Pierre Puget 1620-1694 Singulier destin que celui de Puget !
Publié le 05/04/2015
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«
n'apporte à Puget que des mécomptes : déceptions de l'urbaniste à Marseille, où son projet
de grande voie, bordée de palais à la génoise, de la Porte d'Aix à la Porte de Rome,
demeure enterré dans les cartons par des échevins parcimonieux ; déceptions du
décorateur à Toulon, où Puget, appelé à diriger l'atelier de sculpture de l'Arsenal, prétend
régner aussi sur les chantiers de navires et les bâtiments du port, et s'attire une tranchante
réponse de Colbert (“ S'il se met de pareilles chimères en tête, il faudra bientôt le
remercier ”).
Et pour comble de malheur, le voilà bridé sur son propre terrain, lorsque les
marins, surclassés par les vaisseaux de leurs adversaires anglais ou hollandais, décident le
ministre “ à retrancher tous ces grands ouvrages auxquels les sculpteurs s'attachent plus
pour leur réputation que pour le bien du service ”.
Adieu les châteaux d'arrière à multiples
galeries, peuplés de dieux, de sirènes, chargés d'emblèmes et de trophées, du Royal-Louis
ou de la Thérèse-Royale ! Puget s'adapte avec maîtrise ; et d'admirables dessins — modèles
de poupes, études de vaisseaux croisant au large des côtes provençales ou ancrés devant
des portiques à la Claude Lorrain — nous permettent de suivre sa trajectoire vers un style
plus sobre.
Mais l'Arsenal ne l'intéresse plus et sa brusque radiation des cadres en 1679,
pour amère qu'elle lui soit, ne fait que consacrer un détachement bien antérieur...
C'est que, depuis 1670 — ayant obtenu l'autorisation d'employer des marbres entreposés à
l'Arsenal — la grande sculpture l'obsède de nouveau et l'espoir de faire agréer par le Roi la
statue Milon de Crotone et le grand bas-relief Alexandre et Diogène qu'il a entrepris.
Déchargé
des “ devoirs parasites ”, réinstallé dans sa ville natale, il achève en 1681 le Milon .
Déballée
à Versailles, la statue obtient l'exclamation ingénue de la Reine : “ Oh ! le pauvre homme,
comme il souffre ! ” Mais aussi les suffrages de Le Brun, de Le Nôtre, du Roi lui-même.
On
l'érige à l'entrée de l'Allée Royale “ qui est le plus bel endroit du jardin ”.
La chance
tourne-t-elle pour Puget grâce à un Ministre “ dont les bontés le feront rajeunir ”, avec
l'avènement de Louvois beaucoup mieux disposé pour lui que son prédécesseur ?
Sexagénaire, va-t-il pour le Roi-Soleil fixer dans le marbre les grands mythes qui
nourrissent ses rêves : Persée et Androméde, Apollon et Marsyas, ce Ravissement
d'Hélène, “ qui serait quelque chose d'extraordinaire ”, et cet Apollon colossal qu'il
dresserait au milieu du Canal de Versailles et dont les jambes écartées laisseraient passage
aux bateaux ? Mais le destin veille ; après le succès de Persée (1684), l'activité de Puget
dévie vers un projet grandiose, également séduisant pour le sculpteur et l'urbaniste, pour
le citoyen de Marseille et le sujet du Roi.
A la statue équestre de Louis XIV que lui commande la municipalité, il conçoit un cadre à
sa mesure : une Place Royale ovale, ouvrant sur la mer.
Une fois de plus, il se heurte à la
lésinerie des échevins, qui soudoient ministres et hauts fonctionnaires pour contrer son
plan ; à la cour, partisans du “ plan ovale ” et du “ plan carré ” s'affrontent ; Mansard
intervient en faveur du “ plan carré ” qu'il retouche.
Puget rompt le marché, abandonne
place et statue.
Lorsqu'il se rend à la cour pour convaincre le Roi, la guerre de la Ligue
d'Augsbourg met tout le monde d'accord : la ville remplace la statue par une contribution
financière et Louis XIV donne courtoisement congé à l'artiste : “ Allez, M.
Puget, travaillez
toujours pour moi et me faites de belles choses comme vous savez faire.
”
Cette fois le vieux lion, vaincu, renonce.
Il se remarie, et se construit un petit palais
dominant Marseille, parmi les vignes et les oliviers.
Il a le temps d'y achever son Diogène
— qui lui restera pour compte — et un autre grand bas-relief religieux Saint Charles.
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