Le Masque de la Mort Rouge Traduction de Charles Baudelaire Edgar Allan Poe La Mort Rouge avait pendant longtemps dépeuplé la contrée.
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
«
dominant dans les décorations de la salle sur laquelle elle s'ouvrait.
Celle qui occupait
l'extrémité orientale, par exemple, était tendue de bleu, et les fenêtres étaient d'un bleu
profond.
La seconde pièce était ornée et tendue de pourpre, et les carreaux étaient
pourpres.
La troisième, entièrement verte, et vertes les fenêtres.
La quatrième, décorée
d'orange, était éclairée par une fenêtre orangée, la cinquième, blanche, la sixième,
violette.
La septième salle était rigoureusement ensevelie de tentures de velours noir qui
revêtaient tout le plafond et les murs, et retombaient en lourdes nappes sur un tapis de
même étoffe et de même couleur.
Mais, dans cette chambre seulement, la couleur des
fenêtres ne correspondait pas à la décoration.
Les carreaux étaient écarlates, d'une
couleur intense de sang.
Or, dans aucune des sept salles, à travers les ornements d'or éparpillés à profusion çà et
là ou suspendus aux lambris, on ne voyait de lampe ni de candélabre.
Ni lampes, ni
bougies ; aucune lumière de cette sorte dans cette longue suite de pièces.
Mais, dans les
corridors qui leur servaient de ceinture, juste en face de chaque fenêtre, se dressait un
énorme trépied, avec un brasier éclatant, qui projetait ses rayons à travers les carreaux
de couleur et illuminait la salle d'une manière éblouissante.
Ainsi se produisait une
multitude d'aspects chatoyants et fantastiques.
Mais dans la chambre de l'ouest, la
chambre noire, la lumière du brasier qui ruisselait sur les tentures noires à travers les
carreaux sanglants était épouvantablement sinistre, et donnait aux physionomies des
imprudents qui y entraient un aspect tellement étrange, que bien peu de danseurs se
sentaient le courage de mettre les pieds dans son enceinte magique.
C'était aussi dans cette salle que s'élevait, contre le mur de l'ouest, une gigantesque
horloge d'ébène.
Son pendule se balançait avec un tic-tac sourd, lourd, monotone ; et
quand l'aiguille des minutes avait fait le circuit du cadran et que l'heure allait sonner, il
s'élevait des poumons d'airain de la machine un son clair, éclatant, profond et
excessivement musical, mais d'une note si particulière et d'une énergie telle, que
d'heure en heure, les musiciens de l'orchestre étaient contraints d'interrompre un
instant leurs accords pour écouter la musique de l'heure ; les valseurs alors cessaient
forcément leurs évolutions ; un trouble momentané courait dans toute la joyeuse
compagnie ; et, tant que vibrait le carillon, on remarquait que les plus fous devenaient
pâles, et que les plus âgés et les plus rassis passaient leurs mains sur leurs fronts,
comme dans une méditation ou une rêverie délirante.
Mais quand l'écho s'était tout à
fait évanoui, une légère hilarité circulait, par toute l'assemblée ; les musiciens
s'entre-regardaient et souriaient de leurs nerfs et de leur folie, et se juraient tout bas, les
uns aux autres, que la prochaine sonnerie ne produirait pas en eux la même émotion ; et
puis, après la fuite des soixante minutes qui comprennent les trois mille six cents
secondes de l'heure disparue, arrivait une nouvelle sonnerie de la fatale horloge, et
c'étaient le même trouble, le même frisson, les mêmes rêveries..
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