Naissance des littératures nationales par Régine Pernoud Musée d'Histoire de France, Archives
Publié le 05/04/2015
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Naissance des littératures nationales par Régine Pernoud Musée d'Histoire de France, Archives Nationales Le domaine des lettres médiévales, dans son évolution, ressemble un peu à l'empire de Charlemagne : un grand corps épique, une sorte de cosmos d'où, avec le temps, émergent des continents distincts, ayant chacun leur tracé et leurs frontières. A mesure que se différencient les peuples et les parlers locaux, de la Saxe aux Pyrénées, naît le besoin d'exprimer dans la langue de tous les jours ce que le latin dit " de décadence " avait exprimé jusque-là. C'est ainsi que peu à peu, dans l'Europe médiévale, s'affirment des individualités dont la croissance est sensiblement parallèle à celle des différents royaumes. Au cours de ce XIe siècle qui voit s'enraciner en France la dynastie capétienne, croître au delà du Rhin le Saint-Empire romain-germanique, et le Conquérant s'installer sur les rives de la Tamise, s'ébauchent les littératures dans la langue d'Aelfric, du moine Wulfila et de la Chanson de Roland. Autant de personnalités en puissance, qui s'affirmeront avec le temps, mais qui, pendant toute la grande période du Moyen Âge, du XIIe au XIVe siècle, gardent très vive la conscience d'un héritage commun. Les lettres demeurent à l'image de la Chrétienté, à l'image des grandes cathédrales qui jalonnent l'Europe, de Poitiers à Bamberg, de Durham à Santiago : une grande unité d'inspiration, à travers les multiples dialectes locaux et les courants d'influences d'une région à l'autre, anime le sentiment littéraire. Pendant toute cette période, la production poétique n'est inférieure ni en qualité ni en quantité à la production artistique. Seuls l'écran du langage, souvent difficile à percer, et le manque de curiosité du public prolongent pour nous, à l'égard de la littérature médiévale, l'ignorance et l'incompréhension qui furent si longtemps de règle à l'égard de l'art de la même époque. C'est encore un domaine pratiquement inconnu, dont nous avions perdu la clef. Les efforts d'un Gustave Cohen auront sur ce point éveillé l'attention, et d'autre part les travaux de quelques romanistes comme Reto Bezzola nous ont enfin restitué quelques fils conducteurs qui nous permettent de voir sous leur véritable jour les chansons de geste et les romans d'aventure. La chose était d'autant plus souhaitable qu'on doit bien constater, en dehors de tout amour-propre national, que la France a connu aux XIIe et XIIIe siècles l'une de ses plus grandes époques littéraires, que les oeuvres françaises (ou plus exactement franco-anglaises) semblent alors discipliner tout le mouvement des lettres occidentales. C'est un peu sous son égide que s'épanouissent, en Europe, les littératures nationales.<...
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