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Les Lettres soviétiques par Georges Adamovitch La littérature dite soviétique a moins d'un siècle d'existence.

Publié le 05/04/2015

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Les Lettres soviétiques par Georges Adamovitch La littérature dite soviétique a moins d'un siècle d'existence. Or, en ce laps de temps relativement court, elle a subi tant de changements, aussi bien dans ses tendances que dans son aspect général, qu'il serait vain de vouloir la présenter comme un ensemble cohérent. On ne pourrait le réussir qu'en brossant un tableau plus conforme à quelques schémas préconçus qu'à la réalité. Bien entendu, cela a été, dès les premiers jours de la Révolution, une littérature " engagée ". Toutefois, nul n'allait à l'époque jusqu'à confondre cet engagement avec une docilité intellectuelle totale envers les nouveaux dirigeants, docilité admise peu d'années plus tard. Certes, le fait même de la révolution ne se discutait pas. Les premiers écrivains soviétiques reconnaissaient son caractère de fatalité historique et le justifiaient sans hésitation. Quelques-uns d'entre eux, bien qu'issus des couches bourgeoises, étaient même pleins d'enthousiasme. Mais ils se considéraient libres dans l'interprétation de ce fait et croyaient de leur droit de présenter des suggestions, sinon des objections. Des observateurs parmi les plus perspicaces affirment avec insistance que la nouvelle jeunesse soviétique se sent plus proche de la génération qui a fait la révolution, ou du moins en a été témoin, que de celle qui n'a plus connu que le silence et la terreur. Les affinités dont ils parlent doivent pourtant avoir des strictes limites et se borner à un vague besoin d'affranchissement. La jeunesse de 1917 et des années 20 allait de l'avant et admettait la nécessité des sacrifices en vue d'un avenir peut-être lointain, mais radieux. Les lendemains ne " chantent-ils " plus maintenant ? Si, mais la mélodie en est tout autre. C'est plutôt un chant de retour, non pas vers des formes sociales abolies et oubliées, mais vers une sorte de répit après des années de tension inouïe, et notamment vers la sécurité personnelle, le bien-être, voire la joie de vivre, dont l'image et la notion ont été trop longtemps faussées. Boris Pasternak avait fait parler son pauvre docteur Jivago de " l'inhumaine tyrannie de l'arbitraire ". La formule est heureuse et semble résumer ce dont ne veulent plus les nouveaux jeunes. C'est sûrement à ce refus de l'arbitraire que tels jeunes poètes doivent leur rayonnement actuel et leur vaste audience. Un événement littéraire important s'était produit au début de l'ère révolutionnaire. En 1918 peu après le soulèvement d'Octobre, Alexandre Blok fit paraître son fameux poème Les Douze. L'effet en fut foudroyant. Personne à l'époque ne discutait à Blok la place de premier poète du siècle, et que cet héritier de Pouchkine ait pu évoquer le Christ marchant à la tête d'un détachement de gardes rouges parut inconcevable à ses admirateurs. Mais la jeunesse en sa grande majorité en fut émue et séduite. Le gouvernement lui aussi, après quelques réticences, adopta une attitude favorable. Trotski parla avec sympathie teintée de condescendance d'un poète malheureusement encore visionnaire et mystique, mais qui s'était jeté avec fougue - rvanoulsia, en russe - au-devant de la révolution sociale. Lénine, quant à lui, ...

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