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L'Homme et les animaux dans les sociétés traditionnelles d'Afrique noire

Publié le 16/08/2012

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Un autre facteur de disparition de ce mode de pensée est l’intrusion croissante d’une certaine modernité sous ses formes les plus négatives dans les communautés traditionnelles. Cette modernité apparaît ainsi sous la forme de conflits militaires et religieux, comme sous celle d’une expropriation des biens naturels dont dispose l’Afrique, tant au niveau de sa faune que de ses matières premières. Ainsi, les répercussions des conflits armés pour prendre le pouvoir dans un grand nombre de pays, la situation dans laquelle se trouve plongé le Darfour, ont des répercussions sur l’ensemble de ces pays, toujours instables, sujets à des famines que ne cherchent pas à enrayer nombre de dictateurs corrompus. Les militaires qui chassent en 4x4 à la mitraillette les animaux sauvages qu’ils rencontrent, et le braconnage qui vise par exemple le trafic d’ivoire ou de fourrures rares, détruisent la faune qui est au cœur des sociétés traditionnelles subsahariennes. La pollution causée par l’avidité de nombreuses entreprises, qui n’hésitent pas à recourir à une déforestation abusive dans leur recherche et extraction de matières premières, vient accentuer cette destruction progressive de la faune africaine. Or, puisque l’animal est au cœur du système de pensée traditionnel africain, la mort de la faune d’Afrique, c’est la mort de ses cultures traditionnelles. Enfin, l’exode rural entrainé par l’attraction des grandes villes tend à dépeupler ces communautés de leurs jeunes individus, qui cherchent un avenir dans un milieu urbain où l’animal occupe une place inférieure et désacralisée.

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« Tabouret en forme d'éléphant Les masques d'animaux jouent également un rôle majeur dans les rites culturels de nombreuses sociétés traditionnelles africaines, comme on le verra.

De même, lalittérature orale est exclusivement constituée de contes mettant en scène des animaux.

Ceux-ci, personnifiés, représentent les humains, et parlent et agissent commeeux.

Comme nos fables, la fonction de ces contes animaliers est avant tout morale et concerne les comportements humains ainsi que les relations sociales.L'art et la littérature orale révèlent donc la fascination exercée par les animaux sur les cultures traditionnelles africaine, fascination dont l'influence, de fait, déterminetoute l'organisation de ces sociétés, tant d'un point de vue identitaire et social que religieux. L'animal, être inséparable de l'homme, et au rôle socioreligieux majeur  Un être au centre des mythes fondateurs et de la vie quotidienne Les rapports qu'entretiennent les communautés traditionnelles africaines avec les animaux sont aussi multiples qu'indispensables à leur organisation et à leurperpétuation.

Ainsi, la majorité de ces sociétés ont un animal qui constitue ce qu'on pourrait appeler leur « totem », si ce terme n'avait pas la connotation réductrice etcondescendante qu'on lui prête souvent.

Cet animal, qui varie d'un clan à un autre, est une affirmation de leur identité respective.

Le choix de cet animal est toujoursexpliqué par un mythe fondateur, second pan, majeur, de la littérature des cultures traditionnelles.

Ces récits, qui racontent la rencontre légendaire entre l'ancêtrefondateur et son animal protecteur, doivent être crus par le conteur et l'auditeur, y compris dans ses moments surnaturels.

Les nombreuses précisions géographiqueset chronologiques qui y sont insérées viennent renforcer ce côté véridique.

Leur fonction n'est pas morale mais historique : l'important est que l'auditeur y croie.

Dansces mythes, l'ancêtre fondateur du clan est généralement sauvé, protégé, ou bien épargné par un animal sauvage, comme le lion, l'autruche, le corbeau, la gazelle...Cet animal protecteur est alors considéré comme la « grand-mère » du clan, l'ancêtre comme le « grand-père ».

Les descendants de cet ancêtre doivent perpétuer lesliens - presque des liens de parenté - alors créés entre lui et son animal protecteur, ce qui entraîne un certain nombre d'interdits et de rituels, représentatifs de l'identitédu clan.

Des amulettes ou des bijoux, à l'effigie de l'animal protecteur, peuvent symboliser ce lien qu'entretient l'homme avec lui. Totem africain en forme d'oiseau : le visage humain sculpté sur son corps montre que l'homme est inséparable de son animal-totem On peut prendre, parmi les multiples exemples que nous offrent les différentes cultures africaines, celui particulièrement original de l'autruche des Imogu du Tchad.D'après Hatim Ngarama, chef de ce clan en 1957, dont les propos sont rapportés par Marie-José Tubiana, écrivain qui a beaucoup voyagé en Afrique, les Imoguappartenaient au clan Genigergera.

Tous furent un jour massacrés par les Waddayens, et seule une femme, enceinte, fut épargnée et faite captive.

