L'Europe de Versailles et de Genève par Ladislas Mysyrowicz Professeur à la Faculté des Lettres de Genève L'Europe de Versailles et de Genève n'est pas sans rappeler ces effets de fondu enchaîné où une image nouvelle se substitue progressivement à une autre qui s'efface.
Publié le 05/04/2015
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L'Europe de Versailles et de Genève par Ladislas Mysyrowicz Professeur à la Faculté des Lettres de Genève L'Europe de Versailles et de Genève n'est pas sans rappeler ces effets de fondu enchaîné où une image nouvelle se substitue progressivement à une autre qui s'efface. L'historien, pour sa part, est sans doute tenté de clarifier le tableau et de remplacer cette double perception par une vision nette des choses. Peine perdue. La vérité de l'époque réside dans son ambiguïté radicale. L'entre-deux-guerres ne fut pas seulement une espèce de temps mort entre deux actes sanglants. Ces années intérimaires furent aussi des années transitoires entre deux mondes. Tout particulièrement pendant la décennie 1919-1929, ont coexisté, superposées, les lourdes survivances du siècle révolu et l'ébauche de notre présent. Dans cette Europe des années 20, tout est donc équivoque : les principes, les frontières, les rapports de force même. Au demeurant, quelle est alors la place de l'Europe dans le monde ? Certes, l'épouvantable confit mondial l'a déchue de sa suprématie politique et matérielle. A tel point que le thème de la décadence de l'Occident devient un lieu commun journalistique. L'Europe d'après-guerre se complaît en des visions d'Apocalypse où elle fait volontiers jouer à l'Orient le rôle d'ange exterminateur. L'Europe, minuscule cap au bout de l'Asie : telle est la formule nouvellement consacrée. Et pourtant cette Europe naine, et qui s'imagine pouvoir être écrasée entre le géant américain et la multitude asiatique, occupe encore, presque à elle seule, tout le devant de la scène internationale. Car dès 1920, le Nouveau Monde se replie sur lui-même tandis que le Japon se cantonne dans sa sphère d'influence en Extrême-Orient. Le troisième Grand - le Royaume-Uni - a lui aussi tendance à s'isoler au sein d'un empire qui commence, certes, à se fissurer, mais qui vient néanmoins d'atteindre son apogée territoriale en s'emparant de la meilleure part des dépouilles de l'Empire ottoman au Proche-Orient, et des colonies allemandes en Afrique. Sur le continent européen, deux pays seulement ont reçu, lors des négociations de paix, un statut qui les met théoriquement de pair avec les États-Unis d'Amérique, avec le Japon et la Grande-Bretagne. Deux États latins : la France et l'Italie. Pour cette dernière, il s'agit d'une reconnaissance factice et pour ainsi dire protocolaire. Mesuré à l'échelle du globe, le poids spécifique de la péninsule est dérisoire. Aussi, lors du grand marchandage de 1919, les représentants des véritables puissances victorieuses, tout en affectant de la traiter sur un pied d'égalité, n'ont prêté qu'une oreille distraite à ses revendications territoriales. D'autant que les troupes italiennes n'ont guère brillé sur les champs de bataille. Sans doute les Grands eussent mieux fait d'écarter purement et simplement cet intrus de leur aréopage, au lieu de le gratifier d'un statut si dangereusement illusoire. L'Italie s'estime en effet atrocement ...
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