La décolonisation de l'Afrique du Nord par Arnold Hottinger Correspondant de la
Publié le 05/04/2015
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La décolonisation de l'Afrique du Nord par Arnold Hottinger Correspondant de la Neue Zürcher Zeitung Si l'on veut saisir rétrospectivement les phénomènes complexes qui ont conduit à la décolonisation des cinq États arabes d'Afrique du Nord, il est nécessaire de se remémorer la position particulière de l'Algérie dans le Maghreb pendant le XIXe et le XXe siècle. Cette position découle de la manière dont fut colonisée l'Algérie. Avant que la France n'en prît possession, ce pays avait des frontières imprécises et son particularisme était beaucoup moins évident que celui de ses voisins, le Maroc et la Tunisie. L'Algérie fut conquise entre 1830 et 1857, au cours d'une guerre cruelle et destructrice. Des soulèvements eurent lieu contre la France à la suite de la guerre européenne de 1870 ; ils se soldèrent par la défaite et la répression de la population locale. Ainsi que l'admettent sans détours les documents de l'époque, les guerres de conquête avaient " réduit en poussière " la structure de la société algérienne traditionnelle, laquelle reposait sur la culture islamique ; le général Bugeaud, le principal artisan de cette conquête, s'était lui-même exprimé ainsi. L'Algérie fut conquise plus d'une génération avant l'occupation de la Tunisie et de l'Égypte, et plus de deux générations avant celle du Maroc et de la Libye. Les combats se déroulèrent dans d'autres conditions, l'état d'esprit était différent, le résultat fut donc différent. L'Algérie devint un pays de colonisation et d'immigration pour une importante communauté française qui ne se composait pas seulement d'entrepreneurs et d'administrateurs, mais aussi de petits colons, d'artisans et de commerçants. Il ne s'agissait pas seulement d'une classe supérieure colonialiste, mais aussi d'une population qui désirait se fixer. Par contre, les pays colonisés plus tardivement, tels que l'Égypte (à partir de 1882), la Tunisie (à partir de 1881), le Maroc (à partir de 1912) et la Libye (à partir de 1911), conservèrent les structures fondamentales de leurs sociétés et de leurs États telles qu'elles existaient avant leur occupation par des troupes étrangères. Les dynasties régnantes y restèrent d'ailleurs en place : le khédive en Égypte, le bey en Tunisie et le sultan au Maroc. En Libye, les Italiens avaient prévu un type de colonisation semblable à celui réalisé en Algérie, mais ils n'eurent pas le temps d'achever leur oeuvre. La Seconde Guerre mondiale les surprit avant même que tous les colons italiens fussent arrivés dans les maisons rurales que l'État leur avait préparées en Cyrénaïque. Après la guerre, ce fut la confrérie religieuse de la Sénoussia, qui avait été à la tête de la résistance contre les Italiens, qui assuma le gouvernement de la Libye (1951). La colonisation des deux autres pays du Maghreb et de l'Égypte fut accomplie selon des principes " plus modernes ". La puissance colonisatrice s'appuyait sur l'autorité déjà en place et faisait office de " conseillère ". Dans ce cas, ses conseils avaient le plus souvent un caractère d'obligation, et la présence de troupes mises en place par la puissance coloniale en garantissait la réalisation. En outre, on installa parallèlement à l'administration " indigène " une administration " européenne moderne " plus ou moins compliquée. Rien de semblable en Algérie. La France gouvernait directement, soit par l'intermédiaire de structures communales locales établies sur le modèle français (dans les territoires habités en majorité par les Européens), soit par le truchement d'un administrateur civil ou militaire (dans les territoires reculés habités pratiquement par les seuls Algériens). Il est donc normal que la lutte contre les colonisateurs ait pris un autre visage dans les États qui avaient conservé leurs propres structures, alors que l'Algérie, aux yeux de nombreux Français, était devenue un " morceau de la France ". D'ailleurs, l'influence française fut si forte en Algérie qu'il y eut une période où l'élite algérienne (qui avait reçu une éducation française) ne savait plus quel était son pays. Certes, on trouvait, dans le pays, une élite de formation et de culture musulmanes profondément enracinée dans son peuple et dont les membres, peu nombreux il est vrai, étaient fermement attachés à leur particularisme en tant que musulmans et algériens. Il est évident, aujourd'hui, que ce fut cette élite qui décida de l'avenir. Elle avait été fournie par les docteurs de l'Islam qui devaient leur formation et leur manière de voir à l'Islam traditionnel, mais cependant modernisé et " épuré " (Islah), dont ils avaient fait connaissance dans les centres de culture musulmane d'Orient, d'Égypte et de La Mecque. On vénère encore aujourd'hui trois de ces grands docteurs et maîtres : Ben Badis, el-Okbi et Brahimi. Ils avaient fondé, en 1935, " l'Association des Oulémas d'Algérie ". Leur revue Ach Chihab devait devenir l'instrument essentiel de la culture algérienne, par opposition à la culture française, et de son extension. Même la langue écrite arabe avait été largement supplantée en Algérie par la langue française (à l'exception des dialectes arabes parlés par les gens du peuple). En Algérie, ce fut dans les territoires marginaux, dans les villes l...
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