LA MAISON : Ses mythes, son histoire et ses problèmes
Publié le 31/10/2011
Extrait du document
Si j'étais riche, disait Rousseau dans un passage célèbre de l'Émile qui servit de dictée à des milliers d'écoliers pendant des générations, je n'irais pas me bâtir une ville en campagne et mettre les Tuileries devant mon appartement. Sur le penchant de quelque agréable colline bien ombragée, j'aurais une petite maison rustique, une maison blanche avec des contrevents verts, et quoi qu'une couverture de chaume soit en toute saison la meilleure, je préférerais magnifiquement, non la triste ardoise, mais la tuile parce qu'elle a l'air plus propre et plus gai que le chaume, qu'on ne couvre pas autrement les maisons de mon pays et que cela me rappellerait un peu l'heureux temps de ma jeunesse ...
«
échappe : la maison reste liée à l'image de la mère ;
chacun y retrouve le sentiment d'échapper aux
contraintes du monde extérieur ou à ses dangers .
L'univers utérin est reconstitué.
Ce qui est vra i
pour
les adultes l'est encore davantage pour les
enfants.
Une maison suscite le rêve ; le grenier , la cave, le jardin, s'il y en a, ouvrent les portes de l' imaginaire et de la liberté.
Ce n'est plus la vie quotidienne qu'on y rencontre, mais l'aventure et le mystère.
Même dans les appartements modernes les plus étroits ou les plus encombrés , les enfants
ont besoin d'avoir, dans un recoin, un peu d'espace où ils puissent échapper à la réalité .
Seule la mai
son , ou ce qu'on appelle ainsi même quand elle se
réduit à un « deux pièces-cuisine », le leur offre
vraiment puisqu'elle est justement le double mater nel.
Qu'on donne une caisse en carton à un enfant , il en fera vite un abri qu'il décorera parfois de peintu
res destinées à représenter des portes et des fenê
tres.
La maison joue un rôle essentiel dans les des sins enfantins.
Très souvent, elle est ouverte et laisse apparaître les différentes pièces avec les meubles
et les habitants.
Ce labyrinthe généralement assez
compliqué rappelle aussi bien les grottes des temps
paléolithiques que le palais de Minos, à Cnossos ,
en Crète , ou encore les tombes étrusques ou les allées couvertes de l'Atlantique.
Le rapprochement peut paraître surprenant.
Et ·pourtant, il s 'agit bien d'une conception compa
rable de ce qu'est, de ce que fut ou de ce que doit
être la demeure de l'homme, qu'il vive ou qu'il
meure.
Il y a , dans tous ces exemples, un contact
qui se crée avec les puissances obscures de l'uni
vers ; ce contact relie l'individu , par un système de relations compliqué , aux mystères de l'univers.
La
vie et la mort se rejoignent dans ces demeures qui les abritent.
On ne naît pas immortel , et la maison,
qu'elle soit demeure quotidienne ou tombeau , se
confond , dans sa symbolique, avec
le destin de l'homme.
Elle est le théâtre de ce destin .
Ce qui
explique les significations qui lui sont données
dans toutes les civilisations depuis que l'homme a
cherché à se mettre à l'abri du froid , des bêtes ou de ses adversaires.
Une plante qui vit
Il y a là une assimilation mystique et magique
avec l'univers.
L'homme, par sa demeure, s'installe
au cœur
de la vie, ce qui veut dire également de la
mort.
Les astrologues parlent aussi de « liaisons » quand ils établissent un horoscope.
Une demeure appartient au sol par ses fonda
tions, au ciel par sa couverture, au soleil et à l'om
bre, au rythme des jours et des saisons par
ses faça
des, aux éléments enfin par la pierre, la terre ou le
Demander à l' enfant de dessiner la maison, c'est lui demander de révéler le moi le plus profond où il veut
abriter son bonheur .
(Photo J.- P.
Daudier)
boi s qui la composent.
Quoi d'étonnant ainsi que les ouvriers qui la bâtissaient se soient souvent
voulus autrefois dans la descendance des construc
teurs
du Temple de Jérusalem ou de ceux qui élevè
rent les cathédrales ? La modestie de leurs œuvres ne comptait pas ; i ls étaient de la même race que
ceux-là ; ils en partageaient les secrets initiatiques et ils savaient un certain nombre de règles qui
étaient transmises de génération en génération et
que, pour rien au monde, ils n'auraient révélées.
Elle s touchaient au mode même
de construction .
Le drapeau que les charpentiers plantent au faîte des toitures quand la besogne est achevée remplace
la branche verte qu'ils y po saient autrefois.
A la
différence
du peuple de la Bible , constitué de noma des , pour qui une demeure fixe était une provoca
tion à l'égard de Yahvé, comme on le voit avec la
tour de Babel et tant d'autres passages des livres
saints, la mai son, dans la plupart des civilisations,
s 'insère naturellement dans le cycle de la vie : elle
pousse et fleurit comme la plante .
Elle est plante
elle-même puisqu'elle contient la
sève humaine.
C'est pourquoi, chez tous
les peuples, on s'est
longtemps gardé de rien construire sans respecter un certain nombre de lois ; si on les avait transgres sées , la construction se serait éeroulée.
Rien ne
peut être laissé au hasard : ni la forme du bâtiment, ni les matériaux employés pour l'élever, ni son
orientation.
En Chine, jusqu'au temps
de la révolution com
muniste, au moins dans les campagnes, on faisait
appel à des géomanciens, aussi bien pour détermi ner l'emplacement convenable pour creuser une
tombe que pour bâtir une demeure.
Tout entrait en ligne de compte : l'azimut dans lequel se lève le soleil le jour de l'équinoxe, les différents points car-..
»
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