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L'Amérique de l'Indépendance à 1918 par Claude Fohlen Professeur à la Sorbonne Si

Publié le 05/04/2015

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L'Amérique de l'Indépendance à 1918 par Claude Fohlen Professeur à la Sorbonne Si la périodisation propre à l'Europe convient mal aux autres continents, force est de reconnaître que, au moins pour l'Amérique du Nord, le long XIXe siècle, entre la Révolution française et la Première Guerre mondiale, s'insère entre des dates significatives et présente une unité réelle. 1789, c'est l'année de la mise en application de la Constitution des États-Unis, celle aussi de l'élection de son premier Président, George Washington. Depuis lors, la Constitution, quoique votée sans enthousiasme, est demeurée inchangée - dans la lettre sinon dans l'esprit - et a réussi à s'adapter à des situations changeantes grâce à la procédure d'amendement. 1918, c'est la fin de la Première Guerre, à laquelle les États-Unis et le Canada ont participé. L'Europe a réussi à se sauver grâce à l'intervention de deux jeunes nations américaines qui, vingt ans auparavant, comptaient peu sur l'échiquier international. Les enfants ont volé au secours de la mère patrie, en s'acquittant ainsi d'une dette de reconnaissance et en s'imposant du même coup au nombre des grandes puissances. Entre ces dates, deux nations nouvelles sont nées et ont soumis tout l'espace compris entre les rives de l'Atlantique et celles du Pacifique. A l'époque carolingienne, on parlait de la dilatatio regni pour désigner l'expansion de l'Empire au-delà de l'Elbe. Il n'existe aucune expression analogue pour définir la conquête du continent nord-américain. Les historiens ont cependant un mot clé qui recouvre cette expansion, c'est celui de Frontière, qui résume tout le processus de conquête et de colonisation, de la barrière des Appalaches à la chaîne des Cascades et à la Sierra Nevada. La Frontière n'est pas, comme en Europe, une ligne idéale séparant deux États, mais une zone de largeur variable marquant la limite entre les espaces colonisés, ou en voie de l'être et les aires pratiquement inoccupées et pour ainsi dire inconnues au coeur du continent. Sans doute, le continent américain, contrairement à la Sibérie, n'était-il pas entièrement vide, puisqu'on y trouvait de nombreuses tribus indiennes. Mais les nations indiennes réellement organisées en États, avec leur administration, leur hiérarchie sociale, leur armée et leur civilisation matérielle, étaient toutes localisées au sud de l'espace nord-américain, au Mexique, dans le Yucatán, dans les Andes, qu'il s'agisse des Aztèques, des Mayas ou des Incas. Au nord du Rio Grande, aucune tribu n'avait atteint un tel rayonnement, aucune n'a laissé de vestiges aussi impressionnants que les pyramides de Teotihuacan ou de Palenque. Fort peu ont d'ailleurs laissé des traces, non pas qu'elles fussent toutes nomades, comme on le croit à tort, mais simplement parce qu'elles n'utilisaient ni pierre ni métal. Seuls les Pueblos dans le Sud-Ouest avaient des temples et des demeures permanents, creusés dans le roc, bien conservés dans le Colorado. Dépourvus de la force matérielle que procure un haut degré de développement économique et dispersés sur d'énormes espaces, les Indiens ne pouvaient opposer qu'une résistance sporadique à la pénétration de colons décidés et bien organisés. S'ils adoptèrent rapidement, et avec quelle virtuosité, le cheval et les armes à feu, ils succombèrent par dizaines de milliers aux méfaits de l'alcoolisme, des maladies vénériennes et des épidémies. Loin de se métisser, comme les Espagnols, les Anglo-Saxons purent se contenter, sans grand mal, de refouler leurs adversaires vers l'intérieur, puis de les parquer dans des réserves si inhospitalières qu'elles ne pouvaient susciter aucune convoitise. Au point de départ, à la fin du XVIIIe siècle, ni le destin des États-Unis ni celui du Canada ne se trouvaient inscrits sur la carte. Les États-Unis originels se trouvaient enserrés entre l'Atlantique et le Mississippi, et le Canada se limitait à la vallée du Saint-Laurent et à ses abords. L'expansion territoriale résulta de négociations, d'achats et - très rarement - de guerres, si l'on exclut les guerres indiennes, qui furent des escarmouches et non de véritables campagnes. Le seul conflit d'envergure fut celui qui opposa le Mexique aux États-Unis et aboutit à la mainmise, par ces derniers, sur tout le Sud-Ouest, en 1848. Auparavant, ils s'étaient cantonnés dans une politique d'achat, avec la France, pour ce qui est de la Louisiane, avec l'Espagne, pour la Floride, ou avaient préféré des extensions pacifiques, comme ce fut le cas pour le Texas (1845) et l'Oregon. Ultérieurement, ils revinrent à leur politique d'achat, qui leur donna le Sud de l'Arizona (achat Gadsden), puis l'Alaska. Le territoire situé au nord du 49e parallèle fut reconnu à l'Angleterre pour devenir le Canada a mari usque ad mare. L'Amérique porta ainsi la marque de la domination des Anglo-Saxons, par opposition à l'Amérique latine, et compte tenu des minorités non anglo-saxonnes, comme les Français du Québec. Cet immense bloc territorial se peupla progressivement, de l'Est vers l'Ouest. Vers 1780, la Frontière suivait en gros la ligne de crête des Appalaches à l'est desquels s'étendaient les Treize Colonies. Quelques établissements isolés avaient profité de l'ouverture de la route de l'Ouest par Daniel Boone pour s'installer dans des clairières, dans le futur Kentucky, montrant ainsi la voie à une première étape de l'avancée qui porta la Frontière sur le Mississippi. Successivement, le Kentucky et le Tennessee entrèrent dans l'Union (1792 et 1796), et la zone intermédiaire entre les Appalaches et le grand fleuve se peupla peu à peu : de cinq millions trois cent mille en 1800, la population des États-Unis passa à douze millions huit cent mille en 1830. A ce moment, un nouveau bond s'était produit, sur le Missouri, puis entre ce fleuve et la Louisiane, au sud. Vingt ans plus tard, la Frontière se trouvait reportée au pied des Rocheuses. Mais cette avancée méthodique et progressive fut rompue par deux " accidents " : l'implantation des Mormons dans le désert de l'Utah et l'attraction qu'exerça la Ruée vers l'or, en Californie, à partir de 1849. Plu...

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