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30 À l'aube, sous un ciel laiteux qui n'avait pas encore dissipé les ombres de la nuit, Raymond avait quitté le trou à rats où il s'était réfugié la veille au soir.

Publié le 06/01/2014

Extrait du document

30 À l'aube, sous un ciel laiteux qui n'avait pas encore dissipé les ombres de la nuit, Raymond avait quitté le trou à rats où il s'était réfugié la veille au soir. Un recoin de hangar ouvert à tous les vents, mais protégé des va-et-vient de la rue. Sa cavale à vélo l'avait laissé sur le flanc, les reins et les mollets en compote. Il avait dû parcourir une vingtaine de kilomètres à travers la banlieue est. Et sans rien à se mettre dans le gosier. Il se rendit dans la station de RER voisine, hébété de fatigue, et s'y affala contre un pilier tant ses jambes lui pesaient. Une femme s'approcha et lui donna un billet de cinq euros. Il n'avait même pas eu besoin de tendre la main. Son ange était de retour. Il put se nourrir d'un croissant, avaler un café et même se payer un ballon de rouge. Il lui restait à gagner la porte de Montreuil où l'attendait son salut. Bowara, un Malien présent sur les trottoirs des Puces, y avait ses quartiers. Il entreposait son stock dans un appentis donnant sur la cour d'un vieil immeuble. Raymond savait qu'il y serait à cette heure matinale. Ce vendeur faisait ses affaires sur le marché de Montreuil et revenait dormir dans sa remise pour en assurer la garde. Raymond poussa la porte qui ne fermait pas et tomba nez à nez avec le concierge tenant en laisse un beauceron aussi avenant que son maître. Le molosse se cabra, la gueule écumant de bave. Mais, à la vue du clochard, le concierge changea d'expression et son visage s'adoucit. Il calma son chien. -- Au pied, Satan ! Couché... là... Couché, maintenant. Raymond renifla bruyamment pour se donner une contenance. L'autre se fendit d'un large sourire édenté. -- Ça fait une paye ! Qu'est-ce qui t'amène par ici ? -- Je viens voir Bowara. -- Tu le trouveras dans sa cambuse. Le business, ça marche pas fort en ce moment. Raymond traversa la courette et frappa à la vitre de l'appentis. Un bruit de casserole se fit entendre à l'intérieur, puis un raclement de sandales. Bowara mit la tête dehors. -- C'est toi ? Salut, mon frère. -- J'ai une affaire à te proposer, dit Raymond en sortant le collier d'une poche de son manteau. -- Fais-moi voir ça... Le Malien s'empara du bijou, le fit rouler entre ses doigts et rendit son verdict d'un ton maussade. -- Quinze euros, et c'est cadeau. -- Tu te fous de moi ? C'est pas du toc. -- Babiole. Raymond lui reprit le collier des mains avec un air outragé. -- Hey ! Mon frère, t'as les certificats d'authenticité ? -- Et la facture, tant que t'y es ? Ça vaut deux cents minimum. Bowara resta impassible. -- T'y vas fort, là, très fort, mon frère, c'est la crise pour tout le monde, t'es pas au courant ? Je mets trente sur la table, pas mieux. Faut que je le vende, après, moi ! Il retourna dans son fourre-tout chercher les billets et les brandit sous le nez de Raymond. Sortir le cash alléchait toujours le fournisseur, surtout du genre de Raymond. Ce dernier lorgna sur les coupures, mais ça ne lui allait toujours pas. -- Non, j'en veux cinquante. -- Si t'es pressé, tu obtiendras pas mieux sur Paris. Trente-cinq et c'est mon dernier prix, lança Bowara en agitant le dernier billet. Raymond grommela pour la forme, puis ils se tapèrent dans la main. Marché conclu. Bowara s'était offert une marge confortable : le collier n'était pas de fantaisie. 