L'intégration regionale
Publié le 23/02/2023
Extrait du document
«
L’intégration peut-elle contribuer au développement de l’Afrique ? La réponse à cette
question paraît évident, tant le réflexe au regroupement semble aujourd’hui être l’instinct qui
garantit aux individus et au groupe la survie et la maîtrise de leur destin.
Si l’on s’interroge
par contre sur le fondement d’une intégration africaine réussie, la réponse à cette seconde
question semble beaucoup moins évidente.
C’est qu’à ce niveau l’embarras est grand :
l’intégration africaine doit-elle reposer sur les dirigeants politiques ? Doit-elle au contraire
avoir pour assise les peuples ? À y regarder de près, une intégration réussie ne repose-t-elle
pas sur le désir de l’autre qui doit animer chaque africain ? Analyser ces questions ne peut se
faire sans au préalable faire l’état des lieux de l’intégration africaine.
I- ÉTAT DES LIEUX DE L’INTÉGRATION AFRICAINE
Le sentiment qui habite en général l’Africain quand il jette un regard sur le niveau
d’intégration de nos pays à l’échelle continentale et régionale est un sentiment de grande
déception et de profonde amertume.
C’est qu’il existe un hiatus entre le nombre
d’organisations continentales, régionales et sous-régionales en charge de l’intégration et les
résultats obtenus.
À ce jour on compte plus de 200 organisations africaines travaillant à
intégrer les États sur les plans politique, économique, culturel, judiciaire, etc., alors que le
niveau d’intégration du continent, comparé à celui d’autres espaces intégrés (Union
européenne, ALENA) est très faible.
Les résultats obtenus sont largement en deçà de ceux
escomptés.
« L’Afrique est le plus morcelé de tous les continents », ce nonobstant le nombre
impressionnant d’organisme d’intégration.
Ce chapitre cherchera à montrer ce paradoxe.
À cet effet, dans un premier temps seront présentées les principales organisations en charge de
l’intégration, ensuite seront donnés les résultats décevants enregistrés par ces dernières.
Présenter toutes les organisations africaines œuvrant pour l’intégration serait fastidieux.
Nous
nous contenterons d’en voir les principales.
On peut distinguer, en tenant compte de leur
champ d’action, deux types d’organisations, les unes opérant à l’échelle continentale, les
autres à l’échelle régionale ou sous-régionale.
À l’échelle continentale, nous avons l’OUA,
Organisation de l’Unité Africaine, « sorte d’ONU à l’échelle africaine », aujourd’hui U.A,
Union Africaine.
Créée en 1963, cette organisation avait pour objectif d’aboutir à une
communauté économique africaine pour l’ensemble du continent.
En 1980 a été adopté le
Plan d’Action de Lagos, qui prévoyait le passage vers l’unité par cinq étapes successives, en
commençant par des unions régionales, pour aboutir à la communauté continentale en l’an
2000.
Mais la lenteur des progrès des unions a amené l’organisation, en 1991, à reporter son
ambition pour l’an 2035.
Outre l’Union Africaine, on peut citer comme structure œuvrant à
l’échelle continentale l’O.H.A.D.A (l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit
des Affaires), dont le Traité a été adopté en 1993.
Parmi les organismes d’intégration régionale, on peut distinguer deux grandes catégories, les
uns à vocation générale d’intégration économique, les autres à vocation sectorielle.
L’objectif
des organismes à vocation générale d’intégration est d’aboutir à une communauté économique
plus ou moins poussée (libre-échange, tarif douanier extérieur commun, harmonisation des
politiques économiques et financières ou véritable communauté économique).
La plupart de
ces organismes ont pour champ d’action l’ensemble d’une grande région d’Afrique, comme
l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique Centrale, l’Afrique Orientale ou l’Afrique Australe ; d’autres
par contre concernent des espaces plus limités, comme celle de l’Union de la Rivière Mano ou
la Communauté Économique des Pays des Grands Lacs ; d’autres enfin n’ont qu’une
existence symbolique, comme la Communauté Économique des États d’Afrique Centrale (dix
États).
Par rapport aux organisations à vocation générale, celles à vocation sectorielle ont des
objectifs et des actions limités.
Certaines opèrent dans le commerce et dans l’industrie,
comme Air-Afrique et l’ASECNA (Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne) ;
d’autres se consacrent surtout à des études ou à des missions de concertation comme
l’aménagement de grands bassins fluviaux (Niger, Sénégal, Gambie, lac Tchad) ; d’autres
encore cherchent à renforcer la position des pays africains sur le marché mondial en
présentant un front uni (par exemple pour l’arachide, le bois, le café, le bétail, le pétrole).
Malgré - et peut-être à cause de - cette pléthore d’organisations, les résultats se font encore
attendre.
Certes, comme l’affirme Pierre Merlin, « il est normal que l’établissement de
communautés d’intégration (…) prenne beaucoup de temps [comme] en Europe où les pays
avaient des économies assez similaires mais où les idées d’intégration régionale nées au
lendemain de la guerre en 1946 n’ont pu avoir un commencement de réalisation que vers 1960
», mais le bilan, à ce stade, est tout de même inquiétant.
