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Psychologie de L'explorateur par André Leroi-Gourhan Professeur à la Sorbonne Saint Brandan prit un jour la mer à la recherche du Paradis.

Publié le 05/04/2015

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Psychologie de L'explorateur par André Leroi-Gourhan Professeur à la Sorbonne Saint Brandan prit un jour la mer à la recherche du Paradis... L'explorateur est l'expression la plus individualisée de la société humaine, il porte en lui tous les désirs d'évasion de l'homme ordinaire, il part, il est seul, il rêve de mondes inconnus, il marche, c'est la plus haute forme du vagabondage dans l'imagination des adolescents et de l'artisan rivé à l'établi, une forme de la poésie populaire : l'explorateur s'est d'abord chanté. Assez curieusement, l'explorateur qu'on a chanté ne porte que des noms mythiques, ses voyages conduisent chez les monstres ; comme pour la plupart des sentiments profonds de l'homme, c'est le mythe qui habille le rêve. Il y a deux types d'explorateurs : celui qui vit dans le coeur de presque tous les hommes, et l'homme réel, à trois dimensions, qui part un jour vers les confins du monde. On ne peut évoquer le second sans éveiller le premier chez le lecteur, l'exploration porte sa grande part d'épopée et l'on peut montrer les héros du XVIIe siècle voguant à la recherche d'un débouché commercial intéressant pour les drapiers anglais, sans atténuer l'émotion qui saisit à l'évocation de leurs noms prestigieux. Christophe Colomb, l'homme qui apporta l'autre moitié du globe, est complètement dématérialisé dans la pensée normale ; c'est un héros naissant du sable d'une grève espagnole, volant au ras des flots vers des îles peuplées d'oiseaux d'émeraude. L'imagerie nous le montre majestueusement dressé sur son gaillard d'avant, sous les voiles de ses caravelles, parcourant sans durée les vagues que limite la page d'un in-quarto doré sur tranche. Qui pourtant a mieux connu que lui les antichambres royales, les marchandages, les reniements et la préoccupation de réaliser une opération financièrement profitable ? Que l'explorateur soit un mythe, il suffirait, pour s'en convaincre, de le voir partir si souvent à la recherche de la plus légendaire des valeurs terrestres, de l'or. Il est peu d'exemples qu'il l'ait trouvé au bout de sa course, il n'est guère d'exemples qu'il en ait profité au long de ses vieux jours. A l'irréel de l'homme s'ajoute celui du but de son départ. L'explorateur qui vit en nous est une belle légende, la belle légende du désir de dépasser sa borne natale, de briser son cercle, de partir vers les richesses pressenties au delà des collines. Le merveilleux, c'est que cet explorateur existe dans presque tous les hommes qui ont ouvert le monde, mais le plus proche parmi tous, c'est le pèlerin. Plus qu'aucun autre, il dégage ce qui est la part intime et personnelle de l'exploration parce que la route qui s'ouvre sous sa découverte, deux millions d'hommes l'ont ouverte avant lui pour la première fois. La gloire des grands explorateurs, c'est d'abord ce côté immédiatement saisissable de leur personnalité : ils sont grands parce que, dans les parties hautes de l'âme, ils bercent le merveilleux comprimé en chacun par la vie ordinaire. Mais, cette part dégagée, on peut avoir affaire à autre chose qu'à des mythes ou des images d'Épinal. Tous ont eu le désir de partir, tous n'ont pas eu celui de s'évader et tous sont partis pour des motifs qui estompaient souvent en eux le côté irréel de leur aventure. Ici l'on peut se livrer à un découpage d'une logique d'apparence satisfaisante. Le mythe tombe d'un coup ; saint Brandan cherchait le Paradis, Torres le continent austral, Fernandez allait trouver le pape, Livingstone les sources du Nil, Frobisher cherchait une route pour le commerce anglais, La Vérendrye essayait de drainer les fourrures aux dépens de la Compagnie de Hudson. Ainsi se créent d'autres images conventionnelles : l'explorateur-missionnaire, l'explorateur-savant, l'explorateur-commerçant, l'explorateur-corsaire, tous en pied, en grand costume de voyage, le sabre au poing ou le chapelet à la ceinture. Il suffit de prendre les biographies des personnages un peu anciens pour leur voir cet air de galerie de portraits stéréotypés : un nom, deux dates, un métier et un itinéraire. Un pas est fait pourtant, ce n'est plus la fiction mythique, c'est la fiction historique qui apparaît et toutes deux se fondent en une ébauche à laquelle n...

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