Tacite Jean Hubaux Professeur à l'Université de Liège " Une nuit brillante d'étoiles, et dont la paix s'unissait au calme de la mer, semblait préparée par les dieux pour mettre le crime dans toute son évidence.
Publié le 05/04/2015
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Tacite Jean Hubaux Professeur à l'Université de Liège " Une nuit brillante d'étoiles, et dont la paix s'unissait au calme de la mer, semblait préparée par les dieux pour mettre le crime dans toute son évidence. " La trirème d'Agrippine vogue, en suivant les côtes, vers Baïes, où Néron a invité sa mère en vue d'une feinte réconciliation. En réalité, le navire est truqué et dans un instant va fonctionner le mécanisme qui doit provoquer la noyade. A la poupe, trois personnes se reposent, sous une sorte de dais : Agrippine, un de ses courtisans et une suivante. Tous trois mourront au cours de cette même nuit sans qu'aucun d'eux, à coup sûr, ait eu le temps de faire des confidences à qui que ce soit. Cependant, nous saurons ce que disait à l'impératrice sa fidèle Acerronie : " Appuyée sur le pied du lit où reposait sa maîtresse, elle exaltait, avec l'effusion de la joie, le repentir du fils et le crédit recouvré par la mère. " (Annales, XIV, 5) Tel est l'art de Tacite : une marine nocturne, une morale religieuse où interviendraient des divinités justicières, tout un chapitre de roman noir tiennent dans ces quelques lignes. Quand on les a lues dans leur contexte, non seulement on a le sentiment qu'on ne les oubliera plus, mais encore, emporté qu'on est par la pathétique sobriété du récit, on ne songe pas un instant à demander à Tacite d'où il tient ses informations sur les derniers propos qu'entendra Agrippine. Au contraire, lorsque Tite-Live retrace, en son beau latin oratoire, une harangue de Coriolan ou d'Hannibal, nous admirons, mais nous ne croyons guère, pas plus que nous ne faisons confiance au bon Dumas s'il nous fait assister aux entretiens secrets d'Anne d'Autriche avec Richelieu. Pourtant, Tite-Live aussi est grave, à sa façon, mais il montre trop de rhétorique dans sa manière d'écrire l'histoire, trop de chauvinisme dans son amour pour Rome et, enfin, trop de crédulité à l'égard de ses sources. Seul parmi les grands historiens romains, Tacite défie la critique moderne. A la fin du XVIIIe siècle, le pamphlétaire Linguet s'était permis de formuler quelques doutes relativement au désintéressement de Tacite : " Les satiriques les plus outrés sont souvent les flatteurs les plus adroits. Qui peut assurer que le censeur implacable de Tibère n'a pas voulu faire servir à sa fortune auprès des successeurs de Domitien le mal qu'il disait des successeurs d'Auguste ? " La question risquait d'être périlleuse pour la mémoire de Tacite ; il eût fallu, pour y répondre avec pertinence, scruter profondément sa biographie, et nous verrons que cette tâche n'est pas aisée. Mirabeau se contenta d'écraser Linguet de son mépris, en l'appelant " avocat de Néron ", et la cause fut entendue. En effet, chacun sait que Néron fut un tel monstre qu'un écrivain s...
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