Le climat Intranquilles : du printemps arabe dans les
Publié le 16/05/2023
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«
Le
climat
Intranquilles :
du
printemps
arabe
dans
les
Bouleversés par une nouvelle conjoncture, les personnages de Les
Intranquilles tentent de trouver de nouveaux repères et de se créer un
chemin dans un quotidien chaotique.
Abdallah, ancien mineur de Redeyef
mais aussi un ancien membre du Rassemblement Constitutionnel
Démocratique arrive à Tunis pour avoir fait l’objet d’une chasse à la
sorcière ; il croise des habitants aussi perdus que lui, parmi lesquels
Jaafar, un banquier, enrichi frauduleusement sous l’ancien pouvoir et
condamné à la prison, Sonia, sa fille révolutionnaire idéaliste, Hechmi, un
islamiste torturé pour son engagement pour la Cause, et tant d’autres.
Il
ne s’agit pas d’une histoire à proprement parler avec un commencement
et une fin, mais d’une tranche de vie, d’une galerie de personnages
tunisiens se décomposant et se composant au rythme de l’Histoire.
Une crise économique en hausse :
La révolution dans Les Intranquilles a révélé l’ampleur des carences
économiques, longtemps masquées par des années de stabilité
économique et politique.
Sous la surface, en dépit d’une apparence de
progrès sur le front de la pauvreté, des inégalités et des réformes
structurelles, la frustration et le mécontentement couvaient dans la
majeure partie de la Tunisie, à cause du chômage élevé, de la précarité et
de l’absence de débouchés économiques, « la mine est en grève, les
gens n’ont plus de quoi manger, alors les plus jeunes viennent
s‘entasser à Tunis ».
Le cas du personnage de Abdellah touche en
profondeur à cette problématique.
Après trente-cinq ans de travail dans
une mine de phosphate, il quitte son village natal contre sa volonté,
expulsé de son logement, dans un état de dénuement total, exposé à
l’indulgence et la misère.
L’ancien régime lui a ôté abri, et sérénité avec.
Il est contraint donc de refaire sa vie dans l’anonymat de la capitale.
« J’ai, toute ma vie, travaillé pour l’ancien parti au pouvoir, quand
la révolution a éclaté, on m’a pris ma maison, j’ai dû m’en fuir
comme un voleur ! ».
Ainsi, si la question du chômage de certains personnages révolutionnaires
a été un facteur important dans le déclenchement des manifestations dans
Tunis, c’est parce que les populations se sont rendus compte que le
chômage n’était pas une sorte de « fatalité », mais qu’il est le produit d’un
système
politique
injuste,
répressif,
et
cleptomane,
et
d’un
dysfonctionnement économique aberrant.
Azza Filali établit donc une
parfaite connexion entre dictature et injustice sociale qui a constitué le
détonateur des masses.
A beaucoup d’égards, et l’auteure le souligne à maintes reprises, la
révolution tunisienne est originale.
C’est une conjonction exceptionnelle de
facteurs et d’acteurs qui l’a rendue possible : jeunesse éduquée mais aux
prises avec un chômage rampant, une organisation spontanée de la
révolte, un contexte économique marqué par une « croissance sans
développement », un système politique sclérosé et répressif, une
corruption généralisée, et un ras-le-bol général.
La scène du violent
attaque organisé par les employés de l’usine où Hechmi travaillait sert
d’exemple significatif et s’inscrit parfaitement dans cette logique.
« La
bande grossit est un projet de razzia des entrepôts fut décidé.
Deux lascars se procurèrent des camionnettes.
Vers midi, le
groupe, armé de gourdins et de barres métalliques, attaqua l’usine
par la porte arrière ».
Une inflation avec, en face, des salaires réduits
et minimes ne peuvent qu’intensifier la colère d’un peuple en quête de
conditions favorables, voire meilleures.
Les mobilisations protestataires
expriment un mécontentement profond et entrainent avec elle des effets
préjudiciables.
Un régime politique étouffant :
Avec le soulèvement populaire des tunisiens, la lutte acharnée contre
l’énorme déficit démocratique et l’excès d’autorité est croissant.