Sur le plan économique, les pays
africains, bien qu’ayant, par leur appartenance aux communautés économiques régionales,
souscrit à des mécanismes et à des traités relatifs à la libéralisation du commerce, n’ont ni
intégré leurs marchés, ni mis en place de véritables zones de libre-échange, ni constitué des
unions douanières.
Ces lacunes ont eu des répercussions négatives sur la création et
l’expansion des échanges, notamment sur les flux commerciaux intra-communautaires et
intra-africains.
Conséquence de cette situation, le commerce africain continu de privilégier les
partenaires commerciaux extérieurs au continent.
Sur le plan industriel, à cause de la faiblesse des relations intersectorielles et de l’étroitesse de
la gamme de produits échangés entre pays, la coopération dans les communautés
économiques n’a eu qu’une incidence négligeable sur la croissance de la production, de la
productivité et de la valeur ajoutée.
De façon générale, le commerce intra-communautaire de
produits manufacturés est faible (entre 2 et 7%).
L’essentiel des échanges continuent, à ce
niveau aussi, à se faire avec l’extérieur.
Sur le plan monétaire et financier, on note que les
marchés régionaux financiers ne sont pas encore assez développés.
Si un embryon de
communauté monétaire existe en Afrique de l’Ouest avec l’UEMOA, bon nombre d’États ont
conservé leur monnaie nationale.
Par ailleurs, la diversité de ces monnaies nationales,
paradoxalement inconvertibles en Afrique, rend difficiles les échanges, les investissements
transfrontaliers et l’activité économique en général.
Au niveau de la coopération judiciaire, on constate une appropriation approximative du droit
communautaire par les juridictions nationales.
Cette appropriation approximative s’explique
par les difficultés d’accès à la législation communautaire, les réticences de certaines
juridictions nationales à l’égard des normes communautaires et la collaboration limitée entre
les juridictions nationales et les juridictions communautaires.
Il faut ajouter à ce
tableau déjà sombre les conflits de compétence entre les hautes juridictions communautaires.
Ces conflits sont essentiellement dus à l’absence de hiérarchie et de passerelles entre ces
instances.
Ces lacunes sont autant de symptômes montrant qu’il y a un malaise dans
l’intégration africaine, malaise dont le motif le plus profond est le fait d’avoir confié, en
partie, l’intégration, cette entreprise noble, exaltante et porteuse d’espoir, aux dirigeants
politiques du continent.
C’est que l’intégration africaine ne peut se bâtir sur des fondements si
peu fermes.
II- DE LA FRAGILITÉ DE L’INTÉGRATION PAR LES DIRIGEANTS
POLITIQUES
L’intégration par les dirigeants politiques est ce qu’on appelle ‘‘intégration par le haut’’.
Elle
consiste à confier les rênes de l’intégration à la classe politique ; dirigeants politiques, leaders
d’opinions en sont considérés comme les acteurs privilégiés.
La physique aristotélicienne
distinguait, dans le changement dans la nature, quatre causes : la matière, ce dont la chose est
faite ; la forme, le principe d’organisation de la matière ; la cause efficiente, l’être qui réalise
la forme et la cause finale, ce en vue de quoi la chose est faite.
Celle lecture peut s’appliquer à
‘‘l’intégration par le haut’’.
La matière est la kyrielle d’États, hérités de la colonisation, et la
mosaïque de cultures africaines, témoin d’un passé qui n’a rien d’humiliant et augure d’un
avenir prometteur, quoique quelque peu compromis ; la forme est l’ensemble des structures et
organismes visant l’intégration du continent ; la cause efficiente les dirigeants politiques et les
leaders d’opinions ; la cause finale l’intégration africaine.
L’intégration par le haut est surtout prônée par les panafricanistes.
Avant et après les
indépendances, un certain nombre de personnes parmi les élites africaines, convaincues, à
l’instar de Kwamé N’krumah, que pour sortir du sous-développement, l’Afrique doit s’unir,
rêvent d’une Afrique une et indivisible, sans frontières, dirigée par un seul chef.
Pour ces
panafricanistes, l’émiettement du continent étant la cause de ses problèmes économiques et de
sa faiblesse politique, la création d’une fédération regroupant tous les pays et fédérant les
ressources humaine et naturelle permettrait aux africains de se faire entendre sur la scène
mondiale.
Cette idée, à dire vrai, ne manque pas d’humanisme ; elle est une réponse au désir
de fraternité naturelle qui anime les peuples ayant traversé les mêmes épreuves.
Et les
épreuves, les africains en ont connues.
Traite négrière, invasions étrangères, colonisation,
néo-colonialisme, autant de brûlures qui ont jalonnées l’histoire du continent.
Et le cri de
cœur de N’krumah, L’Afrique doit s’unir, sonne comme un écho lointain de Prolétaires de
tous les pays, unissez-vous, de Karl Marx.
Si l’idée du panafricanisme séduit beaucoup de personnes, la traduire en acte, la faire passer
du monde des Idées à celui des existences, paraît cependant difficile.
À preuve, la Fédération
du Mali, regroupant....
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