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Polycrate ?

Publié le 05/04/2015

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Polycrate ? -522 av. J.-C. Le destin de Polycrate a passionné les Anciens (et notamment Hérodote, à qui nous devons l'essentiel de ce que nous savons sur lui) : l'extraordinaire fortune de cet homme parti de presque rien et devenu le plus puissant des tyrans de son temps, puis abattu par un coup brutal et finissant ses jours sur la croix, leur paraissait un exemple typique de la Némésis, de la vengeance que les dieux tirent de ceux qui se laissent entraîner par la démesure et ne savent pas limiter leurs convoitises. Comme dans les mythes de la tragédie, le héros est lui-même l'artisan de sa perte, prévisible de tous sauf de lui-même qu'aveuglent l'orgueil et la déraison. Le cadre de cette tragédie : Samos, la grande île située en bordure de l'Ionie, mais que le roi de Perse n'a pu encore annexer. Sa situation géographique et le dynamisme de ses habitants lui ont conféré une place exceptionnelle dans le monde du négoce. Elle commerce avec l'Égypte et possède dans la concession de Naucratis un entrepôt spécial. Elle participe à l'exploitation du Nord grâce aux colonies qu'elle a su fonder à Samothrace et sur les rivages de la Propontide (mer de Marmara). Le Samien Colaios, parti pour l'Égypte, est jeté par la tempête au-delà du détroit de Gibraltar et revient du pays de Tartessos (région de l'actuelle Cadix) avec la somme fabuleuse de soixante talents d'argent. Ce commerce à l'échelle du monde méditerranéen est d'autant plus fructueux que Samos fabrique des produits de luxe : tissus, vases de céramique et surtout bronzes. On attribuait même à deux Samiens, Rhoicos et Théodoros, l'invention des procédés de la fonte en creux du bronze. On comprend que les aristocrates détenteurs du sol dans cette île fertile (les Géomores, c'est-à-dire partageurs de la terre), qui s'étaient longtemps réservé le pouvoir, se soient rapidement heurtés à la coalition des nouveaux riches du commerce et de l'industrie et d'un

« Il inaugure une politique de grands travaux, qui procurent du travail à tous et font de Samos l'une des plus belles cités du monde archaïque.

Hérodote s'enthousiasme pour ces réalisations.

La plus spectaculaire est une adduction d'eau due à l'ingénieur Eupalinos de Mégare qui perce dans une colline voisine de la ville un tunnel de 350 m, haut et large de 2,30 m, doublé d'un canal profond de 8 m et large de 1 m.

: ouvrage gigantesque qui n'est rendu possible que grâce aux prisonniers de guerre faits sur les Lesbiens, lorsque ceux-ci avaient prêté assistance aux Milésiens contre Samos.

Le port est protégé par un môle de 360 m.

Polycrate achève également le temple d'Héra, commencé sur les plans de Rhoicos, grandiose et somptueux édifice de style ionique. S'il faut en croire Hérodote (3, 125) “ hormis les tyrans qui régnèrent à Syracuse, aucun autre tyran grec ne mérite d'être comparé à Polycrate au point de vue de la magnificence ”.

Il porte au doigt une émeraude gravée, œ uvre de Théodoros, dont il essaye en vain de se défaire, pour apaiser les dieux envieux de son bonheur excessif, en la jetant dans la mer.

Son palais renferme un mobilier très précieux, qui sera consacré après sa mort dans le sanctuaire d'Héra. Il s'assure à prix d'or les services du plus fameux médecin du temps, Démocédès de Crotone, l'arrachant pour deux talents annuels à Égine et à Athènes. De très grands lyriques ajoutent à l'éclat de sa cour.

Ibycos, originaire de Rhégion (en Grande-Grèce), s'était réfugié à Samos pour échapper à ses concitoyens qui le voulaient faire tyran.

Il compose de vastes compositions épiques, mais en y introduisant des récits amoureux.

De fait, le peu que nous avons conservé de ses vers n'évoque que rossignols, fleurs rares, pampres, décor tout fait de joliesse où de beaux jeunes gens en vêtements brodés meurent d'amour parmi les roses.

Dans son Ode à Polycrate le tyran est paradoxalement loué surtout pour sa beauté.

L'atmosphère n'est guère différente dans les chansons de table ou d'amour d'Anacréon natif de Téos en Ionie, lui aussi commensal de Polycrate dont le nom, nous rapporte-t-on, revenait sans cesse dans ses poèmes.

Il est le chantre de l'amour, d'un amour sensuel, parfois passionné, plus volontiers badin, spirituel et précieux, qu'il sait peindre avec une extraordinaire délicatesse de touche, dans des vers aux mètres savants et variés.

Son seul dieu est “ le charmant Éros aux couronnes verdoyantes et fleuries, le maître des dieux, le dompteur des hommes ”. Cette soif de plaisirs, ce culte de la beauté, ce raffinement spécifiquement ionien ne sont qu'un des aspects de la personnalité chatoyante de Polycrate.

Le tyran ne consacre que ses loisirs à ces délicats poètes, au flûtiste Bathyllos ou au jeune Thrace Smerdiès à l'ondoyante chevelure. Sa vraie passion est la puissance et Hérodote peut noter (3, 122) qu'il fut “ le premier des Grecs qui songea à l'empire des mers...

et eut bon espoir de régner sur l'Ionie et sur les îles ”. Fort de ses mercenaires, de ses mille archers, de ses cent pentécontores filant à bonne vitesse, il triomphe de Milet et de Lesbos, soumet Rhénée dont il fait don à l'Apollon de Délos, s'empare “ de beaucoup d'îles et aussi de beaucoup de villes du continent ”, aux dires de l'historien d'Harlicarnasse, qui mentionne aussi ses innombrables pillages et razzias où il n'épargne pas plus les alliés que les ennemis, proclamant avec cynisme qu'“ on est plus agréable à un ami en lui rendant ce qu'on lui a pris qu'en ne lui prenant rien du tout ”.. »

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