Azza Filali
fait le plein narratif et discursif avec le manque criard du bien dont leurs
personnages en marche sont dépossédés, la démocratie, et le mal de
l’abus de pouvoir dont ils souffrent.
Elle s’embarque donc dans une
narration stigmatisant les régimes politiques despotiques et inégalitaires.
Ces mouvements entrainés par les différentes catégories, étudiants,
employés, miniers, et d’autres, reflètent avant tout un rejet à caractère
fondamentalement politique d’autocrates ou de régimes vieillissants dont
la population ne supporte plus l’emprise répressive, le contrôle des
moyens d’information, les arrestations arbitraires et, les licenciements
abusifs, d’une façon plus générale, les atteintes aux droits de l’Homme.
Citation
Hechemi, est à titre d’exemple, l’un des victimes expiatoires du régime.
Se mettant aux antipodes d’un régime étouffant et despotique, il subira
les peines les plus atroces au sein d’une prison imbibée de cruauté et de
barbarie, où il séjournera plus de quinze ans.
« Mais sur le ventre, il
faisait le compte des crevasses, puis descendait sur le pubis, là où
l’homme à l’uniforme avait, patiemment, chaque jour, durant des
mois, gravé un nom avec le bout incandescent de sa cigarette.
».
L’arbitraire de l’Etat ne s’exerce pas contre les « politiques » mais contre
les simples citoyens qui peuvent être arrêtés, rackettés, et tourmentés,
sans aucun recours.
La démocratie dont rêvent les personnages est une valeur certaine et
immuable.
Or, rien n’est moins vrai que cette approche naïve de la
démocratie.
Les valeurs et les institutions démocratiques sont
parfaitement critiquées par l’auteure : pour le personnage de Abdellah par
exemple, ce modèle inadapté aux sociétés peu développées sert à des fins
de manipulation des masses, il n’éprouve d’ailleurs nulle confiance en
cette dernière.
« Malheureusement, je ne suis du coté de personne…
pour les barbus, j’ai le poil pauvre, quant aux démocrates, leur
discours me rappelle les vieux films égyptiens ».
La démocratie est
donc vue de la part des personnages, non seulement comme une «
mystification » mais un modèle « purement formel ».
Elle n’est finalement
qu’un mot encombrant dans le sens où les politiciens de l’Ancien régime
qui prétendent de l’expérimenter ne savaient pas exactement comment
s’y prendre pour en réaliser les termes.
La corruption du régime est peut-être le plus grand défi politique et
économique auquel son heurté les tunisiens.
Elle est un élément central
de la pauvreté endémique, de l’instabilité politique, du crime organisé, de
la désaffection civique, du déclin économique et de nombreux autres
problèmes qui nuisent à la qualité et l’image du régime, mais aussi à la
qualité de vie de tous les personnages de l’œuvre.
Le texte de Filali est
d’ailleurs la représentation claire et nette d’une corruption expansionniste
sans limites.
Mondher, directeur de la banque où Jafar travaillait témoigne
d’une corruption d’ampleur.
Abusant de son pouvoir et son influence dans
le domaine bancaire, il favorise ses intérêts particuliers au détriment de
ceux des clients et de la société.
Fraude, collusion, et implications d’autres
personnages tels Hamza et Jaafar, ont impliqué une perturbation générale
dévastatrice des ambitions d’autres fonctionnaires.
Autoritaire qu’il est,
Mondher profite de son statut et puise dans les moyens de terreur pour
faire taire tous ses complices : « votre peur est ma meilleure
garantie contre euh… Les imprévus de la vie ! »
Il y va, en somme, d’une crise de la représentation d’une démocratie
voulue, voire idéalisée, qui débouche sur une crise affectant la rationalité,
semant le doute, le soupçon, qui conduirait à la dissolution, à la
destruction de cette notion nouvellement acquise.
L’auteur déconstruit
l’idée que l’on se fait de la démocratie.
Elle questionne le principe même
de la représentation démocratique dans l’imaginaire collectif.
La crise naît,
en effet, d’une conscience aiguë de cette inadéquation entre ce qui est
souhaité, désiré, rêvé et ce qui existe réellement.
La montée de l’islamisme :....
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