La Crète et le monde grec par Pierre Lévêque Doyen de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Besançon L'histoire du monde grec commence en réalité en Crète, à une époque bien antérieure à l'arrivée des premiers Grecs.
Publié le 05/04/2015
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La Crète et le monde grec par Pierre Lévêque Doyen de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Besançon L'histoire du monde grec commence en réalité en Crète, à une époque bien antérieure à l'arrivée des premiers Grecs. Vers 2700 av. JC, des populations anatoliennes, assez proches sans doute des Louwites et des Hittites, conquièrent la grande île et y introduisent la métallurgie du bronze. Elles y développent une civilisation originale et brillante, où l'on distingue trois phases connues sous les noms conventionnels de Minoen ancien (2700-2000 av. JC), Minoen moyen (2000-1580 av. JC) et Minoen récent (1580-1200 av. JC). Vers 2000 av. JC apparaissent les " premiers palais ", qui sont détruits vers 1700 av. JC par une incursion achéenne venue du continent. Mais les " seconds palais " leur succèdent, plus vastes et plus beaux. Des monarques puissants et riches y règnent, notamment à Cnossos, à Phaistos, à Mallia. Bientôt celui de Cnossos, le Minos, prend le pas sur ses rivaux, réduits à l'état de vassaux, et étend son hégémonie sur toute l'île. Il organise une monarchie bureaucratique, à l'instar de l'Orient, appuyée sur une classe de scribes qui utilisent une écriture restée énigmatique, le linéaire A. La puissance de la Crète est alors à son apogée. Le Minos gouverne un empire maritime, dont témoignent les nombreux sites qui garderont le nom de Minoa. La légende de Thésée et du Minotaure conserve la mémoire d'un temps où Athènes devait lui payer tribut. Cette thalassocratie minoenne, dont se souvient encore Thucydide, lui permet d'exploiter toute la Méditerranée orientale, notamment les Cyclades. L'activité économique est florissante. L'île se couvre d'emblavures, d'olivettes, de vignobles, de vergers et paît de gras troupeaux. La pêche est pratiquée sur une vaste échelle. Les artisans, dans les palais comme dans les ateliers individuels dont on a retrouvé de bons exemples à Gournia, pratiquent la métallurgie du bronze, la céramique, les industries textiles. La fabrication d'objets de grand luxe permet un intense essor du commerce avec l'Égypte, la Syrie, les îles, la Grèce continentale. Il y a peu de sites de la Méditerranée orientale où l'on n'ait retrouvé les beaux vases minoens. La religion crétoise est assez semblable à celle de la Méditerranée néolithique. Elle honore les forces essentielles de la nature, conçues sous la forme d'une divinité maternelle, maîtresse de fécondité, de fertilité et de vie éternelle. Bien que les fétiches primitifs (pierres, arbres, armes sacrées) aient gardé leur prestige, cette Terre-Mère est représentée de manière anthropomorphique, sous les traits d'une femme à la poitrine offerte, souvent accompagnée des animaux - qui incarnent au mieux les puissances chthoniennes, le serpent, l'oiseau, le taureau. Il s'agit certainement d'un polythéisme, car la Grande Déesse, qui semble elle-même apparaître sous plusieurs hypostases, est parfois associée à une jeune déesse, sa fille et à un dieu enfant. Ainsi se définit une trinité, qui survivra de loin à la Crète, puisqu'elle se retrouvera non seulement à Mycènes, mais dans les mystères d'Éleusis. Les Grecs emprunteront aussi aux Minoens beaucoup de leurs idées sur l'immortalité, que l'on devine plus qu'on ne les connaît : les morts, surtout les princes, sont héroïsés (le mot même de héros est crétois) et vivent dans les Champs Élysées sous la garde du roi Minos et sous la protection des puissances, vivifiantes jusque dans l'au-delà, de la Terre-Mère. L'art crétois apparaît essentiellement comme un art monarchique. Sa plus belle création est le palais, ensemble impressionnant de salles de réception, d'appartements, de communs, d'ateliers, de réserves groupés autour d'une vaste cour centrale. Notre vocabulaire a conservé les mots évocateurs de labyrinthe (nom du palais à la double hache de Cnossos) et de dédale (du nom de son architecte mythique). La décoration est somptueuse, faite surtout de fresques exécutées à la détrempe et de reliefs de stuc peint. Ces oeuvres, qui ignorent la perspective et empruntent les conventions de l'art égyptien, sont animées par un amour intense de la vie et de la couleur. Qui peut oublier le roi au lys, la tauromachie ou l'adorable " Parisienne " de Cnossos ? Les Crétois ne pratiquent pas la grande sculpture, mais ils ont laissé d'étonnantes statuettes de bronze, de stéatite, d'ivoire ou de faïence qui représentent la Grande Déesse aux serpents. De fait ils triomphent surtout dans les arts mineurs : bijoux, sceaux, vases d'argile où se succèdent, selon une mode mouvante, les représentations naturalistes et la stylisation la plus hardie. Au total, une civilisation généralement pacifique, riche de son commerce et de ses productions spirituelles. Elle s'écroule brutalement vers 1400 av. JC sous les coups d'une nouvelle invasion d'Achéens venus du Péloponnèse, qui conquièrent la Crète et y installent une principauté. Là Grèce, conquise comme la Crète par des Anatoliens vers 2600 av. JC, voit son peuplement bouleversé vers 1950 av. JC par des envahisseurs indo-européens venus du Nord. Au cours d'une longue période assez terne (Helladique moyen : 1950-1580 av. JC) ils s'y installent et s'adaptent aux conditions de vie du milieu méditerranéen, apprenant de leurs prédécesseurs la culture de la vigne et de l'olivier, la métallurgie du bronze, l'art de la navigation et le culte des puissances chthoniennes. Vers 1580 av. JC, comme par une mutation brusque, c'est le début d'une nouvelle période, très brillante, dite conventionnellement Helladique récent ou période mycénienne (1580-1100 av. JC). La transformation semble due à l'afflux de nouvelles bandes d'envahisseurs grecs, les Achéens, qui s'emparent du pouvoir dans le Péloponnèse, mais ...
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