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La littérature baroque par Albert-Marie Schmidt Professeur à la Faculté des Lettres de Lille Ce n'est pas sans quelque inquiétude que nous entreprenons ici la tache d'entretenir les honnêtes gens de ce que les experts nomment : La Littérature Baroque.

Publié le 05/04/2015

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La littérature baroque par Albert-Marie Schmidt Professeur à la Faculté des Lettres de Lille Ce n'est pas sans quelque inquiétude que nous entreprenons ici la tache d'entretenir les honnêtes gens de ce que les experts nomment : La Littérature Baroque. Cette épithète, dans le commun vocabulaire, retient, en effet, à l'ordinaire, un sens fâcheux. Les esprits baroques sont ceux qui se délectent aux fantaisies étranges et aux desseins chimériques. Les fils de famille, qui dilapident leur patrimoine et multiplient les solécismes de conduite, sont accusés par leurs parents pauvres d'avoir un comportement baroque. Bref, il semble qu'en articulant cet adjectif, tout chargé de malédictions philistines, le grand bourgeois français se souvienne, à son insu, que c'est, à l'origine, un terme technique des lapidaires et qu'une perle baroque est un joyau insolite, dont la matière, certes, se recommande par la splendeur de son orient, mais dont la rondeur demeure imparfaite. Les spécialistes, ceux que le XVIIe siècle appelait avec révérence les habiles, ont, au contraire, ravi à ce mot, déplorablement équivoque, toute signification péjorative. Les historiens de l'art se sont plu, les premiers, à s'en servir pour qualifier de nombreux monuments et ouvrages plastiques exécutés en Europe, aux Indes, en Amérique du Sud par les successeurs immédiats ou lointains de Michel-Ange. Puis les critiques littéraires, obscurément jaloux de rivaliser avec les esthéticiens, se piquant au jeu, rangèrent sous la rubrique : Littérature Baroque, les textes de la littérature européenne conçus et publiés entre 1580 et 1650 ; d'une part, parce qu'ils sont contemporains des réussites les moins contestables de l'art baroque, d'autre part, parce qu'ils participent de la même sémantique que celles-ci. Enfin, quelques téméraires, au lieu de faire du baroquisme le principe stylistique d'une époque bien déterminée, ne balancèrent pas à le transformer en une essence constante des arts et des littératures occidentales, dont la vitalité, pour peu que certaines circonstances l'excitent, soudain se réveille et se dépense durant une période de durée imprévisible. La civilisation et la culture, dont nous nous réclamons, si on les réfléchit dans l'ensemble de leur évolution et de leur progrès, offriraient donc à la méditation des curieux une perpétuelle et, peut-être, fastidieuse alternative de classicisme et de baroquisme. A une fête classique fort courte succéderait un long sabbat baroque, agrémenté de caprices et de scandales divers. C'est ainsi qu'en France le bref classicisme de la Pléiade serait durablement ruiné par les impétueux efforts d'Aubigné, des compagnons libertins de Henri IV, des truculents ivrognes, qui rimèrent sous la surveillance jalouse de Richelieu, et des maniéristes mignards. De terme, au classicisme mélodieux et cruel de Racine on verrait se substituer, après un demi-siècle de tentatives indécises, le baroquisme romantique, exploité et achevé par le baroquisme surréaliste. Cette aventureuse théorie qui, quant à nous, nous séduit par sa vraisemblance, soulève, cependant, une question qui mérite examen : " Le baroquisme est-il une désagrégation du classicisme ou une réaction originale contre la sévérité de ses lois ? " Les régents de collège, qui usent leurs forces à gémir sur l'effrayante décadence des moeurs et du goût, tiennent le baroquisme pour une répugnante corruption, pour une maladie mortelle, capable d'infe...

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