Elle parvint às'échapper et accoucha en route d'un garçon.

Assoiffée, elle le laissa pour aller se désaltérer et, rapporte Hatim Ngarama, en revenant vers son fils, elle vit qu' « uneautruche avait déployé ses ailes au-dessus du nouveau-né pour lui faire de l'ombre.

A son arrivée, l'autruche s'éloigna laissant l'enfant sain et sauf.

» C'est pourquoiles Imogu ne chassent pas l'autruche et ne mangent ni sa viande ni ses œufs ; ils n'utilisent pas non plus ses plumes pour confectionner des éventails comme les autresclans.

Quand ils se retrouvent face à une autruche, ils se tiennent immobiles, respectueux, pour ne pas l'effrayer.

D'après eux, s'ils mangeaient sa viande ou ses oeufs,leur corps se recouvrirait de boutons, ou leurs dents tomberaient.

De plus, la place de l'autruche est centrale dans leurs rites de mariage et rituels de fertilité.

Quandun Imogu se marie, lui et ses compagnons dansent imo-kurun, « le jeu de l'autruche », qui imite de manière chorégraphique la manière dont les autruches se font lacour dans la brousse.

De plus, l'Imogu qui ne danse pas imo-kurun quand un Imogu se marie aura des maux de tête! Dans les rituels de fertilité, le chef des Imogu serendait sur la montagne Darba, leur mont sacré, costumé en autruche, afin de rendre à leur Dieu - Imo - des sacrifices devant amener la pluie et la fertilité.

Tous cesexemples montrent parfaitement comment des liens de parentés entre un clan et son animal protecteur sont affirmés et perpétués. Un être qui sert d'exemple et auquel on s'identifie On voit donc que les hommes, dans les sociétés traditionnelles africaines, n'hésitent pas à s'identifier à certains animaux.

De plus, dans la majorité de ces sociétés, ilexiste des identifications aux animaux tout aussi cruciales, bien qu'elles ne soient pas aussi directes que dans le contexte du totémisme.

Ces identifications à desanimaux peuvent être par exemple un support du savoir.

Ainsi, chez les Bamana du Mali, la connaissance est progressivement diffusée au sein de différentes sociétésd'initiation.

Dans la société du n'domo, première section de diffusion des connaissances, les initiés sont appelés les lions ; lors de leurs sorties, ils emportent unrhombe, instrument de musique troué de manière à produire, une fois lancé en l'air, un son qui évoque le rugissement.

Plus tard, ils retrouveront le lion sous la formed'un masque. Masque Banama représentant une tête de lion En effet, le lion est pour les Banama un modèle récurrent de ceux qui doivent progresser toute leur vie : Dominique Zahan, ethnologue spécialisé dans les traditionsdes communautés africaines, explique que de même que le lion se sert de ses griffes puissantes « pour gratter le sol et déchirer sa proie, de même l'homme creuse avecson esprit les mystères du monde, pour atteindre à la vérité.

» Une identification parfois fusionnelle L'identification à un animal peut également être un attribut de puissance.

Parfois, cette identification dépasse le simple symbolisme pour devenir totale, presquecharnelle et spirituelle.

C'est d'abord le cas au sein des nombreuses sociétés secrètes qui se trouvent dans les grandes aires culturelles d'Afrique : c'est le cas descélèbres hommes-léopards de Côte-d'Ivoire et du Nigéria, opprimés pendant l'époque coloniale, mais aussi des hommes-lions et des hommes-crocodiles du Tchad, parexemple.

En ce qui concerne les hommes-léopards, indépendamment de leur déguisement fait de peau de léopard et de leur arme destinée à imiter les griffures del'animal, la relation qu'ils entretiennent avec le léopard est profondément spirituelle.

Bony Guiblehon, chercheur ivoirien qui s'est longuement intéressé à la sociétédes hommes-panthères, décrit le rituel qui permet au néophyte de devenir un véritable homme-panthère : le maître initiateur, la « panthère », saute sur sa « victime »et feint de la frapper à mort, puis, ôtant soudainement son déguisement, lui dit : « Maintenant regarde bien la panthère.

», c'est-à-dire « Regarde ce que tu esmaintenant.

» L'initié boit alors une mixture dans une corne et est menacé de mort s'il révèle ce rituel.

Le déguisement ne suffit donc pas, et il s'agit presque d'unemétamorphose, de l'apparition d'un être nouveau, « homme-panthère ».

La distinction entre l'homme et l'animal n'a pour eux aucun sens.

Dans une identificationencore plus radicale, les Babembe du Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo, sont organisés hiérarchiquement, en dix grades, tous associés à unanimal, allant de la chèvre noire, en bas de l'échelle, au léopard, le sommet. Le roi Mbopey Mabiintsch (région de Mushenge, République démocratique du Congo, période de règne : 1939 à 1969), qui possèderait la capacité de se transformer. »

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