Le Proche-Orient dans l'après-guerre par Arnold Hottinger Correspondant de la Neue Zürcher Zeitung L'évolution du Proche-Orient après la Seconde Guerre mondiale peut se caractériser d'un mot : décolonisation.
Publié le 05/04/2015
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Le Proche-Orient dans l'après-guerre par Arnold Hottinger Correspondant de la Neue Zürcher Zeitung L'évolution du Proche-Orient après la Seconde Guerre mondiale peut se caractériser d'un mot : décolonisation. Il faut toutefois donner à cette notion un sens suffisamment large pour mesurer ce phénomène dans toute sa diversité et son ampleur. La décolonisation est davantage que le simple départ d'une puissance coloniale occidentale et de ses armées. Ce concept englobe également le renforcement de l'État ou du peuple autrefois colonisé, le développement de ses institutions, de son économie, de sa culture moderne. C'est alors que surgit une difficulté : le choc entre authenticité et modernité. En d'autres termes : la seconde phase de la décolonisation peut être qualifiée de constructive, puisqu'il s'agit de donner au nouvel État ou au nouveau peuple accès au monde d'aujourd'hui, de lui assurer la sécurité, de lui procurer une place économique aussi florissante que possible et un prestige international. Or, c'est dans cette seconde phase que naissent les oppositions entre la tradition du nouvel État et les exigences qui lui sont posées. La rébellion vis-à-vis de la puissance colonisatrice a presque toujours eu lieu sous le signe des valeurs originelles et des traditions ; le peuple s'élève contre l'étranger " colonialiste " au nom de son particularisme en tant que peuple, donc au nom de son origine et de ses traditions. Il est dès lors inévitable que l'Islam, grande puissance traditionnelle qui avait organisé et dominé la vie des peuples du Proche-Orient depuis des siècles, soit entraîné dans le processus politique qui inclut le soulèvement contre les colonisateurs. L'Islam fait partie des grandes forces traditionnelles au nom desquelles se fait la révolte " nationale ". Après le départ - volontaire ou à la suite d'une lutte de libération - du colonisateur et de ses troupes, intervient donc un nouveau chapitre. Le nouvel État qui s'était rebellé au nom de sa culture, de ses valeurs traditionnelles, de sa langue, de sa singularité et de sa différence, est alors obligé de se " moderniser ". Ce qui signifie dans la pratique : apprendre les techniques modernes dans tous les domaines et les appliquer avec succès, dans l'administration, l'enseignement, l'agriculture, l'industrie, les armements, la stratégie ; il n'est guère de domaine où la " modernisation " ne s'impose au jeune État indépendant comme une nécessité de plus en plus pressante. Il s'agit là pour l'essentiel d'un processus d'adaptation. Le mot " occidentalisation " souvent utilisé en Amérique décrit bien ce problème. L'adaptation suppose un nivellement. Il faut renoncer à soi pour introduire et apprendre l'inconnu. Le dilemme est que, d'une part, on veut rester soi-même, voire s'affirmer toujours davantage dans son particularisme, mais que, d'autre part, on est contraint d'adopter des méthodes de travail et de vie plus efficaces qu'il faut prendre chez les nations les plus puissantes de la planète. Celui qui ne le fait pas se condamne avec son peuple à la stagnation et probablement à une nouvelle colonisation. Mais celui qui le fait doit transformer sa propre société, la déraciner largement, la refondre, comme cela ne s'était jamais fait au temps de la domination coloniale ; ce n'était même pas concevable. Ainsi, la décolonisation débouche-t-elle sur un processus de réformes, lequel s'intensifie souvent jusqu'à devenir révolutionnaire. La nation qui s'était levée contre les colonisateurs au nom de ses anciennes valeurs se voit obligée de soumettre ses propres traditions et ses valeurs à une révision profonde et souvent radicale. L'acte suivant de la décolonisation s'intitule " modernisation " ; il aboutit souvent au troisième acte, le " révolutionnisme ". Les transformations radicales des grands corps sociaux sont naturellement des mécanismes ...
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