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William Gladstone par François Bédarida Institut d'Études Politiques, Paris Dans le journal personnel qu'il a religieusement tenu chaque jour depuis l'âge de quinze ans avec le plus extrême scrupule, Gladstone voyait un " livre de compte de ce don si précieux : le Temps ".

Publié le 05/04/2015

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William Gladstone par François Bédarida Institut d'Études Politiques, Paris Dans le journal personnel qu'il a religieusement tenu chaque jour depuis l'âge de quinze ans avec le plus extrême scrupule, Gladstone voyait un " livre de compte de ce don si précieux : le Temps ". De fait, tout au long de son existence, le temps a été bien rempli, puisque ces annotations quotidiennes forment une masse compacte de sept cent cinquante volumes : à l'image d'une carrière politique qui, commencée à vingt-deux ans en 1832 s'achève en 1894 à quatre-vingt-quatre ans. Mais ce n'est pas seulement par ces soixante-deux années de vie publique active que Gladstone fait figure de géant politique du XIXe siècle. C'est surtout parce qu'il a exercé à quatre reprises les fonctions de Premier ministre : performance jamais égalée par aucun autre homme d'État britannique. Ce rôle prépondérant, à la fois dans la conduite des affaires de l'État et à la tête du parti libéral, a valu à Gladstone des oppositions farouches, voire des haines forcenées, dont on a peine aujourd'hui à mesurer le venin. C'est surtout du côté des classes dirigeantes que ses options de plus en plus radicales ont rencontré une hostilité grandissante : depuis cette dame tory du grand monde qui considérait " le nom de Gladstone (comme) synonyme de Satan " jusqu'à la reine Victoria qui ne pouvait supporter un Premier ministre aux principes aussi froids et aux idées aussi avancées et qui n'hésitait pas à le qualifier " d'incendiaire à demi fou ". Inversement, Gladstone a bénéficié d'un extraordinaire prestige auprès des masses populaires. En dépit de certaines attitudes foncièrement conservatrices de sa part, et malgré sa méconnaissance profonde de la question ouvrière, il a été l'objet d'une véritable vénération de la part des humbles. Jusqu'à l'émergence de Keir Hardie comme incarnation du Labour (parti travailliste) après 1900, Gladstone a été de loin le leader politique le plus respecté et le plus populaire auprès des ouvriers. Un militant socialiste et révolutionnaire tel que Lansbury (l'un des futurs chefs du travaillisme) rapporte que jamais personne dans son milieu, à commencer par lui-même, ne se serait permis de parler de lui autrement qu'en disant " M. Gladstone ". Par la suite, la personnalité de Gladstone est devenue comme le symbole de l'ère victorienne. Ses années d'activité publique coïncident presque exactement, en effet, avec le règne de Victoria, c'est-à-dire avec une période fière de ses créations, de ses progrès matériels, de sa richesse. De cette époque pleine de confiance en l'avenir, Gladstone incarne à merveille la respectabilité vertueuse et digne, la raideur un peu compassée, l'esprit éminemment religieux et moralisateur. Pourtant, pour un homme si rigide sur les principes, c'est une courbe curieuse qui, au fil des années et des circonstances, le conduit de droite à gauche. Son itinéraire, exactement inverse de celui de Disraeli, part de positions résolument conservatrices. Au début de sa carrière, il justifie à la Chambre et l'esclavage aux colonies et le refus d'admettre les non-conformistes dans les universités et l'alliance du trône et de l'autel. Puis les idées réformatrices font leur chemin. Elles l'amènent lentement à passer du côté libéral. En vieillissant, il inclinera même de plus en plus nettement vers des positions radicales. Du coup, ses adversaires l'accuseront de n'être qu'un hypocrite démagogue. En réalité, il est difficile de mettre en doute la sincérité personnelle de l'homme. Mieux vaudrait se demander si toute sa vie Gladstone n'est pas resté à bien des égards un tory, soucieux de préserver ce à quoi il tenait le plus : l'équilibre politique, social et religieux de l'Angleterre victorienne. Mais c'était un esprit doté d'un sens politique si aigu que pour assurer l'avenir il était prêt à prendre les mesures de réformes les plus audacieuses et à abattre indomptablement obstacles et oppositions. " Un vrai conservateur des
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