31 Au SRPJ de Versailles, les bureaux de la brigade du commandant Morel étaient restés éclairés toute la nuit. Chacun préparait son équipement, se tenant prêt à intervenir. Les premières investigations avaient donné des résultats. L'enquête progressait. Un appel reçu une heure plus tôt avait précipité les événements. L'individu recherché avait été vu dans le XXe arrondissement de Paris au début de la matinée. Le témoin, un concierge connu des services, était digne de foi. Deux véhicules banalisés quittèrent le parking de l'immeuble. Ils cueilleraient le bonhomme en douceur. Direction porte de Montreuil. Depuis la veille, les journaux télé et radios avaient donné le signalement du fugitif. Son portraitrobot avait été affiché dans les commissariats de Paris et de la proche banlieue. Ne restait qu'à l'interpeller d'après le renseignement fourni par téléphone, renseignement corroboré par des policiers qui étaient en train de boucler le secteur.   Une légère brume voilait les abords du bois de Vincennes. Le trafic devenait plus dense. Morel fit mettre le gyrophare en action. À l'approche d'un carrefour, l'un des véhicules bifurqua sur sa droite. La première équipe partait sécuriser l'un des accès, tandis que l'autre fonçait sur le lieu d'intervention. La voiture dans laquelle se trouvait Morel vint se garer sans bruit devant une palissade de chantier. Trois de ses occupants descendirent. Le portail était entrouvert. Morel et ses équipiers sortirent leurs armes et s'approchèrent du baraquement - en fait un container posé sur palettes dans lequel Raymond ronflait tout son soûl. Les travaux étaient interrompus et les ouvriers partis. Un vrai petit nid d'amour qu'on lui avait dégotté. Le clochard, une fois empoché son salaire, n'avait eu qu'une hâte : faire le plein de carburant et s'en aller roupiller un bon coup. -- Police ! Pas de geste brusque ! Dégagez vos mains, doucement ! Une lumière aveuglante tira Raymond de ses rêves. Il remua un bras sous la couverture, en signe de reddition. -- Raymond Foulonneau, c'est bien vous ? Une main l'avait empoigné par le col et le traînait hors de sa couche. -- C'est moi, ouais. -- Habillez-vous, s'il vous plaît. Vous allez devoir nous suivre, déclara un des officiers en regardant sa montre. Habillé, il l'était déjà. Il se leva, se gratta de partout, et considéra d'un oeil morne le gradé qui donnait les ordres. -- Vous savez pourquoi nous sommes là ? -- Tout c'que j'sais, c'est qu'on vient m'emmerder chez moi. Mais c'est votre spécialité ça, emmerder le monde. * Un brouillard épais s'accrochait au sol et noyait la campagne. -- Tu tiens vraiment à faire cette halte ? On n'y voit goutte, dit Marion. -- Ça me paraît judicieux. Ne laissons rien de côté, répondit Yvan. Le GPS indiquait leur point de passage à moins de sept kilomètres : sur le plan établi la veille par Yvan, le point médian entre le château de Fontainebleau et la basilique Saint-Remi de Reims se situait près du cimetière de Saint-Barthélemy, un petit village de Seine-et-Marne. « Sortie imminente », fit la voix du GPS. Marion roulait avec prudence, les routes devenaient étroites. Yvan l'avait laissée dormir quatre heures avant de l'appeler. Lui