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L'Angleterre par Jacques Boussard Professeur à la Faculté des Lettres et Sciences

Publié le 05/04/2015

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L'Angleterre par Jacques Boussard Professeur à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Poitiers Des rois normands à la dynastie Tudor (de 1066 à 1485) L'histoire, a écrit Marc Bloch, est la science du passé humain ; on peut donc la considérer avant tout comme l'étude d'une évolution des groupes humains. Or, nulle évolution ne fut plus radicale que celle de l'Angleterre au Moyen Âge, si nous l'envisageons entre la conquête normande de 1066 et la fin du XVe siècle. Mais si Henri VII peut être considéré comme le premier roi moderne de l'Angleterre, il a tiré en grande partie sa puissance d'une organisation politique qui est l'aboutissement, après quatre siècles d'évolution, de l'oeuvre de Guillaume le Conquérant. Au vrai, l'évolution politique n'est que le reflet de l'évolution économique et sociale : elle traduit et dirige au sommet les aspirations des hommes, toujours marquées par les circonstances économiques. Pendant quatre siècles, l'État anglais, né de la conquête et d'abord uni aux possessions continentales de ses maîtres, s'est peu à peu, et à contrecoeur, dégagé de ces attaches extérieures et a accompli une évolution originale. L'Angleterre s'est repliée sur les Iles Britanniques, elle a pris conscience d'ellemême, elle est devenue une nation. L'Angleterre médiévale est cependant loin d'embrasser tout le territoire des Iles Britanniques. C'est un État limité au nord par le royaume d'Écosse, à l'ouest par les principautés galloises. Au XIe siècle, l'Irlande n'en fait pas partie ; mais, à partir du XIIe, les rois d'Angleterre y prennent pied et y fondent des établissements durables. Cependant, bien que Jean sans Terre ait cru pouvoir s'intituler " seigneur de l'Irlande ", les résistances locales ont duré pendant tout le Moyen Âge : au XVe siècle encore, on ne peut fixer avec précision les limites territoriales de la pénétration anglaise. Il en est de même pour le Pays de Galles : malgré les expéditions d'Henri II, la conquête systématique d'Édouard Ier, malgré le titre de Prince de Galles porté depuis le XIVe siècle par l'héritier du trône anglais, l'autorité du roi d'Angleterre sur ce pays est encore au XVe siècle contestée et précaire. Les seigneurs anglais établis à proximité de la frontière galloise, dans les Marches, ont toujours été investis, à cause de nécessités guerrières vivement ressenties en ce secteur agité, de pouvoirs et de responsabilités très supérieurs à ceux des barons de l'intérieur. Depuis les comtes palatins, établis par Guillaume le Conquérant, jusqu'aux " Lords marchers " du XIVe siècle, ils ont tiré de l'insécurité à laquelle ils devaient faire face une puissance qui inquiéta souvent la monarchie. Quant à l'Écosse, le rêve des rois d'Angleterre fut toujours de l'unir à leur royaume, sans jamais y parvenir durant le Moyen Âge ; tout au plus réussirentils, par intermittence, à obtenir du roi d'Écosse qu'il se reconnut leur vassal. Le royaume anglais, ainsi limité, est remarquable par une évolution due à la fusion de deux races et de deux mentalités : le vieux fond saxon, d'ailleurs transformé par la domination scandinave, qui, au XIe siècle, était parvenu à une civilisation raffinée, mais qui était emprisonné dans un système politique aboutissant à l'oligarchie ; l'apport nouveau du peuple normand, jeune, entreprenant, débordant d'activité et de combativité. Après une période au cours de laquelle l'irruption des Normands fournit des cadres efficaces, mais tyranniques et sans scrupules, qui façonnent sans ménagements la société et les institutions, le XIVe siècle apparaît comme le début d'une ère nouvelle : un peuple anglais, dans lequel se sont fondus les Saxons et les descendants des Normands, est né. La monarchie, d'abord incarnée dans la personne du roi, évolue vers une notion plus élaborée dans laquelle le roi n'est plus que le représentant de cette abstraction auguste qu'est la Couronne. A côté de son pouvoir, s'est développé un pouvoir de contrôle, d'abord purement aristocratique, mais auquel commencent peu à peu à participer les classes non nobles : c'est le Parlement. Au XVe siècle, la lutte entre ce pouvoir et celui du roi, que certains souverains voudraient absolu, n'est pas encore apaisée. A côté de cette évolution constitutionnelle, on voit peu à peu s'établir la " commonlaw " pour tous les sujets du roi et il y a un effort de législation, sans doute unique dans l'Europe médiévale. Au point de vue social, l'évolution n'en est pas moins frappante : partie de l'organisation manoriale, qui suppose un travail en commun assuré par des corvées, un demiasservissement des travailleurs ruraux, un paysage où domine l'" openfield ", l'Angleterre du XVe siècle connaît la liberté pour tous, une forme très large de tenure, qui équivaut à la petite propriété paysanne, un paysage de champs enclos qui assurent les droits exclusifs de leurs possesseurs. L'industrie est née. L'Angleterre qui, au XIIIe siècle, était exportatrice de laine brute, a cessé, au XVe, d'être " l'Australie des PaysBas " et elle traite ellemême sa laine. Le commerce se développe et entraîne la construction d'une flotte marchande : de plus en plus, l'Angleterre prend conscience de sa vocation maritime. La langue française, langue officielle et langue des classes dirigeantes jusqu'au début du XIVe siècle, est supplantée par l'anglais, dans lequel s'expriment depuis 1350 les conteurs et les poètes. Après l'importation d'un art roman, puis gothique, qui a d'ailleurs enrichi l'Angleterre d'admirables chefsd'oeuvre, un style particulier et original se développe, le style perpendiculaire. En vérité, l'Angleterre d'Henri VII, à tous points de vue, offre un visage bien différent de celle de Guillaume le Conquérant qui en est pourtant le point de départ.<...
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