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L'École de Paris par Jean Cassou Musée National d'Art Moderne, Paris L'art de

Publié le 05/04/2015

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L'École de Paris par Jean Cassou Musée National d'Art Moderne, Paris L'art de la sculpture a un caractère primaire, sinon primitif : il élève ses idoles dans l'espace de la même sorte que nous nous y tenons nous-mêmes, et les animaux et les arbres et les choses et la chose ou l'être que l'idole prétend représenter. C'est le premier acte magique, la première opération de l'homme démiurgique. Ce qui existe, ce qu'il voit autour de lui devient un modèle ; ce qui a été créé, il le crée à son tour en une exacte duplication, en une totale identité. Peindre est une opération plus élaborée, et par quoi l'homme ne se veut plus dieu, mais s'affirme homme et fait appel aux ressources de son esprit. Cette affirmation, il semble que la peinture moderne l'ait portée à son comble ; celle-ci a manifesté la plus extrême volonté de transposition, elle a proclamé la plus complète domination de l'esprit sur la nature. Aussi ses récentes révolutions ne pouvaient-elles laisser d'inquiéter la sculpture. Celle-ci, à qui sa nature même imposait de situer obstinément ses figures dans l'espace à trois dimensions, notre espace organique, naturel, réel, celui de notre pratique quotidienne, ne pouvait que tourner des regards d'envie vers le monde à deux dimensions dans lequel il semblait si aisé à la peinture de risquer ses fières spéculations intellectuelles, ses prestiges, ses artifices. Enfin, lorsque la peinture inventa le cubisme, la sculpture n'y put tenir et, renonçant à sa primitive et traditionnelle facilité, se chercha des obstacles à vaincre et tenta à son tour de créer des images où la nature ne se reconnût point et où l'esprit se satisfît. On voit une révolution de cette sorte s'accomplir, aussi radicale, aussi cartésienne, lorsqu'une discipline humaine, s'émancipant de toute imitation, c'est-à-dire de toute soumission à ce qui n'est pas elle-même, revient à elle-même et à sa propre définition. C'est ce qu'avait fait la peinture en retournant à ses principes, à l'austère examen de ce qui la constitue, lignes et couleurs. Ainsi fit la sculpture, se dégageant de la trop élémentaire obligation où elle s'était tenue de reproduire dans l'espace tel modèle situé dans l'espace, et se ramenant à une stricte acceptation de ses moyens spécifiques et à sa vocation essentielle d'organiser, sans détermination qualificative et nominale, des masses, des pondérations, des résistances, des structures, des mouvements, des ombres, des lumières. Enfin, il s'est agi pour elle d'appliquer toute sa considération à ce qui est du ressort même de l'ouvrier faisant son oeuvre : le matériau employé, qui a son caractère propre, sa volonté, ses lois, et les impose au monument avant le titre inscrit sur la base du monument. Car c'est le marbre ou la diorite qui, en fin de compte, l'emporteront et donneront au monument sa signification. Une telle contrainte, un tel retrait sur soi, une telle simplification et ce qui pourrait apparaître comme un appauvrissement, c'est cela qui a ouvert à la

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