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Les Trois Mousquetaires Chapitre XXXV La nuit tous les chats sont gris Alexandre Dumas Ce soir, attendu si impatiemment par Porthos et par d'Artagnan, arriva enfin.

Publié le 05/04/2015

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Les Trois Mousquetaires Chapitre XXXV La nuit tous les chats sont gris Alexandre Dumas Ce soir, attendu si impatiemment par Porthos et par d'Artagnan, arriva enfin. D'Artagnan, comme d'habitude, se présenta vers les neuf heures chez Milady. Il la trouva d'une humeur charmante ; jamais elle ne l'avait si bien reçu. Notre Gascon vit du premier coup d'oeil que son billet avait été remis, et ce billet faisait son effet. Ketty entra pour apporter des sorbets. Sa maîtresse lui fit une mine charmante, lui sourit de son plus gracieux sourire ; mais, hélas ! la pauvre fille était si triste, qu'elle ne s'aperçut même pas de la bienveillance de Milady. D'Artagnan regardait l'une après l'autre ces deux femmes, et il était forcé de s'avouer que la nature s'était trompée en les formant ; à la grande dame elle avait donné une âme vénale et vile, à la soubrette elle avait donné le coeur d'une duchesse. À dix heures Milady commença à paraître inquiète, d'Artagnan comprit ce que cela voulait dire ; elle regardait la pendule, se levait, se rasseyait, souriait à d'Artagnan d'un air qui voulait dire : Vous êtes fort aimable sans doute, mais vous seriez charmant si vous partiez ! D'Artagnan se leva et prit son chapeau ; Milady lui donna sa main à baiser ; le jeune homme sentit qu'elle la lui serrait et comprit que c'était par un sentiment non pas de coquetterie, mais de reconnaissance à cause de son départ. " Elle l'aime diablement ", murmura-t-il. Puis il sortit. Cette fois Ketty ne l'attendait aucunement, ni dans l'antichambre, ni dans le corridor, ni sous la grande porte. Il fallut que d'Artagnan trouvât tout seul l'escalier et la petite chambre. Ketty était assise la tête cachée dans ses mains, et pleurait. Elle entendit entrer d'Artagnan, mais elle ne releva point la tête ; le jeune homme alla à elle et lui prit les mains, alors elle éclata en sanglots. Comme l'avait présumé d'Artagnan, Milady, en recevant la lettre, avait, dans le délire de sa joie, tout dit à sa suivante ; puis, en récompense de la manière dont cette fois elle avait fait la commission, elle lui avait donné une bourse. Ketty, en rentrant chez elle, avait jeté la bourse dans un coin, où elle était restée tout ouverte, dégorgeant trois ou quatre pièces d'or sur le tapis. La pauvre fille, à la voix de d'Artagnan, releva la tête. D'Artagnan lui-même fut effrayé du bouleversement de son visage ; elle joignit les mains d'un air suppliant, mais sans oser dire une parole. Si peu sensible que fût le coeur de d'Artagnan, il se sentit attendri par cette douleur muette ; mais il tenait trop à ses projets et surtout à celui-ci, pour rien changer au programme qu'il avait fait d'avance. Il ne laissa donc à Ketty aucun espoir de le fléchir, seulement il lui présenta son action comme une simple vengeance. Cette vengeance, au reste, devenait d'autant plus facile, que Milady, sans doute pour cacher sa rougeur à son amant, avait recommandé à Ketty d'éteindre toutes les lumières dans l'appartement, et même dans sa chambre, à elle. Avant le jo...
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« avait jeté la bourse dans un coin, où elle était restée tout ouverte, dégorgeant trois ou quatre pièces d'or sur le tapis. La pauvre fille, à la voix de d'Artagnan, releva la tête.

D'Artagnan lui-même fut effrayé du bouleversement de son visage ; elle joignit les mains d'un air suppliant, mais sans oser dire une parole. Si peu sensible que fût le c œur de d'Artagnan, il se sentit attendri par cette douleur muette ; mais il tenait trop à ses projets et surtout à celui-ci, pour rien changer au programme qu'il avait fait d'avance.

Il ne laissa donc à Ketty aucun espoir de le fléchir, seulement il lui présenta son action comme une simple vengeance. Cette vengeance, au reste, devenait d'autant plus facile, que Milady, sans doute pour cacher sa rougeur à son amant, avait recommandé à Ketty d'éteindre toutes les lumières dans l'appartement, et même dans sa chambre, à elle.

Avant le jour, M.

de Wardes devait sortir, toujours dans l'obscurité. Au bout d'un instant on entendit Milady qui rentrait dans sa chambre.

D'Artagnan s'élança aussitôt dans son armoire.

À peine y était-il blotti que la sonnette se fit entendre. Ketty entra chez sa maîtresse, et ne laissa point la porte ouverte ; mais la cloison était si mince, que l'on entendait à peu près tout ce qui se disait entre les deux femmes. Milady semblait ivre de joie, elle se faisait répéter par Ketty les moindres détails de la prétendue entrevue de la soubrette avec de Wardes, comment il avait reçu sa lettre, comment il avait répondu, quelle était l'expression de son visage, s'il paraissait bien amoureux ; et à toutes ces questions la pauvre Ketty, forcée de faire bonne contenance répondait d'une voix étouffée dont sa maîtresse ne remarquait même pas l'accent douloureux, tant le bonheur est égoïste. Enfin, comme l'heure de son entretien avec le comte approchait, Milady fit en effet tout éteindre chez elle, et ordonna à Ketty de rentrer dans sa chambre, et d'introduire de Wardes aussitôt qu'il se présenterait. L'attente de Ketty ne fut pas longue.

À peine d'Artagnan eut-il vu par le trou de la serrure de son armoire que tout l'appartement était dans l'obscurité, qu'il s'élança de sa cachette au moment même où Ketty refermait la porte de communication. “ Qu'est-ce que ce bruit ? demanda Milady. — C'est moi, dit d'Artagnan à demi-voix ; moi, le comte de Wardes.. »

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