Marcel Arland 1899-1986 Il y a deux Arland.
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
«
Or, identifier l'existence et la littérature, c'est chercher dans l'écriture une mystique.
Arland interroge la création littéraire afin de mieux définir cette “ grâce ” qui atteint tous
ceux des écrivains qui se sont découverts à eux-mêmes et aux autres : Pascal, Racine,
Laclos...
Le critique trouve ici sa raison d'être — mais dans une lucidité exacerbée qui ne
tolère pas la médiocrité.
Ce visage d'Arland, c'est celui que tout le monde connaît.
Celui qu'il montre à la N.R.F.
qu'il dirige avec Paulhan.
Toutefois, l' œ uvre ne se réduit pas à cette exigence, qui se
développe dans les directions différentes et conduit aux grandes nouvelles.
Pourtant, on ne passe pas simplement d'un registre à l'autre.
Il y a des relais qui
permettent de changer de domaine et de modifier les structures mêmes de l' œ uvre.
C'est
une longue méditation sur l'enfance qui sert ici de transition.
L'enfance, elle est en apparence partout, dans cette œ uvre.
Mais ce n'est pas simplement
l'enfance.
Déjà, dans Terres étrangères, ce récit des débuts d'Arland qu'aimait Valery
Larbaud, un enfant est le témoin des amours tragiques d'un couple, le regard, en
apparence innocent, insidieusement appliqué à une tragédie.
Plus profonde est cependant
la mémoire : elle retrouve une mère, devenue veuve trop jeune, la menaçante présence des
morts, l'ombre d'un père inconnu, les étrangers dont les gestes composent un univers
impitoyable. Les Vivants, Zélie dans le désert, Terre natale définissent ainsi une rêverie qui
force Arland à sonder plus profondément la terre du passé.
Nous parvenons alors à ce que lui-même a nommé “ le charnier spirituel de l'ombre ”, le
peuple des fantômes et des créatures qui habite les récits les plus surprenants de l'écrivain.
Cela constitue la part mystérieuse de cette œ uvre, non seulement parce que l'écrivain unit
dans la même démarche une analyse critique de la littérature et la création d'un univers
dominé par des obsessions irrépressibles, mais surtout parce que l'art paraît puiser aux
sources mêmes de la vie de l'artiste et se nourrir de sa substance.
Il faut de tout pour faire un monde, l'Eau et le Feu, la Consolation d'un voyageur, A perdre haleine
et Je vous écris nous jettent au milieu d'un monde farouche qu'inlassable l'écrivain-témoin
interroge et met en doute.
Les figures plus ou moins monstrueuses et fantastiques qui
peuplent les campagnes où elles s'enracinent ne sont pas explicables par les rêveries qui
commandaient aux premiers livres.
L'écrivain multiplie les angles de vue, nous découvre
une femme malade de son désir par les quelques vêtements qui subsistent d'elle après sa
mort, un malheureux bafoué qui se pend à la sauvette dans une cabane, ouvre une
saisissante méditation, à propos d'un défilé de carnaval où une jeune paysanne, attachée
sur un char, joue les martyres.
Ici, l'art de Marcel Arland est fait de notations imperceptibles qui désignent la vie plus
qu'elles ne l'exposent.
I1 convient de faire pressentir sans expliquer, sans enfermer le
personnage dans une image toute faite.
Aucun écrivain n'a moins joué avec ses créatures.
Ce monde est terrifiant, implacable.
Dérisoire aussi.
C'est peut-être une vision de l'enfer.
Qu'importe...
Les personnages qu'il invente pèsent sur le cerveau de l'écrivain comme des.
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