1 Il jeta un regard à sa montre.
Publié le 06/01/2014
Extrait du document
«
ses
dévots.
Pourlessuccesseurs, lavente deces biens représentait unmoment solennel.
Lesobjets les
plus chers aucœur delafamille n’avaient pasétéintégrés aucatalogue.
Danscegenre d’affaires, les
négociations pouvaients’avérerâpres.Comme chaquefois,desmembres delaparenté étaientdansle
public.
Ilarrivait quecertains rachètent unmeuble, untableau, unbibelot.
L’estimation del’ensemble des
lots avoisinait cejour-là unmillion d’euros.
Auvude l’engouement suscitédèsl’ouverture, les
commissaires-priseurs affichaientunecertaine confiance, leursprixderéserve enattestaient.
La convoitise rendaitlesgens nerveux.
Àmesure queleslots partaient etque lesbras setendaient,
l’effervescence gagnaitlasalle, desgrognements oudepetits crissefaisaient entendre.
Ons’épongeait
le front… Lessouvenirs deLouis XVI s’envolèrent pourprèsdetrois cent mille euros, dontcentmille pour
une bourse brodée parMarie-Antoinette.
Laplume aveclaquelle leroi Louis-Philippe avaitsigné l’acte
d’abdication du24 février 1848futadjugée pourlasomme dequinze milleeuros.
Lestéléphones etla
cellule internet accéléraient lacadence desoffres.
Unejournée commecelle-ciavaitdequoi mettre surle
flanc leplus chevronné des« teneurs demarteau ».
C’étaitaucommissaire-priseur dedonner letempo
et d’accorder lesviolons.
Ilorchestrait lavente, attribuait lesrôles, suscitait chezcertains unregard ébloui
pour avoir emporté latimbale, chezd’autres dudépit pours’être faitsouffler l’affaire.
Lesenchères
tenaient descourses hippiques etde laroulette ducasino.
Pourrienaumonde, Yvann’aurait manqué le
spectacle.
Toutl’excitait, depuislaprisée permettant d’estimerlesbiens etlamise enplace despièces
jusqu’au tourbillon final.Lavaleur sentimentale d’uneœuvre acquise dansdetelles circonstances était
sans égale.
Lafureur del’achat seportait cejour-là surdes reliques chargées d’histoire, deprestigieux
débris, inestimables pourcertains, etqu’Yvan n’entendait pasbrader.
C’étaitservirl’intérêt d’unefamille
mais aussi respecter lamémoire d’unnom.
Sa tâche accomplie, Yvaneutune pensée fugacepourLise, lafemme aveclaquelle, ily avait peu
de temps encore, ilpartageait toutessesémotions.
Sonvisage secrispa.
Ils’efforça debalayer aussitôt
ce souvenir.
— Yvan, çava ? luilança unde ses confrères.
— Mais oui…Quelle vente,n’est-ce pas ?
— Couronnée desuccès, c’estlecas deledire… Félicitations, moncher.
Yvan sourit àdemi, malàl’aise.
Soninterlocuteur jetaunregard autourdelui, comme pour
découvrir lesraisons decetrouble, maislasalle étaitvide.
Yvan nes’attarda pas.Sonconfrère levit
s’éloigner àgrandes enjambées, serrantcontreluisa mallette.
Celle-cirenfermait undossier dontla
couverture portaitlareproduction d’unegravure ancienne.
Unesalamandre.
L’animalmythique du
bestiaire médiéval s’ylovait danslesflammes encrachant desgouttes d’eau.
*
Épuisé parlajournée, Yvans’affala danslecanapé etdesserra sonnœud decravate avant
d’envoyer valsersesmocassins surletapis.
Ilappréciait d’autantpluscemoment dedétente qu’ilavait le
sentiment d’avoirremporté unebataille.
Ilcontempla lamallette encuir qu’il avait nonchalamment
déposée àcôté delui.
Elle nel’avait pasquitté depuis prèsdedix ans.
Ilcaressa lecuir tanné, toujours
aussi souple souslapulpe desdoigts.
C’étaitlepremier cadeauqueLise luiavait offert.
Aujourd’hui, ily
tenait plusquejamais.
Illaissa tomber satête enarrière etferma lesyeux.
Liseétait partie loin,trèsloin,
de l’autre côtédel’Atlantique, àManhattan.
Ding… Lecarillon venaitdesonner.
Yvanfitla moue avantdebondir.
Ilavait complètement oublié
ce rendez-vous.
Ilrangea quelques affairestraînant surlebar etcourut ouvrir.
— Bonsoir, monsieurSauvage.
Jene vous dérange pas ?Nousavions rendez-vous cesoir, fit
l’agent immobilier, perchéesurdes talons aiguilles, lamèche gothique, levernis mauve, toutedecuir
vêtue.
Uncouple lasuivait.
Ilsouhaitait acheterlamaison etrevenait lavisiter.
— Entrez, ditYvan d’une voixsourde tantilavait dumal àmasquer safatigue.
Il partit ensuite s’isolerdanssonbureau, laissantlavamp fairesontravail.
Ilsortit lecontenu desa
mallette etmit ses dossiers decôté pour examiner celuiégaré parleprofesseur Faure.Ilpassa lamain
sur lasalamandre etcolla sonvisage surlepapier pourensentir l’odeur d’encre.
Cedossier nelui
appartenait pas,etFaure avaitlaréputation denerien divulguer deses travaux encours.
Sansdoute
n’apprécierait-il pasqu’un tiersenprenne connaissance sansyavoir étéautorisé…
Un coup frappé àla porte incita Yvanàrefermer aussitôtleporte-documents.
L’agentimmobilier,
une main crispée surlasangle deson sac, leconsidérait avecuneexpression bizarre,àla fois sévère et
réjouie.
— C’est fait…Mesclients seportent acquéreurs dubien, maisilsposent unecondition.
Yvan luiadressa unregard quidut luiparaître idiottantilse sentait étranger àl’affaire.
Iln’en suivit
pas moins lacommerciale danslesalon pours’expliquer aveclesacheteurs.
Lemari pritlaparole, surun
signe detête deson épouse.
C’étaitunhomme d’unecinquantaine d’années,flottantdansuncomplet
veston telque lesflics enportaient jadisdans lesfilms desérie noire.
Legenre àse faire engueuler chez
lui.
— La maison nousconvient, laproposition faiteparl’agence également.
Toutefois,nousaurions
besoin d’emménager dansdeuxsemaines..
»
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