La papauté et les états italiens par Giuseppe Galasso Professeur d'Histoire médiévale et moderne à l'Université de Naples A la fin du XVe siècle, la péninsule italienne présente un équilibre politique atteint depuis longtemps et sanctionné par le traité de Lodi (1454).
Publié le 05/04/2015
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La papauté et les états italiens par Giuseppe Galasso Professeur d'Histoire médiévale et moderne à l'Université de Naples A la fin du XVe siècle, la péninsule italienne présente un équilibre politique atteint depuis longtemps et sanctionné par le traité de Lodi (1454). L'équilibre se fonde sur une balance of power stable entre les cinq États principaux : le duché de Milan, les républiques de Venise et de Florence, l'État de l'Église, le royaume de Naples. Quelques États mineurs leur font couronne : Gênes, Lucques, Sienne, Ferrare, Mantoue. D'autres régions de la péninsule sont entre des mains étrangères (Sicile, Sardaigne et Trieste), tandis que les ducs de Savoie, dont les terres s'étendent à califourchon sur les Alpes occidentales, oscillent entre la sphère politique française et la sphère italienne. Contrairement à la France, à la Grande-Bretagne et à l'Espagne, mais semblablement à l'Allemagne, l'Italie du Moyen Âge n'a pas vu émerger de grandes formations politiques unitaires et hégémoniques, mais a démontré la vitalité et la signification historique de l'État basé sur la région. En ce qui regarde les rapports interstataux et internationaux en Europe, ce système n'est pas encore un élément préjudiciable, car les nations d'Europe, à ce point de vue, vivent encore renfermées sur elles-mêmes et leur attention n'est guère retenue que par la solution de problèmes d'équilibre, d'hégémonie et d'unité qui se posent dans leurs cadres respectifs. En outre, les États italiens sont unis, par le traité de Lodi, en une Ligue italique qui semble doter le pays d'un cadre unitaire, fût-il flou et transitoire. La campagne de Charles VIII en 1494 ouvre une période de bouleversements au cours de laquelle, en quelques années seulement, l'équilibre italien va voler en éclats, l'autonomie politique de l'Italie va se révéler d'une fragilité insoupçonnée et l'Espagne établit dans la péninsule une prépondérance qui durera deux siècles. Certes, on parlait toujours de la " liberté d'Italie ". On en avait déjà parlé au siècle précédent, mais uniquement en relation avec les tentatives d'hégémonie de Milan et de Venise. En réalité, la liberté était l'équilibre italien, la garantie du maintien d'un système pluristatal. Pendant les guerres du XVIe siècle, on parla encore de liberté et l'expression se colora peu à peu de la prise de conscience des Italiens des menaces qui pesaient sur leur autonomie et de la solidarité d'intérêts qui aurait dû s'instaurer entre les États et les princes italiens. Entre 1510 et 1530 surtout, il y eut de nombreuses proclamations dénonçant ce caractère intolérable de la situation qui se détériorait fatalement. Après 1530, ces voix s'atténuent. La réalité des choses s'impose. Dans l'Italie espagnole, les souverains de Madrid obtinrent un loyalisme général et sincère qui se transforma en grande partie en un véritable dévouement à la dynastie. Dans le reste de la péninsule, le sentiment envers la nation dominante varia selon les régions, mais dans l'ensemble on se méfiait de la puissance qui n'avait pas toujours respecté l'autonomie d'une partie des États italiens et qui pouvait, le cas échéant, en menacer la survivance. C'est pourquoi le sentiment anti-espagnol fut sans aucun doute une composante, bien que non dominante, de la culture et du sentiment politique en Italie dans la seconde moitié du XVIe siècle et au XVIIe siècle. Néanmoins, l'indépendance proprement dite et l'autonomie à l'égard de l'étranger furent beaucoup moins rigoureusement revendiquées ou, pour mieux dire, ces revendications se cantonnèrent dans le domaine purement littéraire. Cela ne signifie pas que les expériences et les vicissitudes politiques des XVIe et XVIIe siècles n'aient pas d'importance pour l'histoire nationale italienne. Du reste, l'hégémonie espagnole soulignait le fait que la péninsule constituait, dans le contexte de la géographie politique européenne, un espace politique unitaire, puisqu'elle englobait la Sicile et la Sardaigne. S'opposer à l'hégémonie espagnole dans la péninsule ou la reconsidérer signifiait alors, beaucoup plus qu'avant les guerres d'Italie, se proposer une nouvelle assiette unitaire de tout l'ensemble du territoire italien : tâche que seule la diplomatie européenne aurait pu assumer, et par conséquent que l'on pouvait considérer comme soustraite à la détermination des Italiens. D'ailleurs, c'est justement de la nette sensation d'être définitivement devenus objets de la grande politique internationale qu'allait se développer par la suite chez les Italiens une des principales justifications de la cause nationale. Il y eut un autre élément important, du point de vue national, à la fin du XVIe siècle : ce fut " l'Italianisation " de la dynastie de Savoie. Tout d'abord, le cadre politique coïncida avec le cadre géographique de la péninsule. Ensuite, les États italiens profitaient de la puissance militaire de la dynastie de Savoie, qui contribuait par là à améliorer les rapports entre l'Italie espagnole et l'Italie non espagnole. D'ailleurs, elle allait bientôt s'affirmer l'élément le plus apte à s'insérer dans le jeu des grandes puissances en tant qu'expression italienne. Néanmoins, au-delà de ces données matérielles, il faut faire entrer en ligne de compte l'épuisement de la vieille Italie. L'époque qui vit l'installation d'une dynastie étrangère dans la moitié de l'Italie et la perte de l'autonomie des États italiens dans le concert européen marqua également l'apogée de la Renaissance et, avec elle, l'apogée de la primauté morale, artistique et intellectuelle des Italiens en Europe. Il est difficile de définir la Renaissance. Dans l'ensemble, elle apparaît sous l'aspect d'une puissante manifestation de vitalité et de potentiel de création. A la limite, on dira que ses contenus comptent moins que les forces et que les formes qui les expriment. Par là, la Renaissance est surtout une manifestation de la société. Mais elle déborde aussi sur les institutions et le compromis qui arrive ainsi à s'établir entre l'État et l'Église d'une part, et les intellectuels de l'autre est l'une des limites fondamentales de l'Italie de la Renaissance. On assiste au paradoxe d'une culture libre et libératrice qui sert de soutien et de justification à la phase évolutive de la ...
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