La Littérature française par Loly Clerc Quand Pierre Viansson Ponté écrit dans " Le Monde " à la veille des événements de 1968 : " la France s'ennuie ", il ne pense pas seulement à la vie sociale mais aussi littéraire.
Publié le 05/04/2015
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La Littérature française par Loly Clerc Quand Pierre Viansson Ponté écrit dans " Le Monde " à la veille des événements de 1968 : " la France s'ennuie ", il ne pense pas seulement à la vie sociale mais aussi littéraire. Les événements viennent semble-t-il le contredire. N'est ce pas plutôt pour confirmer qu'il ne se passe rien, du moins sur le plan des idées et partant, de la création littéraire ? À la fin du siècle, les observateurs restent perplexes : peut-on parler d'effet durable d'un mois de barricades sur trente ans de vie littéraire ? La vérité semble ailleurs. Si rien ne change, tout se transforme : dans les deux décennies qui suivent mai 1968, on assiste à l'éclosion d'une contre-culture qui, elle même éphémère, laissera des traces, à la fin du consensus autours des grands penseurs parce qu'aussi les idéologies qui perduraient vont s'écrouler ; des minorités vont en revanche prendre la parole et la garder longtemps : femmes, homosexuels, régionalistes, écologistes, chacun utilisera le livre et l'expression littéraire pour faire porter sa voix. On va découvrir l'avènement des médias, leur nouvelle puissance, ceux-ci seront à l'origine d'une nouvelle politique éditoriale... Tous ces mouvements ne signifient pas que des talents nouveaux n'apparaissent pas, mais il s'agit maintenant d'une littérature atomisée, éclatée en multiples tendances, multiples facettes dans laquelle il n'est pas facile de se retrouver. Et le regard trop proche que l'on porte sur les années passées provoque la myopie... Et donc probablement des lacunes. Commençons par une sorte d'adieu. Parmi les géants qui nous quittent peu à peu, certains vont entrer dans une forme de purgatoire. Ainsi, Aragon. Sa fidélité depuis près d'un demi siècle au parti Communiste, dont il a accepté et accompagné tous les retournements, le dessert. Il subit une injuste impopularité dans la mesure où il ne peut être le bouc émissaire du stalinisme. Mais à ceci s'ajoute une forme de déclin, après Blanche ou L'Oubli, Je n'ai jamais appris à écrire ou Les Incipit, Le mentir, vrai série de nouvelles dont la plus forte donne son titre au recueil a été écrite en 1964. L'anticommunisme qui se développe à partir de l'entrée des chars russes à Prague n'est pas étranger à l'effacement du poète. Même si en 1974, avec Théâtre-Roman, se lit une vraie lucidité. À sa mort en 1982, il reste comme une rancoeur contre cet immense talent qui a si longtemps joué le jeu des masques, des miroirs, des dédoublements. Mais lorsqu'en 1996, Philippe Caubert donne un récital des poèmes d'Aragon, il fait, dans toute la France, salle comble, tous les soirs comme si enfin, le poète, Le Fou d'Elsa retrouvait son public, les amoureux des mots... Ajoutons à cela que le premier volume de son oeuvre romanesque rééditée (Gallimard) se trouve sur les listes des meilleurs ventes en 1997, pendant plusieurs mois. Fin mai 1968, Malraux défile sur les Champs-Élysées, en soutien au général de Gaulle. Une photo fixe un visage fatigué, l'oeil clignotant, la mèche défaite, l'allure bousculée comme s'il n'était pas tout à fait certain que sa place est bien là. L'aventurier d'Indochine devenu ministre, c'est aussi l'auteur des Antimémoires qui viennent d'être publiées. En fait, les Antimémoires sont les éléments d'un ensemble qui s'élabore lentement de 1970 à 1976 : récits de rencontres avec les hommes politiques qui l'ont marqué : Mao, Nehru, de Gaulle, puis des souvenirs de Résistance, des réflexions sur les événements de mai 1968, une longue réflexion sur la souffrance, la maladie, la mort. S'y ajoutent des textes déjà publiés : Lazare, La Tête d'Obsidienne, Les Chênes qu'on abat... L'ensemble est indéfinissable parce qu'il ne s'agit pas d'une autobiographie, ni de mémoires, mais bien plutôt d'une méditation sur la condition humaine. Et tout en composant les Antimémoires, Malraux continue sa réflexion sur l'art avec La métamorphose des dieux (1976). Malraux disparaît la même année. Lui aussi sera remis en question, critiqué et pourtant, il inspire bien des destins. La Tentation de l'occident (1926), La Condition humaine, (1933) Les Conquérants (1928), L'Espoir (1937) demeurent des classiques, et l'aventure et le questionnement face à la condition humaine attire irrésistiblement la génération post soixante-huitarde. Mais, il faut attendre là encore la fin du siècle, et l'entrée de Malraux au Panthéon et qu'à cette occasion soit redécouvert le grand écrivain, le penseur de l'Art avec la série des Musée imaginaire, Les Voix du silence (1951) et les Métamorphoses des dieux (1976), l'extraordinaire lyrisme de son oeuvre, de ses discours, comme l'inoubliable texte qu'il dit pour le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, le 19 déc...
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