Emploi absolu. 

1. [Correspond à abandonner quelqu'un au sens de \" le laisser à lui-même, le laisser seul \"] :

Ø 35. La Gazette perd les royalistes et la France et l'Europe entière, et ils méritent d'être perdus, des hommes qui s'abandonnent eux-mêmes et revient leur propre existence comme citoyens.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Correspondance générale.  1831, page 175. 

Ø 36. Il [Lamartine] s'est abandonné lui-même, il gît dans une solitude qui semble au premier regard un désert de prosaïsme, il a depuis longtemps abdiqué.

MAURICE BARRÈS, Les Maîtres,  1923, page 234. 

2. Se laisser aller. 

a) Renoncer à agir, à lutter. Antonymes : résister, se défendre : 

Ø 37. Eh bien! la passion était fatale, Hélène ne se défendait plus. Elle se sentait à bout de force contre son coeur. Henri pouvait la prendre, elle s'abandonnait. Alors, elle goûta un bonheur infini à ne plus lutter.

ÉMILE ZOLA, Une Page d'amour,  1878, page 906. 

Ø 38. Songe à ces petits Français, nés dans des maisons en deuil, à l'ombre de la défaite, nourris de ces pensées découragées, élevés pour une revanche sanglante, fatale, et peut-être inutile : car, si petits qu'ils fussent, la première chose dont ils avaient pris conscience, c'était qu'il n'y a pas de justice, il n'y a pas de justice en ce monde : la force écrase le droit! De pareilles découvertes laissent l'âme d'un enfant dégradée ou grandie pour jamais. Beaucoup s'abandonnèrent : ils se dirent : « puisque c'est ainsi, pourquoi lutter? Pourquoi agir? Rien n'est rien. N'y pensons pas. Jouissons. »

—  Mais ceux qui ont résisté sont à l'épreuve du feu; nulle désillusion ne peut atteindre leur foi :...

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Dans la maison, 1909, page 988. 

b) Renoncer à la surveillance ou à la possession de soi-même (antonyme : se tenir); se laisser aller (plan moral), en particulier laisser aller son corps (se donner, dans le langage de l'amour), son âme, son esprit : 

Ø 39. Gisors, du 6 au 24 septembre. C'est ici un lieu où je m'épanouis. J'y suis à l'aise. J'y amuse et je m'y amuse. J'y ai de l'assurance, de la gaieté, de l'esprit et de tous les esprits, —  du gros surtout. Je fais des imitations, des queues de mots, des bêtises, tout ce qui délasse une pensée tendue et une langue obligée de se surveiller. Je me détends et je m'abandonne. Ce sont les vacances de ma tête et de mon caractère. Il y a un grand enfant en moi, que je lâche dans cette maison qui m'a vu petit.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  septembre 1859, page 629. 

Ø 40.... la communauté des plaisirs, des toilettes, des promenades, a fait la ligne de démarcation si mince et si facilement franchie... entre une lorette qui se tient et une marquise qui s'abandonne, que les plus experts, à première vue, peuvent s'y tromper...

ALPHONSE DAUDET, Jack, tome 1, 1876, page 13. 

Ø 41.... elle [Benedetta] ne voulait s'abandonner qu'en légitime union. Et quelle torture, pour cette âme enflammée, que de résister à son amour! Quel continuel combat du devoir, du serment fait à la Vierge, contre la passion...

ÉMILE ZOLA, Rome,  1896, page 166. 

Ø 42. LAURENCY, posant son casque sur la table. —  Pourquoi rit-elle

CLOTILDE. —  Je ne sais pas. Elle est très enjouée, maintenant, avec moi. Elle a compris que je ne lui voulais pas de mal.

LAURENCY. —  Elle ne se défie plus. Elle s'abandonne. Toi, ne t'abandonne pas trop. Ne te confie pas à elle.

HENRI-RENÉ LENORMAND, Le Simoun,  1921, page 93. 

c) Ne plus prendre soin de soi-même, se négliger : 

Ø 43. Hélène, (...) était tellement changée, que les époux ne purent, à sa vue, retenir un mouvement de surprise. Elle devait s'abandonner, négliger de se teindre et de se maquiller. Ce n'était plus la poupée d'enfant devenue vieille, aux joues luisantes de fard, aux sourires puérils; c'était une pauvre femme dont les cheveux gris et la face ridée exprimaient une tristesse sale et honteuse.

ÉMILE ZOLA, Madeleine Férat,  1868, page 254. 

Ø 44. Il est évident qu'il s'est produit dans sa vie, en ces années 1812-1813, une catastrophe sentimentale, —  la plus pénible de celles que l'amour lui a réservées, —  et qu'il en est sorti brisé. (...). Il se néglige. Il s'abandonne. Il n'a plus goût à rien.

