Stéphane Mallarmé par Jean-Paul Sartre prix Nobel (refusé) 1964 Fils et petit-fils de fonctionnaire, élevé par une regrettable grand-mère, Mallarmé sent croître en lui de bonne heure une révolte qui ne trouve pas son point d'application.
Publié le 05/04/2015
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Stéphane Mallarmé par Jean-Paul Sartre prix Nobel (refusé) 1964 Fils et petit-fils de fonctionnaire, élevé par une regrettable grand-mère, Mallarmé sent croître en lui de bonne heure une révolte qui ne trouve pas son point d'application. La société, la Nature, la famille, il conteste tout, jusqu'au pauvre enfant pâle qu'il aperçoit dans la glace. Mais l'efficacité de la contestation est en raison inverse de son étendue. Bien sûr, il faut faire sauter le monde : mais comment y parvenir sans se salir les mains. Une bombe est une chose au même titre qu'un fauteuil empire : un peu plus méchante, voilà tout ; que d'intrigues et de compromissions pour pouvoir la placer où il faut. Mallarmé n'est pas, ne sera pas anarchiste : il refuse toute action singulière ; sa violence - je le dis sans ironie - est si entière et si désespérée qu'elle se change en calme idée de violence. Non, il ne fera pas sauter le monde : il le mettra entre parenthèses. Il choisit le terrorisme de la politesse ; avec les choses, avec les hommes, avec lui-même, il conserve toujours une imperceptible distance. C'est cette distance qu'il veut exprimer d'abord dans ses vers. Au temps des premiers poèmes, l'acte poétique de Mallarmé est d'abord une recréation. Il s'agit de s'assurer qu'on est bien là où l'on doit être. Mallarmé déteste sa naissance : il écrit pour l'effacer. Comme le dit Blanchot, l'univers de la prose se suffit et il ne faut pas compter qu'il nous fournira de lui-même les raisons de le dépasser. Si le poète peut isoler un objet poétique dans le monde, c est qu'il est déjà soumis aux exigences de la Poésie ; en un mot il est engendré par elle. Mallarmé a toujours conçu cette " vocation " comme un impératif catégorique. Ce qui le pousse, ce n'est pas l'urgence des impressions, leur richesse ni la violence des sentiments. C'est un ordre : " Tu manifesteras par ton oeuvre que tu tiens l'univers à distance. " Et ses premiers vers, en effet, n'ont d'autre sujet que la Poésie elle-même. On a fait remarquer que l'Idéal dont il est sans cesse question dans les poèmes reste une abstraction, le travestissement poétique d'une simple négation : c'est la région indéterminée dont il faut bien se rapprocher quand on s'éloigne de la réalité. Elle servira d'alibi : on dissimulera le ressentiment et la haine qui incitent à s'absenter de l'être en prétendant qu'on s'éloigne pour rejoindre l'idéal. Mais il eût fallu croire en Dieu : Dieu garantit la Poésie. Les poètes de la génération précédente étaient des prophètes mineurs : par leur bouche, Dieu parlait. Mallarmé ne croit plus en Dieu. Or les idéologies ruinées ne s'effondrent pas d'un seul coup, elles laissent des pans de murs dans les esprits. Après avoir tué Dieu de ses propres mains, Mallarmé voulait encore une caution divine ; il fallait que la Poésie demeurât transcendante bien qu'il eût supprimé la source de toute transcendance : Dieu mort, l'inspiration ne pouvait naître que de sources crapuleuses. Et sur quoi fonder l'exigence poétique. Mallarmé entendait encore la voix de Dieu mais il y discernait les clameurs vagues de la nature. Ainsi, le soir, quelqu'un chuchote dans la chambre - et c'est le vent. Le vent ou les ancêtres : il reste vrai que la prose du monde n'inspire pas de poèmes ; il reste vrai que le vers exige d'avoir existé déjà ; il reste vrai qu'on l'entend chanter en soi avant de l'écrire. Mais c'est par une mystification : car le vers neuf qui va naître, c'est en fait un vers ancien qui veut ressusciter. Ainsi les poèmes qui prétendent monter de notre coeur à nos lèvres, remontent, en vérité, de notre mémoire. L'inspiration ? Des réminiscences, un point c'est tout. Mallarmé entrevoit dans l'avenir une jeune image de lui-même qui lui fait signe ; il s'approche : c'était son père. Sans dou...
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