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Molière par Thierry Maulnier Des grands écrivains représentatifs de l'art dramatique classique, le plus proprement français est sans doute Racine ; Molière est le plus certainement universel.

Publié le 05/04/2015

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Molière par Thierry Maulnier Des grands écrivains représentatifs de l'art dramatique classique, le plus proprement français est sans doute Racine ; Molière est le plus certainement universel. Il est malaisé à un Français de faire partager l'admiration qu'il a pour Racine à des étrangers, à moins qu'il ne s'agisse d'étrangers déjà francisés, déjà acclimatés dans notre culture ; en France même, il demande des lecteurs ou des spectateurs privilégiés, des oreilles et des esprits sensibilisés par l'éducation littéraire : on n'imagine guère Bérénice jouée sur des tréteaux de village. Molière parle pour tout le monde, pour les enfants et pour les hommes, pour le public français et pour celui de tous les pays, de toutes les races, pour les gens du goût le plus difficile et pour la foule, pour son époque et pour la nôtre. On n'imagine pas qu'il puisse exister des hommes pour qui deux et deux ne fassent pas quatre. On n'imagine guère mieux qu'il en puisse exister pour qui soient lettre morte la drôlerie de Molière, la pitié de Molière, la cruauté de Molière, la générosité de Molière. Il est pleinement de son siècle, dont il manifeste en même temps le puissant équilibre, la raison un peu lourde, le respect pour les valeurs établies, et l'angoisse secrète, la fermentation prodigieuse, la fièvre révolutionnaire, la modernité. Il se fait dans ses comédies le champion du sens commun et des idées reçues, mais il raille la Cour, ridiculise la Faculté, inquiète l'Église. Il a contracté avec les opinions de l'individu moyen cette alliance sans laquelle il n'est pas de succès possible pour un auteur comique - l'auteur a besoin de la complicité du public - et pourtant, il y a dans son théâtre une liberté d'allure, une âpreté corrosive qui nous étonnent encore aujourd'hui. Il y a en lui quelque chose d'inquiétant et de contradictoire : c'est tout juste s'il ne nous demande pas d'approuver la plate et vulgaire philosophie de son bonhomme Chrysale, mais il nous a laissé avec son Don Juan la plus hautaine, la plus énigmatique, la plus fascinante figure du défi métaphysique qu'on ait mise sur le théâtre. Il nous invite à rire avec lui de son Alceste, mais on ne peut pas ne pas penser qu'il éprouve pour celui dont il nous demande de rire et dont il rit lui-même une sympathie secrète, une pitié profonde, et l'on a pu dire que le Misanthrope était la condamnation d'un monde où Alceste était ridicule. Arnolphe lui-même... Sans doute Molière tourne en dérision, avec un plaisir évident, le féroce désir de chair fraîche de ce quinquagénaire égoïste et libidineux. Il n'empêche qu'Arnolphe souffre " La souffrance, allez-vous dire, n'est&l...
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