ROMAIN ROLLAND, Beethoven, tome 1, 1903, page 73. 

—   [L'agent peut aussi être une partie du corps] : 

Ø 45.... il ne s'aperçut pas de la torpeur qui s'emparait de lui : ses muscles se détendirent, ses épaules s'abandonnèrent contre le mur : il dormait.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Belle saison, 1923, page 883. 

B.—  S'abandonner à..  Se donner, se confier, se livrer à. 

1. S'abandonner à quelqu'un : 

Ø 46. O mères! Apprenez donc à vos enfants à prier dès qu'ils savent cueillir un fruit : leur reconnaissance envers Dieu assurera leur reconnaissance envers vous. Accoutumez-les, au lever et au coucher du soleil, à élever leurs mains et leur coeur vers le ciel. Qu'ils prient en ouvrant et en fermant leurs yeux à la lumière; qu'ils se fassent une douce habitude de mettre leur confiance en Dieu, et de s'abandonner à lui dans toutes les actions de leur vie.

JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature,  1814, page 133. 

2. S'abandonner à quelque chose : 

—  RELIGION.  S'abandonner à la miséricorde de Dieu, à la grâce divine : 

Ø 47. —  L'important, c'est de se mettre dans la miséricorde de Dieu, et de s'y abandonner en toute confiance, par le sentiment d'un amour vrai et humble qui chasse la crainte, d'un amour confiant de cette bonté, de cette miséricorde infinie. Il est impossible de n'y pas croire de ne pas l'aimer, de ne pas s'y confier.

FÉLIX ANTOINE PHILIBERT DUPANLOUP, Journal intime,  1873, page 340. 

Ø 48. Toute l'économie de notre sanctification personnelle se ramène à cette règle unique : se prêter, s'ouvrir, s'abandonner à la grâce,...

ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 3, 1921, page 133. 

—   expression dialectale-régionalisme. s'abandonner aux mouches : 

Ø 49. Abandonner (s'), verbe réflexif —  S'abandonner aux mouches, —  ne plus avoir de souci de sa personne ou de ses intérêts; être dégoûté de tout; jeter le manche après la cognée.

Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l'Anjou (ANATOLE-JOSEPH VERRIER, RENÉ ONILLION)  1908. 

—   [S'abandonner] à un état, un sentiment, un plaisir, une passion, une action. Noter la construction s'abandonner à faire quelque chose : 

Ø 50. Je voudrais savoir si vous finirez par avoir tout à fait de la confiance en moi, si vous vous abandonnerez à m'ouvrir tout à fait votre âme.

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Lettres diverses, tome 2, 1793, page 511. 

Ø 51.... ne vous interdisez pas non plus tout à fait ces pensées graves et tristes, quand la nature ou le spectacle de la société vous les envoie. (...). Il est donc bon de sentir la mélancolie dont vous parlez; il serait faible de s'y abandonner sans résistance. Et le moyen d'y résister, c'est de considérer le but nécessairement plus élevé et nécessairement religieux donné par le créateur à notre destinée.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Correspondance générale.  1832, page 244. 

Ø 52. Il n'y avait plus guère que le chevalier de Lacy, dont l'habitation était distante d'une lieue environ, qui la vînt visiter une ou deux fois par semaine. Et encore n'était-ce que lorsque le digne gentilhomme n'avait pas la goutte lui-même, ou que la chasse était fermée; car, tant qu'il pouvait se livrer à son exercice favori il s'y abandonnait avec passion et négligeait sa vieille voisine,...

PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 1, L'Héritage mystérieux, 1859, page 407. 

Ø 53. Je comprenais la vanité de toute intention, de toute poursuite, de tout vouloir. Dans une voluptueuse détresse, je renonçais, je m'abandonnais à ma lassitude, je me confiais en ce repos qui est la mort ou l'éternité.

HENRI, ALBAN FOURNIER, DIT ALAIN-FOURNIER, JACQUES RIVIÈRE, Correspondance, lettre de Jacques Rivière à Alain-Fournier, octobre 1906, page 287. 

Ø 54.... je ne vois pas beaucoup de différence entre un homme qui s'abandonne à la colère et un homme qui se livre à une quinte de toux.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1912, page 144. 

Ø 55. Loin de m'abandonner à une amertume diffuse, je pris de face ma tristesse. Ainsi elle offre sa figure forte et l'on a toujours avantage à se confronter à cet aspect d'une puissance dont il faut redouter la nature insaisissable.

HENRI BOSCO, Le Mas Théotime,  1945, page 120. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 7 249. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 11 018, b) 9 573; XXe.  siècle : a) 9 584, b) 10 532. 

Liens utiles