L'Empereur Maurice régna de 582 à 602 L'Empereur Justinien Ier (527-565) léguait
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
«
ne liait pas l'action militaire à une diplomatie de grande envergure.
Sa vision du monde est
un mélange de grandeur et de réalisme ; c'est le grand Empire de Constantin réadapté à
une nouvelle géographie politique.
À preuve le testament de 597, qui eût donné à son fils
aîné, Théodose, l'Orient avec Constantinople, et à son second fils, Tibère, l'Occident avec
Rome ; étrange projet, qui veut peut-être sauver l'Occident et qui consacre en même temps
le droit d'aînesse de Constantinople.
À preuve encore la résistance, ferme mais sans éclats,
que l'empereur oppose aux protestations du pape Grégoire le Grand contre le titre de
“ patriarche œ cuménique ” que Jean le Jeûneur tient pourtant d'un siècle de tradition :
Maurice ne veut pas sacrifier Constantinople à Rome, mais il ne veut pas d'un schisme.
L'Orient est désormais prioritaire.
Le traité onéreux par lequel Justinien avait voulu se
débarrasser des Perses a été dénoncé en 562.
La guerre qui reprend alors dure en fait
jusqu'à l'écrasement de la Perse sassanide par Héraclius, un demi-siècle plus tard.
De 583
jusqu'à la conclusion d'une paix, en 591, que l'on espère définitive, les généraux de
Maurice (Philippicus, Priscus, Héraclius, Narsès) mènent de rudes combats en
Mésopotamie contre les troupes d'Hormizd IV.
Mais ce conflit traditionnel est renouvelé
par un souffle de croisade : “ vertu ” romaine et piété chrétienne n'ont jamais été si
étroitement conjuguées.
Philippicus, en 586, présente à ses troupes une image du Christ
“ acheiropoïète ” (non faite de main d'homme) ; on imagine que Khosrô II, fils d'Hormizd
IV, se rapproche du christianisme ; Maurice lui-même devient un saint dans la légende
arménienne.
L'histoire nous le montre plus habile que zélé : contre l'avis du Sénat, il
favorise de tout son pouvoir la restauration de Khosrô II, évincé par l'usurpateur Bahram
et venu confier sa cause à son frère ennemi, l'empereur des “ romains ”.
Il l'adopte même
comme son fils, s'inspirant d'un geste d'Arcadius.
Solidarité des princes légitimes ?
Alliance équivoque en tout cas, puisque Khosrô II envahira l'empire en 602 “ pour venger
le meurtre de Maurice ”.
La paix de 591 n'en est pas moins un grand succès, la voie ouverte
à une solution orientale équilibrée et heureuse, dans laquelle des pays sacrifiés comme
l'Arménie et la Géorgie trouvent une place et un possible épanouissement.
Sur un point, Maurice paraît avoir manqué de perspicacité : en faisant exiler Al-Moundhir,
qui, à la tête de ses tribus nomades, arabes et christianisées, gardait la frontière
syro-palestinienne, il favorisa sans doute les premiers succès de l'expansion islamique sous
Héraclius.
L'Occident n'est pas négligé.
Maurice est même l'un des derniers empereurs qui aient eu
une politique occidentale cohérente.
Mais sans moyens suffisants.
Il ne peut guère engager
de troupes ; pas même en Italie où les Lombards ont fait irruption en 568, menaçant
désormais Rome et les possessions byzantines.
L'idée est de mobiliser les Francs
mérovingiens contre ces envahisseurs non assimilables.
On donne 50 000 solidi à
Childebert II d'Austrasie pour qu'il se mette en campagne contre les Lombards de Pavie ;
on tente aussi de rallier les Francs désunis à un bâtard de Clotaire réfugié à
Constantinople : c'est relancer la politique “ théodoricienne ”, c'est mettre au point un
sauvetage de l'Italie que réaliseront Pépin et Charlemagne — sans Byzance.
Mais le coup
de génie de Maurice fut de trouver pour administrer les territoires occidentaux une
formule correspondant au nouvel état des choses : les exarchats de Ravenne pour l'Italie et
de Carthage pour l'Afrique rompent avec le découpage en provinces “ romaines ” et avec
le principe de la division des pouvoirs civils et militaires.
C'est une administration d'état.
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