La France de l'ancien régime par Victor-E.
Publié le 05/04/2015
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La France de l'ancien régime par Victor-E. Tapié Membre de l'Institut De la fin du XVe siècle à la fin du XVIIIe, la France a tenu, dans l'Europe et dans le monde, une place privilégiée. Les contemporains étrangers admettaient que Louis XIV fût le plus grand souverain de la terre et, à la veille de la Révolution, le pays était réputé riche, puissant, redoutable, comme, dans l'ordre de l'esprit, les lumières venues de France exerçaient sur tous les Européens cultivés attrait et séduction. Pourtant, les méthodes de l'histoire actuelle, appliquées à l'étude des conditions profondes, permettent de reconnaître que cette période de trois siècles fut diverse et non pas une, et que, si dans l'ensemble favorable à la communauté nationale et à son affermissement, elle n'atteste pas de progrès continu et général. France, diversité, a dit l'historien Lucien Febvre. Diversité des sols et des paysages, des climats, des groupes sociaux, selon la hiérarchie institutionnelle, mais aussi des formes du travail et de l'économie ; diversité des provinces dans leurs coutumes et leur esprit, leur mode de vie à tous les degrés ; enfin, au XVIe siècle, diversité des religions, et, à l'intérieur d'une même religion, des courants spirituels : l'étonnant est que, devant l'impossibilité d'une synthèse, on n'en sente pas moins puissamment l'indéniable existence d'un être collectif. La population française, au sortir d'un XVe siècle catastrophique, s'était très vite reconstituée. En tenant compte des arrêts de croissance provoqués par les disettes et les épidémies, les secondes souvent résultant des premières, on peut observer par l'étude de registres paroissiaux ou de documents fiscaux (travaux de Goubert et Le Roy-Ladurie) un fort relèvement du peuplement, par la progression des naissances, jusqu'à la fin du XVIe siècle. En peu de générations, certaines provinces virent tripler le nombre de leurs habitants. Le chiffre de vingt millions d'habitants au début du XVIIe siècle est admis, à la place de celui de quinze à seize millions qu'on avait longtemps tenu pour probable. On penche à croire que le seuil aurait été atteint au cours du Grand Siècle et qu'un déclin serait perceptible au début du XVIIIe siècle où la population, éprouvée par les conséquences des années de famine 1692-1693 et 1709-1710, n'aurait pas dépassé dix-neuf millions. Pour la production de subsistances qu'elle assurait, la France aurait même été surpeuplée vers le milieu du XVIe siècle, d'où les émigrations, au moins saisonnières, des régions les plus pauvres vers l'Espagne ou l'Angleterre. Il est difficile d'apprécier les résultats des guerres de religion et de la Fronde : de celle-ci, on sait au moins qu'elle éprouva très cruellement la démographie, mais que le relèvement fut rapide entre 1664 et 1674. Si les populations civiles, à l'époque moderne, ne se trouvaient pas exposées comme dans les conflits du XXe siècle à l'anéantissement des villes par les bombardements, elles étaient ravagées par les passages d'armées qui pillaient, incendiaient et laissaient après elles des foyers d'épidémies. Le pire malheur était donc d'avoir dans le pays même la guerre, civile ou étrangère. Un des mérites trop oubliés du règne de Louis XIV fut de préserver d'invasion le territoire français : on peut le mesurer par rapport à ce qui s'est passé en Allemagne pendant la guerre de Trente Ans (et au Palatinat). Mais il ne dépendait de personne que les intempéries survinssent (les mauvaises années furent fréquentes au XVIIe siècle) avec leurs conséquences désastreuses pour la démographie. La mortalité infantile demeura considérable pendant toute la période, et l'on peut penser qu'au temps de Louis XIII l'espérance moyenne de vie ne dépassait pas trente ans. Elle fut certainement plus longue au XVIIIe siècle, bien que le chiffre de la population eut tendance à diminuer. Les études de micro démographie ont dissipé la légende de familles nombreuses de dix-huit ou vingt enfants, cas exceptionnels qu'on a eu tort de prendre pour la règle, les mariages étant conclus plus tard qu'on ne le pensait (vingt-cinq à vingt-sept ans), la moyenne s'inscrivait autour de sept à huit enfants dans un foyer. De cette population, la majeure partie vivait à la terre ou des produits de la terre. Au cours du XVIe siècle, avec cette crue des hommes et de leurs besoins, des sols demeurés en friche furent mis en culture. D'autre part, la période fut, dans toute l'Europe, favorable à la production, parce que le prix des marchandises augmenta, grâce surtout à l'arrivée de métaux précieux d'Amérique et à une plus large demande de la clientèle. Au contraire, lorsque les mines rapportèrent moins, on assista à la contraction économique, plus ou moins tardive selon les régions (de 1610-1620 à 1650-1660), et l'amélioration s'affirma de nouveau au XVIIIe siècle avec l'assainissement monétaire (stabilisation de la livre en 1726). De meilleures méthodes de travail, tant dans les ateliers des villes qu'à la campagne, garantirent de grands progrès de la qualité comme de la quantité, tandis que l'extension du commerce maritime augmentait les échanges et faisait passer dans la consommation des villes des produits nouveaux (café, sucre, coton). La production du XVIe siècle fut surtout avantageuse aux marchands des villes et aux fabricants qui placèrent aussitôt leurs disponibilités en biens fonciers ou en rentes sur la terre. Les historiens économistes d'aujourd'hui admettent qu'il y eut alors une sorte de trahison de la bourgeoisie, selon l'expression de F. Braudel, parce qu'au lieu d'améliorer les procédés de fabrication pour un plus vaste marché, l'investissement en terres, dont les méthodes de culture ne changeaient pas, ne faisait que prolonger les structures anciennes. Mais cette interprétation reflète les préoccupations de notre âge industriel, elle n'explique pas le sens d'un attrait général pour la campagne et d'une mentalité formée par la longue période de féodalité. Or, la féodalité militaire s'&e...
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