L'existence et la dialectique par Maurice Merleau-Ponty Professeur au Collège de France On connaît le malaise de l'écrivain quand il lui est demandé de faire l'histoire de ses pensées.
Publié le 05/04/2015
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L'existence et la dialectique par Maurice Merleau-Ponty Professeur au Collège de France On connaît le malaise de l'écrivain quand il lui est demandé de faire l'histoire de ses pensées. Le malaise est à peine moindre quand il faut que nous résumions nos contemporains célèbres. Nous ne pouvons pas les dégager de ce que nous avons appris en les lisant, ni des " milieux " qui ont accueilli leurs livres et les ont faits célèbres. Il faudrait deviner ce qui compte maintenant que cette rumeur s'est tue, ce qui comptera demain pour les nouveaux lecteurs, s'il y en a, pour ces étrangers qui vont venir, se saisir des mêmes livres, et en faire autre chose. Il y a peut-être une phrase, écrite un jour dans le silence du XVIe arrondissement, dans le silence pieux d'Aix, dans le silence académique de Fribourg, ou dans le fracas de la rue de Rennes, ou à Naples ou au Vésinet, que les premiers lecteurs ont " brûlée " comme une station inutile, et à laquelle ceux de demain vont s'arrêter : un nouveau Bergson, un nouveau Blondel, un nouveau Husserl, un nouvel Alain, un nouveau Croce, que nous ne pouvons pas imaginer. Ce serait distribuer nos évidences et nos questions, nos pleins et nos vides comme ils seront distribués dans nos neveux, ce serait nous faire autres nous-mêmes, et toute " l'objectivité " du monde ne va pas jusque-là. En désignant comme essentiels, dans le demi-siècle passé, les thèmes de l'existence et de la dialectique, nous disons peut-être ce qu'une génération a lu dans sa philosophie, non pas sans doute ce que la suivante y lira, et encore bien moins ce que les philosophes dont il s'agit ont eu conscience de dire. C'est pourtant un fait, pour nous, qu'ils ont tous travaillé, même ceux qui y tenaient le plus, à dépasser le criticisme, et à dévoiler, au-delà des relations, ce que Brunschvicg appelait " l'incoordonnable " et que nous appelons l'existence. Quand Bergson faisait de la perception le mode fondamental de notre relation avec l'être, quand Blondel se proposait de développer les implications d'une pensée qui, en fait, se précède toujours, est toujours au-delà d'elle-même, quand Alain décrivait la liberté appuyée sur le cours du monde comme un nageur sur l'eau qui le retient et qui est sa force, quand Croce replaçait la philosophie au contact de l'histoire, quand Husserl prenait pour type de l'évidence la présence charnelle de la chose, tous remettaient en...
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