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Le Saint-Empire et l'Europe Centrale par Adam Wandruszka Professeur à l'Université de

Publié le 05/04/2015

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Le Saint-Empire et l'Europe Centrale par Adam Wandruszka Professeur à l'Université de Vienne Dans le Saint-Empire comme dans le reste de l'Europe, le grand thème politique des trois premiers siècles des temps modernes, depuis la découverte de l'Amérique et la Réforme protestante jusqu'à la Révolution française et la dissolution du Saint-Empire, fut la lutte menée pour imposer un État moderne, centraliste et bureaucratique. C'était la lutte pour la souveraineté entre d'un côté le Prince et de l'autre les assemblées représentatives des " États ", dont la majeure partie était aristocratique. Ce combat devait décider qui détiendrait la souveraineté et par là même deviendrait le pionnier de l'État moderne : serait-ce la couronne (comme ce fut par la suite le cas en France, en Espagne, en Prusse, en Autriche, en Russie et dans la plupart des États du continent européen) ou bien les " pouvoirs intermédiaires ", avec à leur tête l'aristocratie féodale (comme cela se passa en Angleterre, en Pologne, en Hongrie, aux Pays-Bas et - du moins passagèrement au XVIIIe siècle - en Suède). La particularité de cette évolution en Allemagne et en Europe centrale, qui en fait paraître l'histoire si embrouillée et si difficilement compréhensible aujourd'hui, est que la lutte s'y déroula sur deux plans superposés, qui s'influençaient réciproquement. Sur le plan du Saint-Empire s'opposaient " l'empereur " et " l'Empire ", c'est-à-dire la totalité des États de l'Empire représentés à la Diète, depuis les princes-électeurs jusqu'aux villes et abbayes libres d'Empire (et il y eut même des villages libres impériaux). Mais sur le plan inférieur, les plus grands des États, les princes-électeurs et les princes territoriaux - représentants du principe monarchique et de l'absolutisme princier - se trouvaient face à d'autres " pouvoirs intermédiaires ", c'est-à-dire aux diètes ou États de leurs propres territoires. En outre, une position juridique ne coïncidait pas toujours avec une puissance réelle et une importance politique. Les grands seigneurs féodaux tchèques, même après la bataille de la Montagne Blanche (1620), étaient de loin plus puissants et plus riches que la foule des comtes et chevaliers " souverains " d'Empire dans la partie occidentale de l'Empire, qui étaient pourtant représentés à la Diète et se trouvaient ainsi au même niveau que les princes-électeurs (et par conséquent le roi de Bohême lui-même). Les capitales des grands territoires comme Vienne (qui, de plus, était la résidence de l'empereur et des autorités suprêmes de l'Empire), comme Munich, Dresde, Hanovre ou plus tard Berlin, étaient bien plus riches et bien plus importantes que les nombreuses petites " villes libres " de l'Ouest de l'Empire. Mais, à la différence de ces capitales de territoires princiers, les petites villes libres furent représentées au congrès de paix de Westphalie, même si elles étaient obligées, pour envoyer un représentant à la Diète, de s'associer à d'autres " bourgades libres ". Ces circonstances particulières furent renforcées et conservées parce que, dans l'Empire, l'évolution vers l'État moderne s'accomplissait justement sur le plan des princes territoriaux de l'Empire. La première décision dans ce sens fut prise à la Diète d'Augsbourg en 1555, lorsque l'empereur Ferdinand Ier et les États, protestants et catholiques, décidèrent d'un commun accord que le droit au libre choix de la religion pour eux-mêmes comme pour leurs sujets, devait appartenir aux États de l'Empire - par conséquent, avant tout, aux princes territoriaux. Pendant plus d'un demi-siècle, on se disputa et pendant presque une moitié de siècle on se battit, armes en main, pour l'interprétation et la réalisation de ces décisions. Mais finalement, dans le traité de paix de Westphalie (1648), ce principe - que l'on formula d'une façon lapidaire cujus regio, ejus religio - fût reconnu définitivement par tous les partis et confirmé par la souveraineté solennelle des princes, garantie internationalement. Aussi les Habsbourg ne purent-ils imposer leurs efforts absolutistes que dans leurs pays héréditaires, mais point dans l'Empire. Celui-ci, jusqu'à sa fin, resta sur le plan juridique, un empire électif (comme la Pologne, " république couronnée "), même si la " couronne de Charlemagne " demeura dans la même famille depuis la moitié du XVe siècle jusqu'à l'extinction de la ligne masculine des Habsbourg avec Charles VI en 1740, et ensuite, après l'interruption que représente le bref passage de l'empereur-fantôme Charles VII de Wittelsbach, l'élection de François-Étienne de Lorraine en 1745 rétablit la tradition jusqu'à la fin du Saint-Empire sous le règne de François II, en 1806. Jusqu'à la paix de Westphalie - et surtout pendant les trente années de guerre entre 1618 et 1648 - des publicistes et des juristes disputaient, pour savoir si l'Empire était une monarchie (comme la France) ou une République de la noblesse (comme la Pologne), si la souveraineté reposait sur " l'empereur " ou sur " l'Empire " (c'est-à-dire sur le Reichstag, la Diète d'Empire). Après 1648, le grand juriste Samuel Pufendorf appela l'Empire monstro simile (ressemblant à un monstre), parce qu'il n'entrait pas dans les catégories aristotéliciennes : monarchie, aristocratie, démocratie, et ne pouvait être défini par celles-ci. Il serait pourtant inexact de vouloir tenir le Saint-Empire dans la dernière phase de son existence pour un " mort-vivant ", comme le faisait l'historiographie du XIXe siècle parce qu'elle était orientée entièrement vers l'idéal de l'unité nationale, de l'État fort et autoritaire. Certes, la " constitution séculaire de l'Empire " glorifiée par ses défenseurs et ses interprètes qu'étaient les...
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