sortait d'une nuit blanche. L'heure n'étaient pas aux effusions. La purée de pois qu'ils traversaient semblait tout engloutir. Marion et Yvan suivaient le tracé lumineux de la route sur l'écran du GPS. Deux kilomètres en arrière, Eddy surveillait lui aussi un écran du coin de l'oeil, attentif à ne pas perdre le point qui s'y déplaçait. Il avait pris garde à ne pas trop se faire distancer, les conditions météo pouvant altérer le bon fonctionnement du système de géolocalisation. Yvan poussa la grille d'entrée du cimetière. Les charnières, bien graissées, ne laissèrent pas échapper de grincement. -- Il me paraît plus grand que je ne l'imaginais, dit Yvan. Je commence par les allées de droite. -- OK, je prends celles de gauche. -- On ne devrait pas avoir trop de difficultés à repérer la stèle qui nous intéresse. L'entourage de Louis XV devait avoir droit à d'imposants monuments funéraires. Chacun de leur côté, ils remontèrent les allées, détaillant les crucifix et les tombes qui sortaient de la brume. Des noms, des dates, des vases vides, des plaques de marbre descellées. Un bruit sourd, suivi d'un souffle, fendit l'air. Marion s'immobilisa. -- Yvan ? chuchota-t-elle en cherchant du regard sur sa gauche. -- Marion ? Tu as découvert quelque chose ? interrogea Yvan sur sa droite. -- Non, non, rien pour le moment, répondit-elle un peu désorientée. Une fraîcheur humide s'immisça sous les manches de sa veste. Elle frissonna et regagna l'allée centrale. Elle lâcha un cri de surprise quand la silhouette d'Yvan se découpa à un mètre d'elle, surgissant au coin d'une chapelle funéraire. -- Désolé de t'avoir fait peur. Je crois que ce que nous cherchons se trouve précisément devant nous, dit-il en désignant une dalle mangée par la mousse. Une couronne royale avait été gravée dessus. -- Le tombeau de la marquise de Flamarens, dame de compagnie de l'une des huit filles de Louis XV, précisa Yvan. -- Il y a des inscriptions sur trois des faces du socle qui supporte la croix, constata Marion en passant une main sur la pierre. Yvan lut à voix basse l'un des textes pendant que Marion en déchiffrait un autre, moins lisible pour avoir été davantage exposé aux intempéries. -- Dommage, je n'y vois rien qui puisse nous intéresser, déclara Yvan en s'écartant du socle. Marion poursuivit sa lecture en hachant les mots. -- Rien non plus de mon côté, sauf une faute au prénom « Élisabeth » alors qu'il est correctement écrit quelques lignes plus haut. -- Une faute ? -- Oui, il manque le I, fit Marion. -- Attends une minute, lança alors Yvan. Je ne comprenais pas ce que signifiaient les initiales « C.O.L.A.F. » sur ce texte-ci, mais en fait ça tombe sous le sens. Là aussi il y a une erreur, avec un C à la place du E. Il s'agit en réalité d'« E.O.L.A.F. », pour Élisabeth Olympe Louise Armande Félicité. Ils passèrent au crible le troisième texte. -- Astucieux ! Et vois cet autre mot, écrit « FILEE » au lieu de « FILLE », avec un E à la place d'un L, lança Marion. -- Nos trois erreurs sont I, L et E. Ce qui nous ramène au mot « LIE » que nous avons trouvé à Loury. La lie, le dépôt. Un bruit de vase renversé coupa leur conversation. -- Il y a quelqu'un ? demanda Yvan en élevant la voix. -- J'ai déjà entendu un bruit étrange tout à l'heure, chuchota Marion. Yvan lui fit signe de ne pas bouger. Un silence absolu régnait à présent. -- Partons, fit Yvan.

