Parménide par Jean Beaufret Tandis que la parole d'Héraclite parvient jusqu'à nous
Publié le 05/04/2015
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Parménide par Jean Beaufret Tandis que la parole d'Héraclite parvient jusqu'à nous à travers une centaine de Fragments distincts les uns des autres, Parménide d'Elée nous est connu par un Poème dont ce qui nous reste aujourd'hui encore, comme le Parthénon parmi les temples grecs, est la ruine la plus imposante et la plus cohérente du monde présocratique. La plus déterminante aussi pour l'avenir de la pensée occidentale, c'est-à-dire peut-être de la philosophie, car le mot central du Poème nomme, comme dira plus tard Aristote, " le jadis et maintenant et toujours cherché et toujours sans issue " - l'être. Ce dire de l'être - ou encore de l'étant - qu'est d'un bout à l'autre le Poème de Parménide, s'explicite dans un langage qui dénombre une diversité de voies ou de chemins. Aux confins du possible et de l'impossible, Parménide distingue ce qui est voie et ce qui ne l'est pas du tout - et, dans ce qui est voie, il distingue encore ce qui est route véritable et ce qui est seulement chemin semé de pièges. Cette distinction qui sépare le viable de l'inviable, et, dans le viable, la route à suivre du chemin à éviter, fait de son Poème le Poème de la Méthode, qui, dès la naissance de la pensée, précède de vingt siècles tout Discours de la Méthode et en fonde la possibilité. Descartes ne sait pas l'origine parménidienne de son célèbre Discours. Peut-être, cartésiens, n'en savons-nous guère plus que lui malgré notre culture historique. Peut-être cette culture qui nous rend si experts aux transitions, aux filiations et aux précédents ne fait-elle qu'un précisément avec l'obnubilation la plus totale de notre rapport à l'origine. Car l'origine n'est pas un précédent enfoui dans les lointains du passé et qui, de son exemplarité encore fruste, préfigurerait des problèmes dont le progrès de la pensée aurait ensuite à épurer, à modifier et à renouveler les termes. Il pourrait se faire que l'origine soit bien plutôt ce qui est en jeu d'une manière permanente d'un bout à l'autre de l'histoire, dès un jaillissement inaugural dont la suite des temps ne cesse de sauvegarder la fulguration de plus en plus voilée. S'il en est ainsi, le Discours de la Méthode pourrait bien n'être à son tour, par rapport à ce Poème de la Méthode que fut le Poème de Parménide et dont il nous reste au moins les ruines, que, dit à peu près Heidegger, l'éclair blafard et silencieux qui signale encore un orage depuis longtemps retiré. Dans le Poème de Parménide, la voie de l'être, sur laquelle nous trouvons, en grand nombre, des signes, s'oppose, comme voie unique de la vérité, à la " voie " du non-être qui est une non-voie. C'est en effet son inviabilité qui constitue la voie du non-être comme " voie " ou plutôt comme " sentier où ne se trouve absolument rien à quoi se fier ". Les signes de l'être, Parménide les énonce dans le Fragment VIII du Poème. Ce sont d'abord des signes négatifs : l'être est inengendré, impérissable, inébranlable, immobile, sans passé, sans futur, sans fin. Mais il y a aussi des signes positifs : l'être est de membrure intacte, continuellement présent, tout entier à la fois, d'un seul tenant, un. Ces signes ne sont pas des indices d'autre chose comme la fumée est le signe du feu, mais l'être même, tel qu'il se laisse voir dans le rayonnement multiple de la lumière qui lui est propre. Négatifs ou positifs, les signes forment un ajointement définissant le partage qui est celui de l'être et à l'intérieur duquel il est maintenu par des liens irréductibles. L'être est donc moins une nécessité qui se suffirait à elle-même qu'un partage dont l'échéance a été fixée telle qu'elle est. Plus originel que l'ê...
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