Willard Quine par Frédéric Ferro De quelques principes philosophiques de Quine : sciences de la nature et logique extensionnelle.
Publié le 05/04/2015
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Willard Quine par Frédéric Ferro De quelques principes philosophiques de Quine : sciences de la nature et logique extensionnelle. Les thèses de Quine s'enchaînent et se soutiennent mutuellement, sans pour autant prétendre former un système exclusif et définitif. Il faut résister à l'idée d'en donner une " axiomatisation " unique, dans la mesure où Quine a insisté sur la souplesse des théories, qui peuvent se réadapter et se réorganiser suivant les besoins. Sa philosophie est en effet semblable à la démarche scientifique qu'elle décrit : les principes y jouent un rôle régulateur qui doit être mis à l'épreuve de la pratique des sciences et des ressources du langage. Le premier principe est donc épistémologique : il s'agit du naturalisme, selon lequel les sciences de la nature sont le modèle de toute connaissance. Il faut préciser que ces sciences nous apprennent à observer et à raisonner mais autorisent aussi des révisions profondes de tout notre savoir si l'expérience le réclame - y compris, en dernier ressort, des principes logiques qui ont conditionné la possibilité de l'expérience. Ce naturalisme est empiriste, puisque l'observation dépend des séries de stimuli sensoriels, mais non-dogmatique puisqu'il peut se corriger et se réinterpréter. Cette attention aux détails du progrès scientifique est un complément indispensable au formalisme logique. Le second principe est un critère logique, à la fois de ce qui peut avoir un sens (la sémantique) et de ce qu'on peut ou doit admettre comme existant (l'ontologie). Le premier degré du critère consiste dans le slogan : " Pas d'entité sans identité ". Cette condition est loin d'être triviale : toute " entité " dont on ne peut dire à quoi elle est identique ou de quoi elle diffère est donc une " pseudo-entité " vague, elle est entachée d'un flou irrémédiable qui doit l'exclure d'une saine ontologie. L'identité doit se comprendre sur un strict modèle extensionnel. La logique oppose dans le concept son extension et son intention. La première enveloppe la totalité des individus tombant sous le concept, la seconde comprend les propriétés ou caractères qui déterminent si un individu tombe ou non sous le concept. En termes plus modernes de théorie des ensembles, l'extension d'un ensemble est la totalité de ses membres alors que son intention le définit abstraitement. En linguistique, l'extension serait la référence et l'intention la signification. Il n'est rien de plus évident que l'identité comprise comme " co-extensivité " : deux ensembles sont identiques si et seulement s'ils ont tous leurs membres en commun. Il suffit donc d'énumérer les individus des collections comparées. Il est en revanche plus difficile de déterminer l'identité intentionnelle, car les significations dérogent au critère d'identification. L'extension de " rouge " peut renvoyer à telles ou telles couleurs rouges observables mais comment définir nettement son intention ? telle qualité sensible dans l'esprit ? une essence du rouge ? une longueur d'onde donnée ? une certaine façon dans une langue de découper le spectre visible ? Est-il possible de décréter de façon purement intentionnelle l'identité de significations, sans revenir subrepticement à la référence ? L'exigence d'identité conduit à l'extensionnalisme qui exclut tous les outils intentionnels. La signification même de " signification " est nébuleuse et la linguistique doit dès lors chercher à limiter le rôle de ce mythe de la signification. Quine ne nie naturellement pas que nos phrases veuillent dire quelque chose, mais admettre un domaine de significations séparées de l'usage ne ferait que poser un faux problème. Il existe cependant des tournures linguistiques où l'identité extensionnelle est compromise. Dans un contexte extensionnel, tout terme peut en effet être remplacé par un terme coextensif. Il est parfaitement correct de passer de " Cicéron a dénoncé Catilina " et de " Cicéron est Marcus Tullius " à la conclusion : " Marcus Tullius dénonce Catilina ". Ce type d'énoncés est appelé par Quine, à la suite de Russell et Whitehead, contexte transparent. Les contextes opaques sont ceux où cette substitution est non-valide logiquement. Ainsi, une phrase contenant ce que Russell avait appelé une attitude propositionnelle comme " savoir ", " croire ", " chercher " ouvre un contexte opaque. De " Jones sait que Cicéron est Cicéron " et de " Cicéron est Marcus Tullius ", on ne peut déduire logiquement : " Jones sait que Cicéron est Marcus Tullius ". De même, des énoncés avec des opérateurs modaux (nécessité, possibilité) ne conserve...
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