« 31 Au SRPJ deVersailles, lesbureaux delabrigade ducommandant Morelétaient restéséclairés toute lanuit.

Chacun préparait sonéquipement, setenant prêtàintervenir.

Lespremières investigations avaient donnédesrésultats.

L’enquête progressait.

Unappel reçuuneheure plustôtavait précipité les événements.

L’individurecherché avaitétévudans leXX e  arrondissement deParis audébut dela matinée.

Letémoin, unconcierge connudesservices, étaitdigne defoi.

Deux véhicules banalisés quittèrent leparking del’immeuble.

Ilscueilleraient lebonhomme endouceur.

Direction portede Montreuil.

Depuislaveille, lesjournaux téléetradios avaient donnélesignalement dufugitif.

Sonportrait- robot avaitétéaffiché danslescommissariats deParis etde laproche banlieue.

Nerestait qu’à l’interpeller d’aprèslerenseignement fournipartéléphone, renseignement corroborépardes policiers qui étaient entrain deboucler lesecteur.   Unelégère brume voilaitlesabords dubois deVincennes.

Letrafic devenait plusdense.

Morelfit mettre legyrophare enaction.

Àl’approche d’uncarrefour, l’undes véhicules bifurquasursadroite.

La première équipepartaitsécuriser l’undes accès, tandisquel’autre fonçait surlelieu d’intervention.

La voiture danslaquelle setrouvait Morelvintsegarer sansbruitdevant unepalissade dechantier.

Troisde ses occupants descendirent.

Leportail étaitentrouvert.

Moreletses équipiers sortirentleursarmes et s’approchèrent dubaraquement –en fait uncontainer posésurpalettes danslequel Raymond ronflait tout sonsoûl.

Lestravaux étaientinterrompus etles ouvriers partis.Unvrai petit nidd’amour qu’onlui avait dégotté.

Leclochard, unefoisempoché sonsalaire, n’avaiteuqu’une hâte :faireleplein de carburant ets’en aller roupiller unbon coup. — Police ! Pasdegeste brusque ! Dégagezvosmains, doucement ! Une lumière aveuglante tiraRaymond deses rêves.

Ilremua unbras sous lacouverture, ensigne de reddition. — Raymond Foulonneau, c’estbienvous ? Une main l’avait empoigné parlecol etletraînait horsdesacouche. — C’est moi,ouais. — Habillez-vous, s’ilvous plaît.

Vous allezdevoir noussuivre, déclara undes officiers enregardant sa montre. Habillé, ill’était déjà.Ilse leva, segratta departout, etconsidéra d’unœilmorne legradé qui donnait lesordres. — Vous savezpourquoi noussommes là ? — Tout c’quej’sais, c’estqu’on vientm’emmerder chezmoi.Mais c’estvotre spécialité ça, emmerder lemonde. * Un brouillard épaiss’accrochait ausol etnoyait lacampagne. — Tu tiensvraiment àfaire cette halte ? Onn’yvoit goutte, ditMarion. — Ça meparaît judicieux.

Nelaissons riendecôté, répondit Yvan. Le GPS indiquait leurpoint depassage àmoins desept kilomètres : surleplan établi laveille par Yvan, lepoint médian entrelechâteau deFontainebleau etlabasilique Saint-Remi deReims sesituait près ducimetière deSaint-Barthélemy, unpetit village deSeine-et-Marne.

« Sortieimminente », fitla voix du GPS.

Marion roulaitavecprudence, lesroutes devenaient étroites.Yvanl’avait laissée dormirquatre heures avantdel’appeler.

Luisortait d’unenuitblanche.

L’heuren’étaient pasaux effusions.

Lapurée de pois qu’ils traversaient semblaittoutengloutir.

MarionetYvan suivaient letracé lumineux delaroute sur l’écran duGPS. Deux kilomètres enarrière, Eddysurveillait luiaussi unécran ducoin del’œil, attentif àne pas perdre lepoint quis’ydéplaçait.

Ilavait prisgarde àne pas trop sefaire distancer, lesconditions météo pouvant altérerlebon fonctionnement dusystème degéolocalisation. Yvan poussa lagrille d’entrée ducimetière.

Lescharnières, biengraissées, nelaissèrent pas échapper degrincement. — Il meparaît plusgrand quejene l’imaginais, ditYvan.

Jecommence parlesallées dedroite. — OK, jeprends cellesdegauche. — On nedevrait pasavoir tropdedifficultés àrepérer lastèle quinous intéresse.

L’entourage de Louis XV devaitavoirdroitàd’imposants monumentsfunéraires. Chacun deleur côté, ilsremontèrent lesallées, détaillant lescrucifix etles tombes quisortaient de la brume.

Desnoms, desdates, desvases vides, desplaques demarbre descellées.

Unbruit sourd, suivi d’un souffle, fenditl’air.Marion s’immobilisa. — Yvan ? chuchota-t-elle encherchant duregard sursagauche. — Marion ? Tuasdécouvert quelquechose ?interrogea Yvansursadroite. — Non, non,rienpour lemoment, répondit-elle unpeu désorientée. Une fraîcheur humides’immisça souslesmanches desaveste.

Ellefrissonna etregagna l’allée centrale.

Ellelâcha uncride surprise quandlasilhouette d’Yvansedécoupa àun mètre d’elle, surgissant. »

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