40 La Seconde Guerre mondiale Vingt ans à peine après en avoir fini avec l'horreur d'une guerre promise pour être la dernière de toutes, qui en voulait une autre ? En France et en Grande-Bretagne, les deux puissances démocratiques d'Europe, on était prêt à beaucoup pour l'éviter, jusqu'à refuser de comprendre que la menace avait changé de nature. En 1914, face aux nations, d'autres nations. Dans les années 1930, face aux démocraties, Adolf Hitler, le diable. Est ce qu'on traite avec le diable ? Il a fallu longtemps pour comprendre que non. En mars 1936, l'armée de Hitler prend possession de la région allemande située près du Rhin, qui devait être une zone neutre, c'est la « remilitarisation de la Rhénanie » - opération strictement interdite par le traité de Versailles. Les démocraties laissent faire. En mars 1938, Hitler annexe l'Autriche, les démocraties regardent ailleurs. En septembre, il réclame l'annexion des Sudètes, région de Tchécoslovaquie peuplée d'Allemands. Daladier, président du Conseil français, et Chamberlain, son homologue britannique, se pressent à Munich pour une conférence dans laquelle Mussolini joue le rôle d'arbitre, ce qui est tout dire, et, croyant sauver la paix, ils sacrifient les Sudètes. Pourquoi l'ogre à moustache s'arrêterait-il ? La route de Prague lui est si gentiment ouverte. En mars 1939, il gobe la Tchécoslovaquie tout entière. Toujours rien. Le 1er septembre, il se lance à l'assaut de la Pologne. C'est le coup de trop. Le 3, pour honorer leur alliance avec Varsovie, la Grande-Bretagne puis la France lui déclarent la guerre et... ne font rien. À l'est, la Pologne est écrasée en trois semaines. À l'ouest, les soldats sont massés sur la frontière et tapent le carton dans les casemates d'une ligne fortifiée, la ligne Maginot. Les généraux ont opté pour une stratégie défensive, on attaquera quand on sera vraiment en force. Quelques plans audacieux prévoient cela vers 1941. On ne connaîtra jamais leur efficacité. Hitler a été plus pressé. Le 10 mai 1940, faisant mine de réitérer le plan de 1914, il lance ses armées en Belgique. Les Français et les Anglais ont prévu le coup, ils s'y élancent. C'est un piège. Plus au sud, les chars allemands passent les Ardennes que l'on disait infranchissables, et prennent l'ennemi à rebours. Trois semaines plus tard, l'armée anglaise, coincée à Dunkerque dans un étau, protégée par l'armée française en piteux état et mitraillée par l'aviation ennemie, réussit par miracle son réembarquement. Durant ces mêmes semaines, des millions de personnes fuient sur les routes, 1,8 million de soldats sont prisonniers. La France est à terre. Le 16 juin, le très vieux maréchal Philippe Pétain, qu'on appelle « le vainqueur de Verdun » depuis la guerre précédente, devient le chef du gouvernement. Le 22 juin 1940, il accepte la défaite en signant avec l'Allemagne hitlérienne un armistice. Le 10 juillet, le Parlement réuni par les hasards de la débâcle dans la ville thermale de Vichy lui donne les pleins pouvoirs - 569 voix pour, 80 contre. Il les utilise pour créer l'« État français », un régime autoritaire fondé sur le recyclage de toutes les valeurs rancies de l'extrême droite et l'écrasement de toutes celles de la République. Plus d'élections, plus de libertés publiques, plus de laïcité. Dès l'été, les francs-maçons sont pourchassés ; les écoles normales d'instituteurs fermées ; une commission se met en place pour revenir sur les naturalisations accordées dans l'entre-deux-guerres ; le cléricalisme est favorisé et l'antisémitisme promu : en octobre 1940, un premier décret organise l'exclusion méthodique des Juifs français de la communauté nationale. Repères - 1939 (3 septembre) : déclaration de guerre de la France et de l'Angleterre à l'Allemagne - 1940 (22 juin) : signature de l'armistice ; 10 juillet : pleins pouvoirs à Pétain - 1941 (22 juin) : attaque allemande contre l'URSS ; décembre : attaque japonaise à Pearl Harbour - 1942 (8 novembre) : débarquement anglo-américain en Algérie - 1944 (25 août) : libération de Paris - 1945 (8-9 mai) : capitulation allemande Durant ce même mois d'octobre 1940, à la suite de sa rencontre avec Hitler dans le petit village de Montoire, dans le Loir-et-Cher, le maréchal, oubliant la prétendue neutralité à laquelle la moitié de la France qu'il contrôle était censée s'astreindre, déclare « entrer dans la voie de la collaboration avec l'Allemagne ». La chasse au résistant, les fusillades d'otages, les persécutions raciales se feront avec l'active participation des autorités françaises ; 140 000 personnes seront déportées, dont 75 000 Juifs, envoyés vers les camps d'extermination. On comptera 2 500 Juifs sur les 40 000 survivants. « L'État français » fut-il « la France » ? D'autres Français décidèrent que non. À Londres, avant même que ne soit signé l'armistice, le général de Gaulle appelle à ne pas cesser le combat, la poignée de « Français libres » qui le rejoignent finiront par créer une armée qui s'illustrera aux côtés des Alliés sur les différents théâtres d'opérations, en Afrique du Nord, en Italie. En France, dès ce même été 1940, par une proclamation, un tract, une manifestation spontanée, des centaines d'individus montrent qu'eux aussi refusent l'asservissement. Ils sont l'embryon de ce grand mouvement clandestin et complexe qui ne cessera de grossir : la Résistance. Les Français libres de l'extérieur et, à l'intérieur, les maquis ou les réseaux participent activement à la libération du territoire durant l'été 1944. Puis les deux forces, rassemblées en une armée de plus d'un demi-million d'hommes, participent à la campagne d'Allemagne et à la défaite finale du nazisme. Cela permet à de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la République, d'imposer, contre toute attente, un Français à la table des vainqueurs, à côté des alliés américain, anglais et russe.