Wystan Hugh Auden 1907-1973 Né à York, fils d'un médecin et d'une mère très dévote, Auden apporta à la poésie anglaise une sensibilité aiguë, angoissée, une haute intelligence et un don de synthèse exceptionnel, qui auraient pu laisser leur marque dans bien d'autres domaines.
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
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On attendait donc dans l'impatience les nombreux ouvrages qui, pendant cette décennie,
sortaient de sa plume ensorcelée.
Voici The Orators, journal héroïque, genre un peu
Saint-Exupéry, mais légèrement décevant ; puis, Look, Stranger (1936), poèmes vibrants
célébrant l'amour tout en esquissant un remarquable panorama de son pays.
Sa grande
ode, Spain, l'un des poèmes les plus mémorables du siècle, interprétait sous une forme
symphonique le drame espagnol qui a servi de catalyseur à sa génération.
Vint après son
délicieux Trip to Iceland, pétillant d'esprit et d'humour : ici, il s'affuble du manteau de
Byron pour se donner des allures de Childe Harold ; là, dans des vers cocasses, il
emprunte le style de Villon pour léguer à ses amis d'Oxford des biens imaginaires.
Puis ce
fut Journey to a War, description en prose et en vers de sa visite en Chine qui nous rappelle
sa volonté de rapprocher la poésie du reportage.
À la veille de la guerre, pour des raisons sans doute très personnelles mais où il entrait un
certain dégoût de l'Europe pour avoir abandonné l'Espagne à l'assassin, Auden avait déjà
élu domicile en Amérique.
Sur le coup, cet éloignement, cette évasion, ont frappé ses
contemporains comme une trahison.
Nous avions trop compté sur lui pour faire front avec
nous contre l'ennemi fasciste qu'il avait été le premier à dénoncer.
J'ai exprimé ailleurs à
cette époque (dans Auden and Afler) cette déception (mal comprise des jeunes
d'aujourd'hui), à laquelle venait s'ajouter un autre sujet d'inquiétude : ce poète qui avait de
si profondes racines en Angleterre, comment pourrait-il écrire quelque chose de valable,
là-bas ? Ces craintes étaient en partie bien justifiées.
Son exil a mis fin, par exemple, à son
théâtre expérimental.
Il avait débuté avec The Dance of Death, allégorie de la mort d'une
société méchamment capitaliste.
Vint ensuite The Dog beneath the Skin, allégorie politique
prêchant une doctrine semblable mais que rachètent quelques scènes d'un comique
ineffable. The Ascent of F6 (1936) est le drame psychologique de la jeunesse immolée aux
fausses valeurs d'une société cruellement égarée.
Finalement, l'émouvant On the Frontier
mettait en scène deux familles “ ennemies ”, partageant la même maison que traverse la
frontière entre deux pays en état de guerre.
Toutes ces pièces, créées en collaboration avec
Isherwood, sont marquées de l'influence de Lorca, Toller, Brecht, mais pourtant très
originales.
Écrites en un mélange de vers et de prose, pathétiques et comiques à la fois et
manifestant toujours une énorme vitalité lyrique, elles avaient toutes les qualités requises
pour la création d'un théâtre populaire mais intelligent.
La mort de cette collaboration a été
un désastre.
Depuis, il est vrai, Auden a fait pour Britten le libretto superbe du Rake's
Progres ; il a traduit en anglais le Don Giovanni de Da Ponte.
En 1940, Auden a sorti son meilleur recueil, Another Time, son adieu à l'Europe où il
évoque l'essence de la civilisation occidentale. New Year Letter (1941), espèce de traité ou
testament politique en vers, est peut-être moins réussi.
Désormais la manière et les
préoccupations d'Auden devaient subir une transformation.
Depuis la mort de sa mère, en
1941, il est obsédé par le problème religieux. For the time being (1947) renferme un brillant
commentaire de la condition humaine (sous forme d'une sorte d'épilogue à La Tempête de
Shakespeare) et un bel ouvrage religieux, le “ mystère ” du Christmas Oratorio. Son scénario
quasi dramatique The Age of Anxiety sonde les abîmes de la solitude de l'homme moderne
et semble annoncer les Beatnik : les échos de divers philosophes de l'existence y sont
peut-être trop apparents.
Depuis, ses divers recueils (Nones, 1951 ; The Shield of Achilles,
1955 ; Homage to Clio, 1960) offrent une poésie plutôt hermétique, bien que parfois légère :
formes complexes, langage volontairement abstrait, syntaxe noueuse et touffue, strophes.
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