Scipion Émilien par C.

Scipion Émilien par C. Nicolet Professeur à la Faculté des Lettres de Caen. Une carrière relativement brève - vingt ans - mais surchargée d'exploits militaires : la prise de Carthage, vieille rivale affaiblie et pourtant redoutée, la chute de Numance, témoin de la marche impitoyable de Rome vers la domination du monde. Un nom qui résumait tout ce que la vieille Rome aristocratique comptait de gloire à l'extérieur, d'autorité à l'intérieur, et un prestige personnel immense. Apparemment, la vie de Scipion Émilien pourrait constituer l'exemple même d'une destinée heureuse. Pourtant lorsqu'il meurt subitement en 129 av. JC, dans des circonstances dramatiques et mystérieuses, c'est en pleine crise révolutionnaire. Son nom est alors signe de contradiction, adulé par certains, honni par d'autres - si bien qu'on parle d'assassinat. Qui plus est, ce grand soldat et cet homme d'État conservateur a été lui-même - consciemment ou non - le responsable d'un processus de dégradation des institutions de la République et, par bien des côtés, le premier de ces candidats à la monarchie qui allaient jalonner, jusqu'à César, la chute du régime. C'est que Scipion fut exactement contemporain de la grande crise économique, politique et sociale qui ébranla le monde romain au IIe siècle avant JC. Après avoir conquis l'Italie, puis victorieusement résisté à Hannibal, Rome s'était lancée dans une politique impériale qui en faisait l'arbitre du monde méditerranéen. A Carthage vaincue, elle avait arraché les Espagnes, aux rois de Macédoine, la Grèce - proclamée " libre " en 196 av. JC. Déjà elle apparaissait en Asie, battant les Séleucides, imposant sa règle partout. En 167 av. JC, la Macédoine succombe à son tour. Pour Scipion Émilien, ces litanies de la conquête sont une affaire de famille. Son père Paul Émile est le vainqueur de Pydna : c'est lui qui a traîné à son triomphe le dernier Roi de Macédoine. Adopté par...