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Pierre Jean Jouve 1887-1976 L'on s'accorde à dire que Baudelaire est à l'origine du mouvement poétique contemporain.

Publié le 05/04/2015

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Pierre Jean Jouve 1887-1976 L'on s'accorde à dire que Baudelaire est à l'origine du mouvement poétique contemporain. Marcel Raymond ajoute que ce mouvement est double : qu'il comprend les artistes -- c'est la filière Valéry-Mallarmé, et les voyants -- c'est la filière qui va de Rimbaud aux " chercheurs d'aventures ". Parmi ceux-ci, il range Jouve. Cependant il juge ainsi en 1933, quand Sueur de Sang vient de paraître : poème qui s'avance si vertigineusement dans l'homme souterrain que les mots en effet se déchirent sous la violence de la vision. Mais il me semble qu'au jour où nous sommes, découvrant l'oeuvre de Jouve dans son étendue, oeuvre qui commence vers 1907, qui se poursuit sous nos yeux, l'art du langage frappe d'abord. Les réalités, acceptées, rejetées -- saisies à nouveau, la substance de mort, la substance érotique, les réalités profondes et la matière céleste -- sont présentes, cependant gouvernées, soumises au verbe. Jouve reproduit l'unité de Baudelaire. L'on sait du reste par son journal, par ses essais, qu'il s'est proposé deux modèles : dire, comme Baudelaire, comme Rimbaud ; " ne pas dire ", comme Mallarmé ; en tout cas retrouver la poésie absolue. Pierre Jean Jouve naît dans une ville de province, " vieille ville espagnole " comme il aime à dire ; c'est le 11 octobre 1887, à Arras ; dans une famille très simple, où l'on a toutefois le goût de la musique ; la musique accompagne l'adolescence, montre la poésie : " alors un voile se déchire "...
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« poétique ou romanesque.

Les traductions indiquent bien ce mouvement : placées entre Jouve et Hölderlin ou Shakespeare ou Gongora : portraits entre deux.

Et encore, les textes sur Don Giovanni, Wozzeck, Lulu : portraits d'opéra. Dans les premiers livres, un symbolisme, parfois inquiet, s'étend, la guerre venue, aux paraboles, plus généreuses que sûres, que guident Romain Rolland, Tolstoï, Whitman, Tagore ; cependant on y démêle cette proximité au réel, cet amour obsédant des villes, dont Baudelaire a donné l'exemple dans le Spleen de Paris ; Éluard les aimait pour cela. Quand s'effondre la règle ou l'illusion qui les soutenait — il reste l'esprit absolu de Jouve. Qui provoque d'abord une crise morale, aggravée par l'exil, puis ce qu'on a appelé improprement sa conversion.

C'est la confirmation de l'état de poète : la découverte d'une “ puissance d'écrire en poésie ” à partir du moi profond, des valeurs inconscientes ou plus souvent de la conscience obscure, à partir des “ limbes ” de l'esprit.

C'est, concurremment, la découverte d'une langue autonome apte à rendre de telles réalités, sans en rien perdre ni sans en rien dissimuler. Je crois que les critiques contemporains ont trop incliné leur commentaire dans le sens où les entraînaient ces réalités mêmes.

Le poète voit et il dit.

L'objet de vision ne peut être appréhendé que par le système d'image nécessaire, mais ce système est un véhicule : qui n'est unique que parce que le poète l'a choisi, “ établi sur les mots ”.

Les images sont donc importantes — mais non point pour tirer une doctrine.

La symbolique religieuse qui paraît dans Les Mystérieuses Noces (1925), la “ faute ” ou la nostalgie d'une innocence, qui est au centre du Paradis Perdu (1929), puis, étendant très loin leur pouvoir, face à la culpabilité, les instincts d'amour et de mort qui se lient et se déchirent à travers tant de poèmes inaugurés par Sueur de Sang (1933) : ce sont à la fois objets et modes de vision, ou encore, comme le thème “ nada ” ou de l'absence, qui se voit principalement dans Matière Céleste (1937) et Innominata (1942 ) — des “ idées de poésie ”. Mais il est bien vrai que jusqu'à Diadème et Ode (1949 et 1951) ces thèmes, ces symboles, ces rêves, ces figures enfermées gouvernent plus étroitement le poème qu'ils ne feront plus tard et sacrifient parfois à la dialectique de l'éros et de la mort, du tout et du rien, sacrifient, s'il le faut, la beauté — la musique mais non point la force, la grandeur — du chant. L' œ uvre, ensuite, est plus détachée, en même temps plus secrète.

Elle témoigne que Jouve se sert désormais de tous les paysages de l'âme — les autres, les lieux qu'il a aimés, Dieulefit, Carona, Salzbourg, Sils Maria, passant à leur tour du côté de l'âme ; et qu'il renouvelle sans cesse l'instrument.

L'acte poétique, dans Langue, Lyrique, Mélodrame, Inventions, Moires (de 1952 à 1962), est plus pur et plus grand que jamais : liberté et profondeur s'y déterminent 1'une par l'autre.

En des pièces d'une étendue inégale, la poésie offre toutes sortes de mètres, des vers, des versets tout à fait libres, l'assonance, la rime plus ou moins marquée : qui importent moins que l'architecture générale. Pierre Jean Jouve a aussi écrit (entre 1925 et 1935) six romans qui ont été réunis plus tard en quatre livres : Paulina, Le Monde désert, Aventure de Catherine Crachat, La Scène capitale. Ces ouvrages semblent fort singuliers dans la littérature française, peut-être même dans l'art du roman : par la hardiesse de la mise en scène, la mobilisation des rêves, des. »

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